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ven 5 juillet, 20:30

Pacs im Bundeshuus

C’est la lutte finale au Parlement. Après le Conseil national, le Pacs passe devant les fourches conservatrices et très Heidi attitude du Conseil des Etats tout début juin. Avec Blocher dans les parages et des promesses de référendum lancées par les exaltés de la droite extrême, il n’en fallait pas plus pour titiller la curiosité intrinsèque de 360°.

10 heures du mat’ dans un appartement middle class de la banlieue bernoise, je m’extrais des bras de Peter-de-Bern pour rejoindre la cuisine où m’attendent mon premier jus d’orange-vodka de la journée et les effluves froides du joint de la veille. Dur. Aujourd’hui: un article in situ des relations houleuses entre le Parlement et les homos.
Je troque ma tenue de guerrier urbain post-capitaliste Dolce&Gabbana contre une veste à papa rayée made by H&M ; afin de pénétrer dans le Palais fédéral, il faut avoir l’élégance désuète du nain de jardin (je garde toutefois une chemise Zara pour marquer ma rébellion).
Arrivé à la «Bärenplatz», facilement repérable à sa fontaine, son marché et ses poubelles en forme d’ours, je me dirige d’un pas décidé vers l’antre de la démocratie helvétique, accroche mon badge d’assistant parlementaire et décoche un sourire Pepsodent au gardien physiquement affolant de l’entrée.
A l’intérieur mon bon goût naturel défaille à cause du choc esthétique que m’impose le décor gothico-baroque maxi encombré et lourdingue du Palais fédéral, Louis le Brocanteur sous ecstasy. Mais je suis un terroriste de l’info avant tout, je prends une grande respiration zazen, empoigne mon enregistreur et mets en place ma technique préférée: l’interview en embuscade.
L’immersion dans la faune parlementaire est un sport de combat où les dangers vous attendent derrière chaque huissier; il faut savoir reconnaître les gros poissons, les raies, les poulpes et les requins qui peuplent ce joli petit monde sous coupole.

A gauche, on connaît la chanson
La première personnalité que j’approche est la conseillère nationale Maria Roth-Bernasconi (PS/GE), vice-présidente des femmes socialistes, passionaria de la lutte pour l’égalité homme/femme et grande gay-friendly devant l’Eternel. Quel avenir pour le Pacs au Conseil des Etats? «Le Conseil des Etats est plutôt une Chambre conservatrice, dominée par le PDC, cela risque d’être difficile surtout depuis que monsieur Blocher est le conseiller fédéral responsable du dossier. Il peut amener de nouvelles propositions, il faut rester vigilant. De plus, si le Conseil des Etats amende trop le texte voté par le Conseil national, il y a un grand risque de navette et de retour devant le Parlement».
Soudain, le biper de la conseillère nationale se retrouve en émoi et tout autour de moi les députés se précipitent dans la salle du Parlement pour aller voter. Les joies du direct…
Dès son retour, j’enchaîne sur l’ouverture du mariage et de l’adoption pour les couples homo: «Plus on en parle, mieux c’est. Il y a encore beaucoup d’homophobie quotidienne. Je trouve qu’il faut briser les tabous, mettre en place des campagnes de sensibilisation sur la question, notamment auprès des enfants. En ce qui concerne la thématique de l’adoption, il y a encore beaucoup de travail à faire. Malgré les études américaines et des pays nord-européens, les gens en Suisse restent à persuader; il faut encore leur démontrer qu’un enfant peut très bien vivre avec des parents de même sexe. Il est fondamental de ne pas perdre courage et continuer de se battre».
Au coin de la table de travail, feuilletant le texte sur la nouvelle loi sur l’asile, Valérie Garbani (PS/NE), conseillère nationale depuis 1999. Pourquoi un tel retard sur nos voisins au sujet du Pacs? «Cela est dû à l’absence de volonté politique. L’ancien conseiller fédéral Koller a reçu une pétition de 200’000 signatures en faveur du Pacs qui a été rangé dans les tiroirs du Conseil fédéral. C’est Ruth Metzler, à son arrivée au Conseil fédéral, qui a ressorti le dossier. Etonnamment, la lenteur de l’exécutif ne s’est pas retrouvée au législatif, la question du Pacs est facilement passée au Conseil national. Cela est dû aux gay prides, il est important que ces manifestations existent. La gay pride de Sion, surtout, a montré que le mouvement homosexuel se battait pour obtenir l’égalité des droits comme toutes les citoyennes et les citoyens ordinaires. Quant au débat autour du mariage, je ne pense pas qu’il ait lieu maintenant, il faut d’abord faire passer le Pacs. Dans quelques années, cette question sera une évidence, mais lancer actuellement cette revendication serait une stratégie destructrice.»
Eloignons-nous maintenant de la salle de travail de la gauche pour nous rendre en terrain neutre, là où se font et se défont les stratégies, alliances, compromis de la politique législative suisse: la mythique Salle des Pas perdus.

