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Confidences sur le trottoir

Confidences sur le trottoir

Fraîchement retraitée, Marianne Schweizer a consacré sa carrière à la cause des travailleuses du sexe à Genève. Portrait.

Elle est à la retraite depuis quelques jours… C’est pourtant dans le local d’Aspasie qu’elle m’accueille. A 64 ans, Marianne Schweizer est ici comme chez elle et pour cause. Elle a consacré 21 années de sa vie à l’association. Un travail qui est un véritable engagement humain et moral et qu’elle a bien l’intention de continuer autrement. C’est avec beaucoup de pudeur et de recul qu’elle évoque ce combat pour défendre et protéger les travailleuses et travailleurs du sexe. Des femmes parmi lesquelles elle compte beaucoup d’amies aujourd’hui. L’ex-coordinatrice d’Aspasie n’avait pourtant pas prévu d’emprunter cette voie professionnelle.

«Je suis tombée dans la prostitution un peu par hasard», s’amuse Marianne Schweizer. Après une formation de travailleuse sociale, elle exerce notamment deux ans dans la coopération en Afrique puis 12 années dans l’animation socio- culturelle dans des maisons de quartier. Quand elle commence ensuite à travailler pour Aspasie, elle ne connaît rien au milieu de la prostitution. «J’ai été formée pour implanter un programme de prévention, explique-t-elle. Une prévention qui visait notamment à amener un message dans diverses communautés culturelles et linguistiques. Et l’une de mes forces est justement que je suis polyglotte.

L’opération en question a été lancée dans les années 1990, encore en plein dans les années sida. L’Europe connaissait des vagues d’immigration principalement en provenance d’Amérique latine et d’Asie du Sud-Est, des régions où le VIH était endémique. Il fallait donc délivrer le message de sensibilisation en l’adaptant à ces nouvelles populations qui arrivaient en Suisse.» Marianne Schweizer s’occupe alors du programme pendant 10 ans. Déjà à cette époque la question de l’immigration était centrale.

Questions de migration
«On voit tous les six mois des journalistes qui font les gros titres en disant que la concurrence se renforce dans le milieu de la prostitution en raison de la migration, détaille-telle. Mais c’est faux. Il y a toujours eu une forte concurrence et des vagues migratoires. La prostitution est un commerce et elle subit les mêmes aléas que les autres.» Ainsi lorsque l’on demande à l’ex-coordinatrice quelles sont les grandes évolutions qu’elle a constatées sur le terrain, les réponses ne sont jamais simples et elles ont le mérite de tordre le cou aux idées reçues. «La question de la prostitution est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense. Il s’agit d’un miroir grossissant de la société. Quant à ceux qui se prostituent, c’est le plus souvent une stratégie économique.»

«La prostitution est un commerce et subit les mêmes aléas que les autres.» Marianne Schweizer

Mais Marianne Schweizer note néanmoins des changements frappants sur les plans juridique et administratif. Au fil du temps, on a eu de plus en plus de demandes et surtout de nouveaux types de demandes. Les questions administratives notamment se sont complexifiées. En cause, la loi sur la prostitution de 2010 qui, malgré toutes ses bonnes intentions, a eu pour effet de mettre en place des mesures de contrôle contre-productives. «Par exemple, la loi dit que dès que deux femmes louent un même studio, ça devient un salon de massage, éclaire Marianne Schweizer. Par conséquent, les femmes sont soumises à des exploitants et intermédiaires. La loi empêche l’autodétermination. Alors qu’en fait, louer un studio à plusieurs, c’est un moyen de se sentir davantage en sécurité et de partager les coûts.» Ce changement de loi a donc eu de nombreux effets sur le travail associatif. «C’était un moment fort de ces vingt années à Aspasie, comme d’ailleurs le décès de Grisélidis Réal.»

La suite du combat
Suite à la mort de la célèbre prostituée genevoise en 2005, ses enfants décident de confier la gestion de ses archives liées à la militance et la prostitution à Aspasie. «Nous avons alors créé une association afin de lancer des recherches de fonds. Le but était de traiter et mettre en valeur toutes les archives, mais au bout de deux ans l’État nous a coupé les vivres et le projet est resté sur pause.» Aujourd’hui à la retraite, l’un de ses principaux projets est de se consacrer à faire revivre ce projet. «J’ai des idées plein la tête et je ne prévois pas de m’ennuyer.»