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Droits des minorités sexuelles en otage

Dans un contexte de tension accrue entre Etats islamiques et Etats occidentaux au sein des instances onusiennes, la question des minorités sexuelles polarise les positions. Les organisations LGBT qui tentent d’accéder au Conseil des droits de l’homme, comme l’association genevoise Lestime, en font les frais.

«Même si la réalité est beaucoup plus nuancée que cela, il existe bel et bien une bipolarisation au sein du Conseil des droits de l’homme (CDH), opposant l’Islam à l’Occident», regrette Peter Splinter, observateur d’Amnesty International auprès du CDH. Cet organe des Nations unies a succédé en 2006 à la Commission des droits de l’homme – alors jugée trop politisée et largement discréditée. Or, voilà le CDH à son tour soupçonné des mêmes travers, quoique, par le jeu d’une répartition géographique plus équitable, ce sont désormais les pays d’Asie et d’Afrique qui tentent d’imposer leur propre échelle de valeurs, notamment sous l’influence de la très conservatrice Organisation de la conférence islamique.
En dépit des innovations prometteuses mises en place par le CDH, telles que l’examen périodique universel (voir encadré), les ONG sont préoccupées. Ainsi, on a pu assister à un projet de recommandation visant à limiter la liberté d’expression dans la mesure où elle entrait en conflit avec la liberté de conviction religieuse ou voir l’ambassadeur du Pakistan s’offusquer que l’on puisse s’ingérer dans la pratique des «crimes d’honneur» dont sont victimes tant de femmes dans le monde. Dans ce contexte, les questions des droits des femmes et des minorités sexuelles semblent fédérer contre elles un groupe de pays bien décidés à ne pas se laisser imposer un modèle de société par l’Occident. «Et en même temps, tempère Peter Splinter, j’ai la certitude que les droits des femmes sont beaucoup plus discutés qu’auparavant dans la commission. Et la prise en compte est également plus sérieuse. Par contre, concernant les minorités sexuelles, le refus de certains pays est féroce, intransigeant.»

Des pédophiles chez les lesbiennes?
«En quoi votre association défend-elle les droits d’une population victime de discrimination?», «Quel est le rapport avec les droits de l’homme?» C’est en substance le premier assaut que Catherine Gaillard, de l’association genevoise Lestime, a dû repousser lors de son examen de passage à la session du comité ONG du Conseil économique et social (Ecosoc) qui s’est tenu fin mai à New York. Afin d’obtenir le statut consultatif auprès du CDH, il est nécessaire de défendre sa candidature devant les 19 pays membres d’un secrétariat chargé d’émettre une recommandation auprès de l’assemblée plénière de l’Ecosoc. En principe, le mandat de cette instance devrait se limiter à l’évaluation du statut non gouvernemental et à la conformité avec la Charte des Nations Unies. «Hélas, ils outrepassent leurs compétences en se portant juges sur des critères purement moraux des populations que nous défendons. Ils s’ingénient notamment à nous demander de démontrer qu’il n’y a pas de pédophiles dans notre association. Chez des lesbiennes!»
Tracasseries administratives, brimades, tout est fait pour décourager l’ONG d’insister dans sa démarche : on leur demande de traduire en anglais leurs réponses (alors que le français est une langue officielle de l’ONU), on les fait attendre une semaine avant de les recevoir, pour leur apprendre que leur examen est repoussé en janvier 2009. «Encore un coûteux voyage à nos frais!»
Le cadre, ainsi que le protocole étant déjà assez intimidants, il ne faut surtout pas s’emporter lorsque le représentant du Qatar insiste, avec beaucoup de tact: «Nous vous avions demandé l’identité sexuelle de vos membres…vous n’avez pas bien compris la question…Y a-t-il autre chose que des hommes et des femmes?» Catherine Gaillard a été impressionnée par le regard posé sur elle: un regard ouvertement hostile et méprisant, pourtant filtré par les règles de bienséance de cette grande institution internationale. Mais qu’importe: la militante de Lestime est décidée à mener à bien sa quête devant cette commission en janvier prochain.

«Alerter sans braquer»
A force de fréquenter ces instances supranationales, Stephen Barris, porte parole de l’ILGA (International lesbian and gay association), sait mieux que quiconque combien il est délicat d’«alerter, sans braquer» certains pays dont le réflexe premier est de renvoyer l’homosexualité à une conception culturelle, variable d’une région à l’autre. «Pour nous, il est avant tout nécessaire d’établir un pont avec les associations locales qui se sont engagées dans la défense des minorités sexuelles. Par leur ancrage dans la population et leur légitimité, elles sont des acteurs directs sur les mentalités du pays qui adaptent pas à pas leurs objectifs en fonction de l’évolution de la tolérance. Naturellement, on souhaiterait que les choses aillent vite, mais cela pourrait stratégiquement conduire à l’effet inverse, et reculer de 20 ans pour ce qui est du climat de dialogue!»
Stephen Barris est notamment préoccupé par l’initiative française annoncée en fanfare le 17 mai dernier: faire devant l’Assemblée générale de l’ONU, en décembre prochain, une déclaration pour la dépénalisation de l’homosexualité dans le monde. «C’est extrêmement gênant: on ne peut pas se distancier d’un tel projet, qui ferait date. Et en même temps, il est malvenu sous cette forme. On risque d’obliger certaines nations à se déterminer sur la question et ainsi, renforcer à moyen terme leur position homophobe. Il existe 86 pays possédant une législation qui pénalise l’homosexualité, mais fort heureusement, elles ne sont pas toutes utilisées. Avec cette déclaration et le vote qui suivrait, qui sait si certaines lois ne seraient pas réactivées? On ne peut pas se permettre de jouer avec ça. »

Lois anti-discrimination: La Suisse épinglée

Dans le cadre du Conseil des droits de l’homme, chaque pays doit se soumettre à un «Examen public universel», où il a l’obligation de s’expliquer sur des manquements aux droits de l’homme. C’est au cours de la session de mai 2008 que le CDH a évalué le cas de la Suisse et lui a adressé 31 recommandations. Parmi elles, le fait d’agir «contre toutes les formes de discrimination y compris pour des raisons d’orientation sexuelle et d’identité de genre», de même que la nécessité de «prendre des dispositions supplémentaires pour mettre effectivement les couples de même sexe à l’abri des discriminations». Au DFAE, Mirko Giulietti, relativise le caractère «critiquable» de cette prise de position: «La Confédération n’entend pas maintenir certaines discriminations, loin s’en faut, mais l’approche choisie est une approche sectorielle ou par groupe, au travers des lois sur l’égalité des femmes, sur l’égalité des personnes handicapées, sur la discrimination raciale ou la loi sur le partenariat, par exemple. Mais une approche globale n’est, à ce stade, pas envisagée.» M.F.