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Speedo: le mâle moulé à la louche

Speedo: le mâle moulé à la louche
Le speedo à son âge d'or, devant l'objectif de Tom Bianchi

Il suscite tour à tour la méfiance et l'enthousiasme: le fameux slip de nageur Speedo semble extensible à l'infini, comme les fantasmes qui lui collent à la peau.

Ça fait pas un pli. C’est comme se glisser dans un emballage cadeau qui s’ajuste à toutes les formes. Voici des fesses qui scintillent sous une toile élastique aux couleurs vives, le moiré qui épouse le volume du sexe et dessine ses contours sans trop en dire. Il y a une magie au slip de bain – costume de bain, comme on disait jadis. Comme le costume du superhéros, révélateur de puissances insoupçonnées.

Dans la version qui nous intéresse, toutefois, le slip de bain est bien plus jeune que Superman. Sa formule actuelle à l’élasthanne (fibre synthétique commercialisée sous les noms Lycra ou Spandex) remonte aux années 1970. Popularisée par la compagnie australienne Speedo, dont le nom est devenu générique, elle révolutionne le maillot de informe de papa. Fini le caleçon de nylon qui se transformait en sac au contact de l’eau, voici une formidable seconde peau. Le nageur – auquel il était a priori destiné – n’est plus encombré, il pourrait aussi bien être nu. Et c’est bien là le problème.

Attentat à la pudeur ambulant

De fait, aux États-Unis, l’usage du speedo suscite une profonde méfiance. L’exposition du haut des cuisses masculines et la moulure caractéristique des attributs génitaux sous le tissu chatoyant sont considérés comme un attentat à la pudeur ambulant. Tacitement banni des lieux de baignade publics, il n’a guère que les bassins de compétition et les enclaves balnéaires gay de Fire Island et autres réserves du Connecticut pour s’ébattre en liberté.

À Hollywood, c’est comme si le swim trunk était resté coincé sous le fameux Code Hays de 1930. David Hasselhoff en slip rouge dans «Alerte à Malibu»? C’est panique à Malibu! Le velu sex-symbol ne quitte jamais son ennuyeux short (alors que la poitrine de Pamela Anderson rebondit furieusement sous le lycra écarlate, tendu à craquer).

Un David Duchovny ruisselant dans l’épisode Duane Barry des X-Files. Et qui continue de faire ruisseler ses fans.

Un des seuls acteurs qui s’y soit naïvement essayé est David Duchovny. Le malheureux émerge d’une piscine en speedo rouge dans la deuxième saison de «X-Files». Devant les écrans, en 1994, on ricane (et on mouille secrètement). Vingt ans plus tard, de multiples pages web en parlent encore. «Chris Carter (ndlr: le créateur de la série) voulait que je porte un short, parce qu’il est Californien, a récemment expliqué l’ex-agent Mulder. Mais j’ai dit: jamais personne ne fait des longueurs de bassins en short de surf. Laisse-moi porter mon maillot. Depuis, je n’ai pas cessé de le regretter.»

Humiliations et émois gay
L’hostilité au slip moulant se manifeste aussi sous nos longitudes. Notamment lorsque les piscines, sous prétexte d’hygiène, décident d’interdire des bassins les bermudas, shorts de basket et autres cuissettes. Choc et incrédulité chez les ados! Tollé dans le courrier des lecteurs de la presse régionale («complot antijeunes!», «encore un coup des frontaliers!»). Certains jeunes baigneurs subiront l’humiliation suprême: devoir emprunter au garde-bain un slip de bain encore humide de son précédent utilisateur. De quoi les dégoûter à vie.

À moins que. À moins que cette découverte fortuite du pouvoir du speedo soit capable de susciter d’étranges tourments et de bouleversants éveils. Lu dans Yahoo! Answers: «J’aime la sensation et l’apparence. Est-ce mal?» Une réponse parmi d’autres. «Non, ce qui se passe, c’est que tes hormones se mettent en action dans la région pubienne. Le fait que le speedo soit si serré, et qu’il dévoile beaucoup, ça active tes hormones, et ça te donne envie de porter un speedo tout le temps.» En fait, mieux vaut dire la vérité à Kevin: «Si porter des slips en lycra t’excite, c’est que tu es vraiment, irrémédiablement, indécrottablement gay! Félicitations mon grand!»

Le slip avec poche de soutien. Effet garanti.

Protubérances avantageuses

Une fois les derniers élans de pudeur dissipés, voici que s’ouvre un monde épatant: celui les catalogues en ligne de slips de bain fantaisie. Ce marché de niche a explosé, ces dernières années, avec pour cible privilégiée les hommes gay. Nimbé d’images de surfers sur les plages australiennes, AussieBum a été le premier à se lancer sur ce créneau, avec ses slip de bain savamment débraillés, dont la taille est si basse qu’elle oblige à tonsurer sa touffe pubienne sous peine de ressembler à Michel Blanc dans «Les Bronzés». La marque a aussi inventé une poche qui met les parties génitales en apesanteur. La protubérance qui en résulte est avantageuse… pour qui souhaite ressembler à Dumbo l’éléphant volant.

Andrew Christian, la marque californienne à l’improbable écusson helvétique, va un cran plus loin dans l’homoérotisme. Ses vidéos promotionnelles mettent en scène des acteurs porno. Ils s’y promènent occasionnellement avec une érection massive, histoire de tester l’élasticité du matériel. Mention spéciales aux maillots à face postérieure ouverte, qui promettent de singulières marques de bronzage après les vacances. Formellement déconseillé, en tout cas, au centre sportif intercommunal de la vallée de Joux, où le port de ces slips créatifs est passible de l’exclusion définitive, voire du lynchage à coups de frites de polystyrène.

Speedo coordonné pour star du rock: Rod Stewart n’a peur de rien.

Attention, Speedo™ veille!

On ne le dira jamais assez, le calosse sexy est une mode risquée. C’est pourquoi beaucoup de slipmaniaques se rabattent sur leur collection des photos érotiques d’apollons aquatiques au goût de chlore et de leurs bulges dégoulinants sous le soleil. Sur Tumblr, par exemple, des centaines de blogs regroupent des millions de clichés plus ou moins porno, glanés aux quatre coins du web. Mais là encore, danger! En Australie en 2011, la firme Speedo a décidé de poursuivre en justice un jeune fan bisexuel de 24 ans, accusé de «menacer le nom et la réputation» de la marque, ainsi que des athlètes qui lui sont associés. Le garçon a été condamné à fermer ses sites et à payer les frais de justice. Faute de mieux, il peut toujours sublimer sa passion en poésie, comme un certain Ibrahim d’Eathray sur la plateforme HelloPoetry, dans «The Last War»: Voyons qui a des couilles et venons-en au fait / Je réclame du sang, du grabuge à haute dose / Qu’on m’apporte à l’instant mon joli speedo rose / Pour nager dans le chaos, l’anarchie complète…»