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Tennessy Thoreson: L’anti-diva qui se rêvait superhéroïne

Tennessy Thoreson: L’anti-diva qui se rêvait superhéroïne

Doublement récompensé du Prix Eyes on Talent et du Prix Bon Génie au défilé de la HEAD – Genève en novembre 2021, Tennessy Thoreson raflait la mise avec sa sublime collection en bachelor. Rencontre.

«Merci à la HEAD qui ne m’a jamais freiné et où j’ai rencontré des gens très bienveillant·e·x·s. Même si la mode est vraiment un univers de merde, j’en suis conscient et je sais que ce n’est pas facile tous les jours.» Déflagration verbale au moment de la remise des prix du défilé de la Haute école d’art et de design de Genève le 26 novembre 2021: Tennessy Thoreson vient de recevoir non pas un, mais deux prix pour sa collection Bachelor Quand je serai grand, je veux être une superhéroïne. La franchise de la déclaration fracassante du jeune designer de mode de 24 ans, encombré de ses deux bouquets de fleurs, rappelle le geste d’Adèle Heanel qui se levait et se cassait indignée lors de la cérémonie des Césars en 2020 pour rester cohérente avec elle-même. Car c’est bien de cela qu’il s’agit chez Tennessy Thoreson: demeurer honnête avec lui-même, quoi qu’il arrive, et s’exprimer sans détour. Quelques semaines plus tard, nouvellement installé à Paris, Tennessy se remémore son instant de gloire post-bachelor et pose sur son jeune parcours un regard lucide, amusé, étrangement mature. On découvre une anti-diva qui souhaite contribuer à faire évoluer la mode vers un endroit moins hostile, plus respectueux. «On m’a beaucoup parlé de cette phrase, ça a beaucoup fait rire les copains aussi, haha! Et c’est vrai qu’il y a des vrais cons dans ce milieu, affirme-t-il. J’ai fait un stage à Londres quand j’avais 19 ans, on était vraiment des esclaves. Zéro considération humaine, ça m’avait d’abord dégoûté, puis ça m’a ouvert les yeux sur le domaine du luxe et les grosses marques. Il ne faut pas se voiler la face, les agences de mannequins, les bureaux de presse, c’est un fouilli de connards et de gens qui deviennent fous sous la pression.» Ethique, pollution, énergies renouvelables: Tennessy fait partie de cette génération qui hérite de la mission de sauver la mode et, pourquoi pas, la planète tant qu’on y est. «Dès l’école, on nous répète sans cesse que nous devons réparer les dégâts des anciennes générations. Ne pas faire travailler l’Asie ou le Bangladesh, mais plutôt l’Europe même si ça coûte plus cher. Proposer des salaires décents, ne pas exploiter, je pense effectivement que c’est le job de notre génération de construire de nouvelles bases meilleures.»

Le poids des mots, le choc de la mode

Le déclic de la mode a lieu pendant sa formation générale en arts appliqués après le bac: «C’était un projet sur le conte de Peau d’Âne. On devait créer des costumes de scène évolutifs selon ses robes couleur de Lune, du Soleil et du Temps.» L’expérience lui plaît et le met sur le chemin de la HEAD. Quelques années plus tard, sa collection sort du lot pendant le défilé. Cyber réminiscences de Vivienne Westwood et méga boots de yeti sous acide, ses silhouettes aux proportions démesurées font la part belle à la fausse fourrure fluo avec une dominante pink. Rien n’est assez décadent ni tapageur pour les superhéroïnes de Tennessy qui semblent débarquer de l’espace en pleine rave londonienne pendant les années 90. Coup de cœur immédiat pour ses total looks puissants. La carrure et la prestance de ses silhouettes démontrent une maîtrise de la coupe de ses pièces conçues comme des constructions autour du corps. «Je suis fasciné par le corps féminin, ses courbes et ses volumes. J’ai également toujours été obsédé par les tailles marquées et tout ce qui est corseté.»

Superpouvoirs et popstars

Si la mode n’est pas une vocation d’enfance pour lui, il y arrive par le dessin. «J’ai toujours été intéressé par l’art, déclare-t-il. Mais c’est Pokémon et surtout les mangas qui m’ont donné envie de dessiner quand j’étais enfant. J’ai commencé à créer mes personnages avec ma meilleure amie. C’était toujours des meufs avec des superpouvoirs.» Durant son enfance à la campagne entre Poitiers et Tours en France, il forge son univers en regardant Avatar, le dernier maître de l’air, son dessin animé préféré. «Je me souviens que je me demandais quel élément je préférerais pouvoir maîtriser. Pour moi, c’était l’eau et la glace. Devenir invisible ou passer à travers les murs, je trouvais ça très stylé aussi. Ou la télékinésie, soulever des objets par la pensée, ou lire dans les pensées. Mais ça non, c’est pas bien, haha! C’est dangereux. Mieux vaut ne pas savoir ce que les gens pensent en général, ça fait plus de mal que de bien je pense.» En parallèle, son monde est peuplé de popstars. A commencer par Lady Gaga, suivie de Katy Perry et Rihanna à l’adolescence. «Gaga est vraiment restée jusqu’à aujourd’hui, sa théâtralité est une grande inspiration. Je me suis découvert personnellement à travers ses discours d’affirmation de soi qui étaient très forts.» Des excentricités de la diva pop, il garde le goût de la scène et des tenues importables. Aujourd’hui, il se verrait bien créer des costumes de scène ou des clips. Une attractivité stylistique qui l’a naturellement guidé sur la voie du drag il y a environ deux, au début du premier confinement. Son nom de drag est 10, comme ten en anglais.

Génération Drag Race

Il découvre RuPaul’s Drag Race avec son coloc à Lyon, avant de venir à Genève. «J’ai regardé toutes les saisons en quelques mois, mais je m’y suis mis plus tard, ça coûte cher d’acquérir le matériel et je ne voulais pas le faire à l’arrache. J’ai commencé par faire des compétitions en ligne, pas mal sur Instagram, en faisant des make-up thématiques et des vidéos.» Comme il n’a pas oublié de le préciser dans son discours de remerciements à la HEAD, il est très soutenu par cette communauté en particulier. «J’ai beaucoup de réactions sur Instagram et je sais que je veux travailler pour elles dans le futur, je prête déjà des pièces et je vais continuer. Je ne suis pas forcément dans un délire où j’ai envie de créer une marque.»

L’héritage de Thierry Mugler

Au moment de l’interview en décembre 2021, il est en stage chez Victor Weinsanto, le protégé de Jean-Paul Gaultier dont la marque commence à s’imposer. Tennessy se reconnaît totalement dans l’univers très extravagant du jeune designer: «Je l’ai harcelé pour faire un stage chez lui. J’adore ce qu’il fait, mais quand je vois comme il galère, ça ne me donne pas trop envie. Je n’ai aucune envie de me tuer à la tâche, d’être stressé en permanence et de ne pas dormir à cause de l’argent qu’il y a en jeu.» L’histoire de la mode? «Oui ça m’intéresse, mais c’est beaucoup trop long et beaucoup trop chiant! Surtout, le côté empire, royauté, monarchie, c’est un enfer! La mode m’intéresse à partir du 20e siècle, je dirais à partir de Madame Grès et Madeleine Vionnet.» Mais ses références trouvent racine dans l’extravagance parisienne des années 80. Il cite Jean-Paul Gaultier, Azzedine Alaïa, Paco Rabanne, mais surtout Thierry Mugler, dont les lignes extraordinaires, voire extraterrestres, se reflètent dans les créations de Tennessy Thoreson.

instagram.com/tnsythsn