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«La société culpabilise les patients qui souhaitent mourir»

En pleine actualité sur la fin de vie en France, rencontre avec Jean-Luc Romero, qui incarne le combat pour mourir dans la dignité dans l’Hexagone.

Jean Luc Romero est président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité. Il est très actif en France où le débat sur les soins palliatifs, l’assistance au suicide et l’euthanasie, déchaîne toujours les passions. Dans un livre d’entretien, «Ma mort m’appartient», l’homme politique (adjoint à la maire du XIIe arrondissement de Paris et conseiller général d’Ile-de-France) évoque les arguments qui plaident en faveur du droit de chacun à décider de sa mort et met en lumière les raisons personnelles qui ont déterminé son combat. En tant qu’homosexuel, en tant que séropositif, en tant qu’humaniste enfin… la liberté et la tolérance, les combats de sa vie.

«360°» – Le 17 mars dernier a été voté au parlement français une nouvelle loi sur la fin de vie, qui si elle n’autorise ni euthanasie, ni suicide assisté, instaure un droit à une sédation «profonde et continue» jusqu’au décès pour les malades en phase terminale. Etes-vous satisfait?
Jean-Luc Romero – Pas du tout. (Et quoi qu’il en soit le texte n’est pas adopté, il doit encore être voté par le Sénat). Ce n’est d’ailleurs qu’une troisième mouture d’une même loi qui – c’est ce qui me sidère – n’a jamais donné lieu à un bilan. Cette loi est un échec: dans les faits, peu de patients ont droit aux soins palliatifs, l’acharnement thérapeutique a toujours cours et les directives anticipées ne sont pas respectées. Ajoutez à cela qu’il n’est toujours pas question des droits au suicide assisté et à l’euthanasie.

– Il est tout de même fait mention de la sédation «profonde et continue»…
Elle existe déjà, ce n’est pas une avancée! Ce sont toujours les médecins qui décident de la lancer, décident de sa longueur. En France le débat est confisqué par les grands médecins, alors que c’est une affaire citoyenne: 100% d’entre nous allons mourir! Toute personne est experte de sa propre vie! Et le débat intéresse de fait toute la population.

– Pourquoi le «laisser mourir» ne suffit pas?
– Tout d’abord, c’est parfaitement hypocrite. «Laisser mourir» implique des gestes actifs, comme celui d’enlever les sondes par exemple. La seule chose qu’on ne sait pas c’est l’heure à laquelle le patient va mourir. C’est une euthanasie indirecte à petit feu… Lorsque le patient est débranché, il peut se passer des semaines avant que la mort n’arrive, et il n’existe aucune étude scientifique qui affirme que ces personnes qu’on «laisse mourir» ne souffrent pas. Pour des patients jeunes c’est très lent et très violent, également pour l’entourage.

– Le suicide assisté, comme il existe en Suisse, serait-il suffisant?
– Disons que je me contenterais bien de ce que vous avez! Cela crée cependant une nouvelle inégalité, puisque tout patient n’est pas capable d’avaler seul le poison ou de presser le bouton qui déclenche l’injection, s’il est gravement atteint par exemple.

– Certains prétendent qu’une légalisation de l’euthanasie mettrait un coup de frein aux recherches sur les soins palliatifs et, pour des raisons budgétaires, encouragerait même la première solution.
– Avec la loi actuelle, seul 20% des personnes qui auraient droit aux soins palliatifs en bénéficient. Les exemples étrangers montrent que ces arguments des «anti-euthanasie» n’ont aucune réalité. Au Pays-Bas, ils sont accessibles à tous, comme en Belgique et au Luxembourg, ça ne freine rien et le taux d’euthanasie reste stable.

– Dans votre le livre d’entretien «Ma mort m’appartient», vous faites la part belle aux témoignages, le vôtre, ainsi qu’aux histoires poignantes et terribles de certaines personnes en fin de vie souhaitant la mort. Une nécessité d’incarner la parole?
– J’ai déjà écrit sur le sujet, «Les Voleurs de liberté» et une lettre ouverte au Président de la République. Mon éditeur m’a dit qu’il était temps d’incarner cette parole, que l’on comprenne les raisons de mon engagement, Je voulais rappeler ce que j’ai vécu: j’ai vu des gens mourir dans des conditions incroyables. Je me suis battu contre le sida, pour la vie, et maintenant pour l’euthanasie, pour la fin de vie: il y a une continuité. Ce n’est pas un simple combat philosophique. Moi j’ai affronté la mort, je sais de quoi je parle.

