Il suscite tour à tour la méfiance et l’enthousiasme: le fameux slip de nageur semble extensible à l’infini, comme les fantasmes qui lui collent à la peau.
Ça fait pas un pli. C’est comme se glisser dans un emballage cadeau qui s’ajuste à toutes les formes. Voici des fesses qui scintillent sous une toile élastique aux couleurs vives, le moiré qui épouse le volume du sexe et dessine ses contours sans trop en dire. Il y a une magie au slip de bain – costume de bain, comme on disait jadis. Comme le costume du superhéros, révélateur de puissances insoupçonnées.
Attentat à la pudeur ambulant
De fait, aux Etats-Unis, l’usage du speedo suscite une profonde méfiance. L’exposition du haut des cuisses masculines et la moulure caractéristique des attributs génitaux sous le tissu chatoyant sont considérés comme un attentat à la pudeur ambulant. Tacitement banni des lieux de baignade publics, il n’y a guère que les bassins de compétition et les enclaves balnéaires gay de Fire Island et autres réserves du Connecticut ou de Californie pour voir des slips s’ébattre en liberté.
A Hollywood, c’est comme si le swim trunk était resté coincé sous le fameux Code Hays de 1930. David Hasselhoff en slip rouge dans «Alerte à Malibu»? C’est panique à Malibu! Le velu sex-symbol ne quitte jamais son ennuyeux short (alors que la poitrine de Pamela Anderson rebondit furieusement sous le lycra écarlate, tendu à craquer).
Humiliations et émotions
L’hostilité au slip moulant se manifeste aussi sous nos longitudes. Notamment lorsque les piscines, sous prétexte d’hygiène, décident d’interdire des bassins bermudas, shorts de basket et autres cuissettes. Choc et incrédulité chez les ados! Tollé dans le courrier des lecteurs de la presse régionale («complot antijeunes!», «encore un coup des frontaliers!»). Certains jeunes baigneurs subiront l’humiliation suprême: devoir emprunter au garde-bain un slip de bain encore humide de son précédent utilisateur. De quoi les dégoûter à vie.
A moins que. Cette découverte fortuite du pouvoir du speedo est capable de susciter d’étranges tourments et de bouleversants éveils. Lu dans Yahoo! Answers: «J’aime la sensation et l’apparence. Est-ce mal?» Une réponse parmi d’autres. «Non, ce qui se passe, c’est que tes hormones se mettent en action dans la région pubienne. Le fait que le speedo soit si serré, et qu’il dévoile beaucoup, ça active tes hormones, et ça te donne envie de porter un speedo tout le temps.» En fait, mieux vaut dire la vérité à Kevin: «Si porter des slips en lycra t’excite, c’est que tu es vraiment, irrémédiablement, indécrottablement gay! Félicitations mon grand!»
Protubérances avantageuses
Andrew Christian, la marque californienne à l’improbable écusson helvétique, va un cran plus loin dans l’homoérotisme. Ses vidéos promotionnelles mettent en scène des acteurs porno. Ils s’y promènent occasionnellement avec une érection massive, histoire de tester l’élasticité du matériel. Mention spéciales aux maillots à face postérieure ouverte, qui promettent de singulières marques de bronzage après les vacances. Formellement déconseillé, en tout cas, au centre sportif intercommunal de la Vallée de Joux, où le port de ces slips créatifs est passible de l’exclusion définitive, voire du lynchage à coups de frites de polystyrène.
Une passion risquée