L’archive de ma génération
À l’occasion des 25 ans de 360°, parole aux personnes qui ont occupé le poste de rédac-chef. Pour cette dernière chronique, Guillaume Renevey fait parvenir sa lettre d’adieu au magazine.
Cette fois-ci, c’est sûr! C’est la dernière fois que j’écris dans tes chaleureuses pages de papier glacé. Tes 25 ans étaient déjà une belle occasion de nous retrouver, une dernière fois. Ton évanescence rend ces modestes lignes indispensables, pour moi.
Car tu es, toi le magazine 360°, mon plus fidèle compagnon. Celui qui a toujours été à mes côtés, à nos côtés; confident de mes réflexions et spectateur de mes combats partagés avec nos communautés. Tu as été mon safe space, mon producteur de modèles (big up à mes prédécesseureuses*), un magnifique outil d’expression qui m’a été offert au prix d’un travail acharné, mais tellement gratifiant. Tu as mis sur mon chemin des personnes avec qui j’ai pu faire famille, tu sais, ces familles que l’on choisit. Tu as été mon outil d’émancipation, mon créateur d’opportunités, ma forteresse, comme ce fut le cas pour tant d’autres.
Je me souviens
Il y a 25 ans, la puberté aidant, je me découvrais. J’étais alors à l’école secondaire dans la banlieue de Montréal. J’apprenais à m’engager, mais j’apprenais aussi la violence du milieu scolaire pour les personnes comme nous. Je me souviens de cet ami, qui a vaincu un enfer au tribunal de la cour de récréation et pour qui j’aurais aimé être plus présent. Je me souviens aussi, une année plus tard, lorsque j’ai emménagé dans la métropole, à quel point la ville représentait à mes yeux l’immensité des possibles. Je me souviens du Village gay, de ses bars, de ses drag queens et de ses magazines. Je me souviens de ces profs qui m’ont accompagné, à grand renfort de littérature signée Michel Tremblay.
Mon coming-out appartient à ton quart de siècle. Je criais alors à mon monde entier qui j’étais, en commençant à travailler dans un magasin ouvertement LGBT de la rue Sainte-Catherine. Mon besoin d’exister, de défendre mon identité et celle des autres, a toujours été un moteur. Je sais que c’est le tien aussi. Nous nous sommes trouvés sur ce chemin.
Dès mon retour en Suisse, tes deux sœurs et toi, avez été d’extraordinaires adelphes. Je tiens ici à remercier toutes les personnes qui t’ont fait et à qui, tu le comprends peut-être maintenant, je dois aussi beaucoup.
J’ai toujours pensé que la langue de l’intimité était un outil puissant pour faire passer des idées. Tu le sais sans doute, toi qui dans ton petit format as su si bien te frayer un chemin dans les foyers. Combien de personnes magnifiques as-tu mises en lumière? Combien de combats as-tu menés, toi qui es un observateur privilégié de toute une génération? Comment aurions-nous pu animer tant de débats sans toi? Combien de personnes as-tu réconfortées? Qui sera, après toi, le lieu d’expression de la convergence des luttes?
Toi & moi
J’ai parfois l’impression que mon identité se fond dans la tienne. Après tout, pour certaines personnes, je suis encore «le mec» du magazine 360°. Je suis fier de t’appartenir. De ce mariage d’amour, que nous avons construit avec une équipe magnifique durant un temps, je garde une sensation: celle de la joie que procure l’ouverture aux autres, à tous les autres.
Pour certaines personnes, je suis encore «le mec» du magazine 360°. Je suis fier de t’appartenir
Pour toi, je continuerai, sans rien céder, à être le spectateur de ce monde où la place pour les idées progressistes s’amenuise au même rythme décadent que les ressources planétaires. Comme toi – en toute humilité – j’essayerai de rester une personne vers qui l’on peut se tourner. Puisque tu es là, partout, à 360 degrés, avec toi, je continuerai de m’opposer à ces réactionnaires trop petits pour notre vaste monde. Tu m’as appris à être fort. J’espère que tu es fier de moi.
Le monde dans lequel tu es né n’est plus le même. Ton corps de papier n’a plus la cote, mais qu’importe. Ton ambition était de changer le système et j’ai envie de dire que tu y a contribué. J’ai envie de dire que tu as vaillamment résisté. Je suis fier de toi.
Pendant 25 ans, tu nous as, bien au-delà de l’acronyme LGBTIQ+, toutes et tous rassemblé·e·x·s. Tu fais partie de l’histoire, car tu étais là pour l’écrire, pour la raconter. Mais sache-le, un journal ne meurt jamais! Bientôt, c’est vrai, tu t’évanouiras. Tu céderas ta place à «autre chose». Ce sera sans doute bien. J’ai envie d’y croire. Ce que tu m’as appris aussi, c’est l’espoir.
Super de pouvoir continuer à lire 360 …👍
Par contre difficile de lire les textes jaunes sur fond blanc.
Salut