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«Les mauvais garçons ont toujours un goût exquis en matière de sneakers»

«Les mauvais garçons ont toujours un goût exquis en matière de sneakers»

Muscles saillants, regard de feu et visage camouflé par les sneakers iconiques qu’il transforme en masques, l’artiste espagnol de 28 ans Albino Hector est très suivi sur Instagram où les fans de sneakers et les fétichistes lui vouent un véritable culte.

Avec pratiquement 28’000 abonné·e·x·s sur son compte Instagram, Albino Hector donne vie aux fantasmes les plus fous. Passionné de sneakers qu’il vénère depuis son enfance, il en a fait aujourd’hui son métier en sublimant les plus belles paires en masques à renifler lacés autour du crâne. Son art à haute teneur homoérotique présente également une très haute charge virale sur les médias sociaux. Pour preuve, une fois contaminée, sa fanbase internationale ne se remet jamais de la puissance de ses créations.

Comment décris-tu ton travail?

On pourrait me qualifier d’«artiste multidisciplinaire», je suppose. Bien que mon travail se situe quelque part entre l’art, le design et l’artisanat. Outre la création des masques, je m’occupe de toute la production visuelle, de la logistique et du marketing pour leur vente. Ainsi, lorsque je ne fabrique pas les masques, je prends des photos, je réalise des vidéos, je fais de la conception 3D… Pour moi, il est important que tout le processus soit réalisé par mes soins, je pense que cela ajoute beaucoup de valeur et d’authenticité à mes pièces.

Tu crées de magnifiques masques découpés dans des baskets, comment est née l’idée?

Il y a des années, j’ai étudié les Beaux-Arts à Madrid. La dernière année, nous avons dû réaliser un projet de longue durée sur un sujet donné. C’est là que j’ai commencé à développer, rechercher et créer autour du fétichisme. Plus précisément, sur le fétichisme des chaussures et des vêtements de sport dans un contexte homoérotique. Durant cette période, j’ai étudié avec beaucoup d’enthousiasme ce phénomène qui, pour moi, est très intéressant et fait partie de ma vie. On pourrait dire que l’acte de sentir une chaussure, ou de se la mettre sur le visage, est un symbole qui résume très bien ce fétichisme. C’est là qu’est née l’idée de créer quelque chose qui représente cette «action» à travers l’objet le plus emblématique de cette culture, la «basket», et l’idée de créer un masque était donc parfaite. J’ai également étudié des artistes comme Freehand Profit ou Sports Militia London, qui avaient déjà fait des choses similaires il y a quelques années.

«J’aime penser au caractère «objectifiant» de mes masques, et au fait qu’ils transforment ceux qui les portent en objets du désir»

Que permet le port du masque que le visage découvert ne permet pas, ou moins? Paradoxalement, les masques ont toujours été associés à la «déshumanisation» de l’individu, en cachant son identité, et en même temps ils servent à être vus dans n’importe quel endroit ou situation, ayant une grande présence, une proéminence et un caractère presque divin. J’aime penser au caractère «objectifiant» de mes masques, et au fait qu’ils transforment ceux qui les portent en objets du désir, tout comme les baskets elles-mêmes.

En quelles circonstances les portes-tu?

Il faut savoir que je suis entouré en permanence de sneakers, à couper, coudre, coller… Maintenant je les vois différemment, elles font partie de mon quotidien, donc je ne les porte pas beaucoup, seulement pour les photos ou pour un événement. J’adore que mes clients les utilisent pour sortir faire la fête, pour compléter une tenue cool, ou dans leurs séances fétiches. C’est pour cela qu’ils sont vraiment faits.

«Ici, dans mon pays, la culture fétichiste est très réduite, presque nulle. Je dois avouer que je me sens parfois assez seul et incompris.»

Quelle est votre relation avec la scène fétichiste?

J’ai commencé mes recherches et interactions avec les gens de cette scène quand j’étais à l’université, pour apprendre à connaître les codes, les normes et les «rituels» de cette culture, afin de pouvoir créer des œuvres authentiques, véritables et réelles. Dans le cadre du développement de mon travail artistique après l’université, j’ai pu collaborer avec certaines marques et des portails de rencontres fétiches, tels que Recon. En parallèle, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans l’un des plus importants magasins de vêtements et d’accessoires fétiches d’Europe, ce qui m’a permis de voyager beaucoup et d’assister à de grands événements comme Darklands à Anvers ou Folsom à Berlin, dont je me souviens comme des meilleures expériences de ma vie. J’ai également été directeur artistique et interprète dans certaines soirées techno et culture fétichiste à Madrid où je vis, ainsi que dans toute l’Espagne. Ici, dans mon pays, la culture fétichiste est très réduite, presque nulle. Je dois avouer que je me sens parfois assez seul et incompris.