Cherche radical désespérément
A l’un des ordinateurs à disposition, Pierre Kohler (PDC/JU), nouveau venu au Conseil national mais dont la liberté de ton fait déjà parler de lui. De plus, son parti possède, avec 15 sièges aux Etats, la clé du vote de juin prochain. «Le PDC a toujours souhaité que le Pacs soit plus un contrat de droit privé qu’un acte qui corresponde à celui du mariage. Je pense donc que le texte ne sera pas fortement amendé. Nous suivons une ligne conservatrice, qui donne la priorité à la famille, et d’ouverture dans la reconnaissance des partenariats homosexuels. Si la loi qui sort des Etats obtient le consensus avec le soutien du PDC, je pense que le futur référendum aura peu de chance de succès dans un canton comme le Jura, qui, bien qu’étant catholique et fortement ancré d’un point de vue confessionnel, est un canton ouvert sur ces thématiques d’égalité juridique. Mais il faut veiller à ce que le Pacs ne soit pas considéré comme un lien équivalent au mariage. Et s’il est évident que nous devons mettre en place une législation qui permette la reconnaissance des droits des couples homosexuels, je reste opposé à la possibilité d’adoptions d’enfants. Si l’on veut créer un minimum de base légale, j’estime qu’il ne faut pas surcharger le bateau».
D’autres volontaires pour s’exprimer sur le sujet? A droite, on a bien essayé un peu, pas pu: cet élu radical vaudois devait faire les courses avec sa femme. Quant à cet élu PDC, qu’on dit très influent aux Chambres, il s’est estimé trop méconnaître ce sujet pour s’exprimer. Heureusement que la pride de Sion est passée par là…
L’un des points communs entre draguer en boîte et réussir à obtenir un entretien avec un parlementaire réside dans la tactique d’approch: choisir de préférence un individu s’étant imprudemment éloigné de sa meute, si possible coincé entre des obstacles naturels comme un bureau déserté et les grandes portes-fenêtres donnant sur les balcons et, avec un peu de classe, vous obtenez Christian Levrat (PS/FR) qui a défendu le Pacs fribourgeois accepté le 16 mai dernier. «Il y a une résistance assez forte de la part de la société suisse à l’idée d’accorder des droits supplémentaires aux homosexuels; je l’ai vécue en live à Fribourg avec la campagne pour le Pacs cantonal qui a vu, malgré tout, une forte opposition de droite. On voit qu’il y a une homophobie latente cachée derrière des arguments bien-pensants. La preuve réside dans ce Pacs fédéral minimal, très loin d’un partenariat enregistré ouvert aux hétérosexuels et loin de donner des droits similaires au mariage. Même cette version minimale provoque de vives réactions à la droite du Parlement. Notre stratégie au Conseil des Etats devrait être de se concentrer sur des éléments très concrets, en montrant des exemples précis (comme les cas où l’adoption peut se justifier) pour avancer et vaincre les résistances idéologiques.»
Il est temps de s’intéresser au parti qui peut faire la différence dans la phase référendaire du Pacs, pour cela, rapprochons-nous du vice-président de l’UDC suisse, Jean Fattebert (UDC/VD): «Personnellement, je ne veux pas faire avancer plus rapidement le dossier sur les droits des homosexuels. Je peux toutefois comprendre que des gens ont besoin de solidarité sur des points très précis comme la caisse de retraite. Ce qui me fait peur, c’est la dérive vers une normalisation du couple homosexuel. Après le Pacs, l’étape suivante sera l’adoption des enfants, et cela n’est pas naturel, ce n’est pas la vie normale. L’UDC est en faveur de la famille,
traditionnelle, paysanne, et aura de la peine à accepter ce genre d’évolution. Si le référendum aboutit, Christoph Blocher défendra certainement l’avis du Conseil fédéral, mais il saura placer deux-trois petites phrases avec l’habileté qu’on lui connaît.»
La session spéciale du Conseil national touche à sa fin, les salles se vident peu à peu, l’instant est propice pour se glisser dans la Chambre du Peuple; les bureaux sont encombrés de dossiers, de brochures et de journaux, déjà les huissiers commencent à ranger, la machine administrative prend le relais de la politique, de l’idéologie et des rapports de force. C’est donc cela le génie helvétique? J’ai envie de reprendre les mots de ma coloc’ ethnico-branchée lors d’un set éclectique durant l’une des soirées du Scandale, elle qui peut écouter des polyphonies bantous et le dernier album de Mariah Carey: «C’est fondamental.»