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Promenons-nous dans les bois

Avec le retour d’une libido suractive revient le temps de la chasse au parc. Petit tour d’horizon de la pratique et des moyens mis en œuvre par les autorités pour les freiner.

Fini le temps des saunas et de leur coûteuse entrée! La belle saison élargit l’offre drague en multipliant les lieux de rencontre. Plages sauvages et nudistes en journée et parcs verdoyants pour des soirées à la belle étoile; la baise dans ces lieux-là prend un tour romantico-libertaire. Les sens en éveil et le pantalon frétillant, le chasseur est à l’affût, tout prêt à débusquer son gibier, ou vice versa! Hélas, l’occupation nocturne de lieux de promenades et de détente n’est pas du goût de tout le monde. Les autorités municipales sont alors prêtes à inventer n’importe quoi pour contrarier d’honnêtes parties de jambes en l’air entre garçons – ce qui, soit dit en passant, vient même à donner des idées au bidochon de base voulant mamourer bobonne ailleurs que dans le lit matrimonial – sans pour autant mettre la maison poulagard tous gyrophares hurlants sur le coup. En plus, tous ces gays – pas moyen de leur retirer le droit de vote –, pourraient bien avoir envie de ne pas réélire la municipalité en place. Donc, nous voilà sur le terrain glissant de l’hypocrisie institutionnelle. Même si les ordres ne viennent pas de tout en haut, les embûches semées entre bosquets et plates-bandes sont parfois le fait de responsables de service frustrés, de jardiniers en chef mal embouchés ou autres copines honteuses ayant la moindre capacité de nuisance.

Le meilleur moyen d’interdire tout coït masculin dans les espaces verts urbains consiste à condamner les accès aux susmentionnés espaces par des grilles fermées à la tombée du jour. A défaut de fermer, on peut toujours empêcher la circulation avec, par exemple, un tas de feuilles mortes à l’intersection stratégique du parcours de drague de la Perle du lac à Genève. Autre possibilité, plus radicale du reste, laisser les promenades se dégrader, les marches d’escalier s’effondrer et les sentiers se creuser de nids de poule. Cette dernière pratique a le gros avantage d’être économique mais l’inconvénient de chasser la promeneuse diurne soucieuse d’aérer sa dernière portée montée sur poussette. Du coup, le parc n’est plus fréquenté et devient une sorte de zone entre-deux où le plus hard des SM n’ose plus montrer ses chaînes. En général, tout se termine par un crime crapuleux et un ratissage policier en bonne et due forme.

Un jardin si bucolique
Le cas le plus intéressant nous est fourni par le parc Denantou à Lausanne. Il y avait tout ce qu’un chasseur peut désirer: de l’espace, de tendres gazons, des buissons odorants et touffus, un éclairage agréable et doux qui vous rajeunit bien de dix ans et une sorte de parcours, en sous-bois, tout bruissant de baisers et de frottements que l’on savait être voluptueux. Le cadre était enchanteur et les plus mutins se la jouaient alors Marie-Antoinette dauphine de France dans les jardins de Bagatelle. Il y avait la promenade attenante, le long du lac, et l’invitation langoureuse des eaux qui clapotent avec des bruits de langue goulue. Au détour d’une vaste demeure toute raisonnante de piano, on trouvait même une plage abritée, plantée de deux palmiers et agrémentée de bancs. Tant de délices, il n’y manquait qu’un distributeur de préservatifs et quelques poubelles de plus afin de ne pas gâter les parterres de kleenex baveux.

Rompons ici avec les plaisirs bucoliques et venons-en au fait: la déforestation! Afin de rencontrer en toute quiétude le prince d’une nuit (ou plus, allez savoir, y’a pas de Migros data sur cette viande-ci), il est nécessaire d’avoir un éclairage minimum, suffisamment en tout cas afin d’éviter de confondre Bozo le clown et Brad Pitt, et de petits coins discrets au détour des allées. Pour l’éclairage, c’est bien simple, soit il a été supprimé, soit il a été disposé de façon à aveugler le promeneur. Et pour les taillis feuillus, les futaies épaisses et les saules pleurant jusqu’au sol, il faudra repasser dans dix ans, le temps que ça repousse. Les services lausannois des parcs et promenades se sont lancés dans l’élagage intempestif de tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un petit nid d’amour idyllique; à croire qu’il nous entraîne une équipe de virtuoses de la tronçonneuse; il y a peut-être un concours international pour ce genre d’instrument?

Quant à la promenade le long du lac, la faute revient aux promoteurs qui ont construit quelques clapiers chic et ont, du coup, coupé les haies qui fermaient les jardins de pavillons cossus. Les palmiers et les bancs de la petite plage de sable fin sont encore là, mais le cœur n’y est plus. La chasse n’a pas totalement disparu d’entre les parterres, elle est simplement devenue moins concentrée car, à présent, les garçons longent les quais qui font face au parc Denantou ou se mettent à coloniser d’autres espaces, quitte à se faire surprendre par des pépères à chien-chien.

Du côté du service des parcs et promenade, il n’est même pas nécessaire de demander le pourquoi de tant de bois coupé. Il y a encore une année, on nous aurait peut-être bredouillé quelques explications hésitantes à propos de la politique de réaménagement ou d’un champignon méchant rongeant spécifiquement les arbres à pédé. Depuis décembre dernier, la réponse est toute trouvée: Lothar et son cortège de branches cassées et de troncs branlants. Toutefois, il est à noter que jamais les riches riverains logeant près du parc (les descendants du sculpteur Sandoz) ne se sont plaints des activités qui pouvaient s’y dérouler!