Tes masques sont incroyablement puissants. À qui penses-tu lorsque tu crées? 

Merci! Je n’ai pas de référence spécifique pour les masques, ni pour une personne ou un personnage particulier. Je pense que c’est un mélange de plusieurs personnages qui m’accompagnent depuis l’enfance. Tous sont liés aux super-héros, aux jeux vidéo et à la science-fiction, avec une forte préférence pour les méchants ou les personnages plus sombres depuis que je suis très jeune.

Qui par exemple?

Je pense que le premier personnage masculin qui a eu un impact sur moi est Venom, ce qui, je crois, a beaucoup à voir avec ma prédisposition au monde fétichiste. Au final, Venom est une «entité» extraterrestre qui piège un «corps receveur» et le transforme en quelque chose de puissant et de différent. Je pense que le fétichisme a beaucoup à voir avec cela, tout comme les masques. Mon enfance peut se résumer à de nombreuses heures passées à jouer à des jeux vidéo et à dessiner les personnages que j’aimais, en imaginant que j’étais eux. Les jeux vidéo comme Killer Instinct, Mortal Kombat, Metroid étaient mon obsession. À l’adolescence, je me suis beaucoup intéressé à la mode et j’ai commencé à dévorer les défilés de Thierry Mugler dans les années 90, Alexander McQueen, Paco Rabanne… Cette passion se poursuit encore aujourd’hui. Actuellement, je suis très inspiré par les bodybuilders masculins et les compétitions, je ne peux m’empêcher de penser à eux portant mes masques sur scène. Et bien sûr, l’homme que j’admire le plus est mon père.

«Je m’inspire des mêmes choses qui m’inspiraient lorsque j’étais gosse»

Quel est ton premier souvenir de sneakers et qu’est-ce qu’elles t’inspirent aujourd’hui?

C’est un peu dramatique, mais je crois que mon premier souvenir est d’avoir vu les baskets Nike de mes camarades de classe et d’avoir été triste. Je n’en souffrais pas trop, mais j’étais un peu jaloux et envieux. Je suis issu d’un milieu assez modeste et j’ai économisé pour m’acheter mes premières Air Force 1 à 15 ans, puis quelques années plus tard, une paire d’Air Max 90 que j’ai vraiment aimée. Maintenant, je suis entouré de sneakers tous les jours et ça me semble normal. Mais parfois, je me dis que mon moi de 8 ans serait super heureux d’être dans mon studio à admirer les sneakers qu’il aura quand il sera grand. Aujourd’hui, je m’inspire des mêmes choses qui m’inspiraient lorsque j’étais gosse, je ne pense pas avoir abandonné cet enfant qui passait ses après-midi à dessiner.

Qu’est-ce qui te passionne?

Je suis inspiré par les personnes authentiques qui ont une passion et des rêves dans la vie. La musique, la mode, la vie nocturne, la technologie et bien sûr le sport, je suis un maniaque de la gym.

Que penses-tu des marques iconiques, comme Adidas et Nike?

Quand j’ai commencé mon projet artistique sur le fétichisme et les baskets, j’étais un grand fan d’Adidas. Je portais tous les vêtements de la marque, sauf des baskets, que je n’ai jamais vraiment aimées. Je garde toujours mes survêtements «Adidas Chile» comme de véritables trésors, car ils constituent une pièce maîtresse pour tout fétichiste de ce genre. Mais au fil du temps, j’ai commencé à m’identifier davantage à Nike. Outre la ligne «Air Max», Nike propose des vêtements aux tons futuristes et avant-gardistes. Tous leurs vêtements synthétiques ou leurs pièces en lycra me font ressembler à ce personnage de jeu vidéo que j’ai en moi. J’adore ça. Comme moi, Nike est tourné vers l’avenir.

L’une de ses marques t’as déjà proposé une collab? 

J’ai travaillé sur quelques spots avec Nike, par exemple pour le lancement de l’air max 720 en Espagne, mais rien en rapport avec le fétichisme ou mes masques. Je pense que le caractère «homoérotique» et fétichiste de mes masques empêche Nike de prendre le risque de collaborer avec moi… Nous savons que la grande partie de la clientèle est hétérosexuelle et normative, et qu’en conséquence mon travail pourrait ne pas plaire à tout le monde… Cela m’attriste un peu, car toutes les marques de sport n’hésitent pas à avoir leur mois des fiertés avec plein de produits estampillés LGBTIQ+.

Souhaiterais-tu collaborer avec Nike?

Il faudra certainement des années avant que l’on puisse voir mes masques dans les publicités Nike… Mais j’espère me tromper! J’aimerais pouvoir travailler directement avec eux, mais cela impliquerait de «censurer» mon travail d’une certaine manière. Le temps nous le dira, mais c’est un rêve à réaliser, bien sûr.

