Le porno se refait une santé grâce à ses «fans»
Valeurs montantes du cyberérotisme, OnlyFans, JustFor.Fans et consorts tendent à changer les règles du jeu du porno, notamment gay. Pour le meilleur?
Pendant ces six derniers mois synonymes de confinement pour une très large partie de la planète, les amateurs de porno frais ont dû se serrer la ceinture: studios et «tubes» avaient cessé de déverser du nouveau matériel. La période a par contre donné un coup de boost aux nouvelles plateformes de l’érotisme en ligne: les réseaux sociaux «adultes», comme OnlyFans et son concurrent gay JustFor.Fans
Ici, ce sont les actrices et acteurs qui sont les principaux protagonistes. Comme leur nom l’indique, ces réseaux leur offrent la possibilité de se forger une base de fans. À ceci près que ces derniers paient un abonnement pour des contenus (en principe) exclusifs: photos, vidéos, voire dialogues. La plateforme prend 20 à 30% des transactions.
Quand on débarque sur OnlyFans et JustFor.Fans, le spectacle est plutôt décevant. Pas de grandes galeries de portraits émoustillants à sélectionner, ni de rubriques à butiner. C’est normal: les internautes arrivent ici le plus souvent en provenance de réseaux sociaux plus classiques: Twitter, Tumblr ou Instagram, où la plupart des performeurs non professionnels se sont fait connaître à grands renforts de photos alléchantes dûment «linkées».
Peignoir entrebâillé
Sur Justfor.fans, on clique sur William Hairyartist, pour voir. Il a l’air sympa. Une vidéo teaser montre le mec, plus très frais, en robe de chambre dans ce qui ressemble à un débarras. Il s’adresse à la caméra. «Hey mec, t’es passé dire bonjour? C’est cool. Quand je te vois, ça me relaxe», dit il en posant son pied nu sur la table. Sa chaise grince, son peignoir s’est entrebâillé. Gloups. Pas sûr de vouloir dépenser 9,99 dollars par mois pour faire plus ample connaissance.
Les comptes qui remportent le plus de succès sont ceux que les spectateurs trouvent naturels, authentiques, et quelque part personnels, puisqu’on suit les performeurs
Mais sans doute y a-t-il des amateurs pour ces productions maison où l’accent est mis sur le spontané, l’accidentel. «Les comptes qui remportent le plus de succès sont ceux que les spectateurs trouvent naturels, authentiques, et quelque part personnels, puisqu’on suit les performeurs», notait le magazine «Out» dans une enquête de 2018.
Bon à prendre pour les performers… et au passage gratifiant. «Quand je fais mes propres trucs, j’ai l’impression d’être important. On paie pour moi», explique à Jezebel Lil D, jeune acteur porno de 20 ans actif sur OnlyFans. Peu importe que ses fans soient des mecs ou des filles. «Ils aiment ma gueule», rigole-t-il.
Fluidité
C’est justement une des particularité d’OnlyFans: une bonne partie de ses performeurs masculins sont straight, mais ont appris à cultiver leur audience gay, notamment dans des scènes solo. «Leur engagement avec les spectateurs est non-genré, ils se réfèrent aux «fans» ou à un «vous» général», constate Jezebel. C’est plutôt nouveau dans une industrie du porno plutôt segmentée et homophobe. L’acteur Logan Pierce se souvient s’être entendu dire au début de sa carrière de ne pas faire de solo, ni de trio avec un gay/bi, sous peine d’être relégué (et même exclu des studios par peur du VIH).
Drôle de retour des choses. Ces réseaux sociaux seraient-ils la planche de salut pour des performeurs de plus en plus précarisés dans une industrie sinistrée par les «tubes»? L’opacité d’entreprises telles que OnlyFans ne permet pas de le dire pour l’instant. Et si certaines «stars» revendiquent des revenus se chiffrant en centaines de milliers de dollars par mois, il n’est pas sûr que William Hairyartist et une foule d’autres performers se fassent des couilles en or. Ce qui serait pourtant très photogénique.