– Certains de vos détracteurs s’agacent de ce recours aux exemples, dans les livres et à la télévision, disant qu’il est impossible d’avoir un débat d’idée dans ces conditions. «On ne peut pas dire à une mère éplorée que le cas de son fils n’est pas représentatif.» Que leur répondez-vous?
– Ce n’est pas juste un exemple! Quand on se meut, c’est qu’on a été touché par quelque chose… et puis on ne peut pas passer sa vie à se plaindre, il faut agir. Cela n’exclut en rien le débat d’idées. Pour moi l’humanisme est très important, l’être humain est au centre de tout. Je serai venu à ce combat de toute façon, même s’il est vrai qu’avoir vu mourir des jeunes de 20 ou 25 ans du sida, qu’avoir pensé moi-même que je ne connaîtrais pas mes 30 ans a joué un rôle déterminant. Je suis venu à ce combat à travers mon vécu.

– Les arguments contre la peine de mort évoquent souvent le principe de l’inviolabilité de la vie. Quid de ce principe avec l’euthanasie? N’ouvre-t-on pas la boite de Pandore?
– Il ne s’agit pas de tuer! Une personne veut partir selon ses conditions pour éviter des souffrances qu’elle juge inutiles, c’est son droit! On est dans une société laïque! Chacun a le droit de décider ce qui est le mieux pour son corps. Je ne me bats pas pour l’euthanasie mais pour le choix.

– Comment avoir la certitude absolue que celui qui demande l’euthanasie souhaite vraiment mourir?
– On ne parle pas ici de suicide en général, mais des suicides en fin de vie. C’est très différent. Ce ne sont pas des gens désespérés, pas des gens qui ont «des problèmes»: ils sont en fin de vie. En plus, quand une législation vous laisse le droit de partir quand vous le souhaitez, on évite les suicides «préventifs»: Plein de gens se suicident parce qu’au moment où se sera terrible, personne ne les aidera. Et lorsque l’euthanasie est pratiquée elle n’est pas faite «comme ça». Les médecins ont un rôle à jouer, il y a un délai d’attente… une véritable réflexion, jusqu’au bout.

– Certains associent euthanasie et eugénisme, en évoquant les «vies sans valeurs», «les existences superflues». Ne finira-t-on pas par culpabiliser le malade en lui disant que la seule solution digne, courageuse et noble, c’est de mourir?
– Je vis avec le VIH depuis 27 ans, j’ai eu des maladies gaves et j’ai un diabète pas possible… Je ne culpabilise pas du tout. Je continue à être très actif. Aujourd’hui, c’est la société qui culpabilise les patients en fin de vie qui souhaitent mourir, pas le contraire. Je me bats pour qu’au moment où on se dit qu’on n’en peut plus, on puisse dire stop. Et ça ne concernera qu’une minorité de personnes (1 % en Suisse, 3,4 % au Pays-Bas). La mort ça s’apprivoise, on ne s’en réjouit jamais. On prend conscience que tout ça doit finir et on espère que cela se passe de la meilleure manière: «Les yeux ouverts», disait Marguerite Yourcenar.

– Ne risque-t-on pas de voir s’étendre le droit à l’euthanasie à toute personne qui souhaite mourir?
– Franchement, tout le monde dit tout et n’importe quoi: avec l’IVG on disait que toutes les femmes allaient avorter; avec le pacs, qu’on allait bientôt voir des mariages polygames et des mariages avec des animaux. On peut dire tout et n’importe quoi, mais la réalité ce n’est pas ça. Il faut mettre des conditions, et ne pas laisser faire n’importe quoi.

– Vous évoquez souvent l’importance des derniers moments avant la mort, des adieux. Est-ce à vos yeux l’un des arguments clé?
– Les morts en catimini laissent beaucoup de remords à ceux qui restent. Laisser mourir quelqu’un seul est un échec. Dans ces derniers moments, on parle, on s’explique, on se dit tout, tout ce qu’on a sur la conscience. C’est un moment de grande sérénité.

«Ma mort m’appartient» Jean-Luc Romero et Claire Bauchart, Michalon, 2015, 130 p.