As-tu une paire de sneakers préférée, laquelle et pourquoi?

Oui, la Nike Tn Frequency noir et jaune, en fait j’ai cette sneaker tatouée sur ma jambe gauche. Pour moi, la ligne Nike Tn ou «Air Max Plus» est la meilleure jamais réalisée par Nike! Ces sneakers sont les plus représentatives de la culture fétichiste et permettent d’identifier clairement une personne qui «comprend» cette scène. Bien qu’il ait plus de 25 ans, son design est toujours d’actualité. Mon premier masque a été réalisé avec une Nike Tn, et des mois plus tard, le créateur de ces baskets a vu mon Instagram et m’a donné plusieurs «likes» sur les photos de mes masques, je suis vraiment devenu fou ce jour-là!

«Ma paire de sneakers idéale est celle que je porte, celle du mauvais garçon du quartier, qui roule partout en moto, ne rate pas un jour de gym, a un chien dangereux et est en partie un fauteur de troubles»

Comment définis-tu ta paire de sneakers idéale?

Ma paire de sneakers idéale est celle que je porte, celle du mauvais garçon du quartier, qui roule partout en moto, ne rate pas un jour de gym, a un chien dangereux et est en partie un fauteur de troubles. Il a probablement le crâne rasé et une belle chaîne en acier ou en argent autour du cou, et des tatouages. Heureusement ou malheureusement, ces types de personnages, qui nous donnent tant de maux de tête, ont un goût exquis pour les sneakers, c’est indéniable.

Qu’est-ce que les sneakers ont de particulier que les autres chaussures n’ont pas?

L’odeur.

Comment t’habilles-tu au quotidien?

Le tout noir est toujours un bon choix pour moi. Les tissus synthétiques et le coton sont mes meilleurs amis. En hiver, vous me verrez toujours avec une casquette, un blouson de bombardier noir, un sweat-shirt, un pantalon de survêtement ou cargo et une bonne Nike Tn… Je pense que ces éléments définissent assez bien mon esthétique, quel que soit le jour de l’année. Même si en réalité, c’est à la salle de sport que je suis le mieux, le lycra est merveilleux.

Reçois-tu beaucoup de commandes de masques? 

Oui, je gagne ma vie avec ça. Je suis très heureux de l’accueil réservé aux masques et aux autres produits que je propose sur mon site. Je suis vraiment heureux d’avoir gagné et fidélisé une bonne clientèle qui comprend et apprécie mon travail. Mon véritable bonheur, c’est d’avoir des clients fétichistes, car ils comprennent ce qui se cache derrière les masques et leurs significations.

Ta clientèle est-elle exclusivement masculine? 

Je dirais que 95 % de mes clients sont des hommes cis, mais je suis très ouvert à la réalisation de pièces adaptées au corps et au visage féminin. J’ai toujours en tête de créer des masques pour Jelena Karleuša, c’est vraiment ma résolution pour 2022! Elle a une énergie dingue.

«Je ne pense pas avoir jamais eu un client hétéro, c’est incroyable…»

Et des hétéros?  

Je ne pense pas avoir jamais eu un client hétéro, c’est incroyable… Je ne veux pas généraliser, mais les hommes cis hétérosexuels n’ont généralement pas la «sensibilité esthétique» nécessaire pour comprendre que quelqu’un peut porter une basket déconstruite attachée à son visage. Il est vrai que beaucoup de mes amis hétéros me disent que les masques ont l’air cool, mais quand je leur explique le contexte fétichiste, ça les déroute complètement!

Tes clients te demandent de faire des masques avec des baskets usagées pour les renifler?

Ils me demandent des choses que tu ne croirais pas. Mais je ne suis pas prêt à en réaliser la plupart. Je comprends la composante fétichiste et les sensations provoquées par le personnage que j’affiche sur Instagram à travers mes photos. Mais je veux être traité comme un artiste sérieux, c’est ce que j’aime. Je ne suis pas ouvert à d’autres types d’accords ou d’emplois que la création et la vente des masques et de mes autres produits. On peut m’envoyer des baskets usagées et j’en ferai un masque sympa, mais je n’en ferai pas plus. C’est très intime.

Quelle a été ta commande la plus mémorable?

Pouvoir travailler avec des artistes que j’admire est ce qui me rend le plus heureux. Parmi eux, il y a des acteurs et des artistes pornos que j’admire beaucoup, comme Damian Dragon ou Axel Abysse. Ils ont porté mes pièces, je les considère désormais comme mes amis. Je tiens également à souligner ma récente collaboration avec Hugáceo Crujiente de Drag Race España, qui se trouve être mon voisin!