Billie Bird, faire partie de la vie des gens par la musique
Le 10 mars, l’artiste lausannoise Billie Bird sortira son premier album, Incendies. Vagin Pirate prend la température avec elle.
Nous rencontrons notre amie, Billie Bird, en fin de journée, tranquille sur le canapé, en buvant une tisane. Avant de commencer la conversation, on lui demande de choisir un vinyle parmi notre collection. Très rapidement son choix est fait: Motomami, le dernier album de Rosalia. Ce choix ibérique ne nous surprend pas, on a l’habitude de l’entendre amuser la galerie avec son plus bel espagnol!
Pour nous, Billie Bird, c’est une artiste queer féministe qui n’a pas peur de s’engager, de donner son avis et d’utiliser sa voix pour militer pour les causes qui lui sont chères. Quand on discute avec elle, on se rend compte que si elle fait tout ça, c’est pour pallier une urgence de vivre: «Plus j’avance, plus tout devient urgent.» Cette urgence, on la ressent à l’écoute de son nouvel album: les émotions ne se cachent plus, leur contact est frontal, que ce soit dans la douleur, la guérison ou la libération. L’honnêteté est centrale dans sa pratique, elle n’a pas d’autre choix que de se livrer et inévitablement, c’est ce qui la rapproche des gens. C’est peut-être là qu’on se rend compte que Billie Bird a beaucoup grandi depuis ses débuts: «Je me suis beaucoup cherchée par le passé, certains textes avaient des doubles sens que je ne pouvais pas exprimer. Par exemple Les Déferlantes (single paru en 2018) parle de bipolarité, et quand je chante «On n’arrête pas la mer», je parle de ma mère. Ça, avant, je n’arrivais pas à le dire.»
Se créer une communauté
Billie Bird, nous la connaissons pour sa musique, sa voix douce et parfois émue et les notes réconfortantes de sa guitare. Billie Bird, c’est aussi la femme engagée au sein d’Helvetiarockt en tant que manager régionale pour la Suisse romande. Cette association a pour but de renforcer la présence des femmes* dans l’industrie musicale suisse. L’artiste a rejoint l’aventure il y a cinq ans: «Je me sentais seule en tant qu’artiste, j’ai eu besoin de me créer une communauté pour évoluer dans un espace plus safe.»
Si vous demandez à Élodie, le nom de Billie à la ville, si la société bouge assez d’un point de vue inclusivité et égalité, elle vous répondra «Pas assez.». Il y a encore bien trop d’espaces de programmation qui sont inégaux en termes de représentativité. De manière plus globale, Billie Bird mesure la chance qu’elle a d’évoluer dans un milieu queer et de faire partie de cette communauté: «Cela me permet d’apprendre énormément de choses, d’écouter les autres et de me remettre sans cesse en question.»
Sur la pochette d’Incendies, Billie Bird nous regarde droit dans les yeux, derrière un voile pailleté: si proche et si pudique à la fois. Le choix de cette image est venu comme une évidence lorsqu’elle travaillait avec sa graphiste, Hélène Bezzola. Elle détaille: «Mon disque est deep, mais il est lumineux aussi, et c’est ce que j’ai retrouvé avec ces photos. Je crois aussi que ça ressemble à ma personnalité.» En travaillant avec Marie Rouge à Paris pour les photos, elle avait envie de changer d’esthétique: on la retrouve lumineuse, en gros plan, posant fièrement avec à son cou des bijoux de La Brutte et habillée par l’artiste Flèche Love. «Toute ma team visuelle, c’est des meufs et j’en suis hyper fière! Il y avait une volonté de travailler avec des personnes dont j’aime le travail, et c’est important pour moi de pouvoir offrir du travail à des femmes, à des personnes trans et non binaires.»
Quand on lui demande si elle a des attentes quant à la réception d’Incendies, elle dit qu’elle s’applique à en avoir le moins possible. Par contre, dans cet album, elle a mis tout son cœur et espère que les gens y trouveront du réconfort et peut-être même des réponses. «Moi ce que j’aime, c’est l’idée de faire partie de la vie des gens avec ma musique.»
Plus fort que tout
Écouter une chanson de Billie Bird, c’est s’autoriser à se laisser renverser par ses propres émotions. Ce n’est pas pour rien que l’album s’appelle Incendies. Dans ces événements, plus forts que tout, elle explique voir des bouts de sa vie, qu’elle s’applique à mettre en chanson. «Dans mon parcours d’écriture, il y a de la guérison, mais aussi de la compréhension, j’écris pour me raconter. Quelques fois, j’écris des textes qui devancent ma compréhension.» C’est ce qui est arrivé avec La fin du monde, l’idée d’écrire une chanson sur la fin du monde se transforme en pacte de paix avec soi-même lorsqu’on n’a pas eu la possibilité de dire ce qu’on voulait à une personne aimée disparue, nous détaille la chanteuse. Quant à «Incertitude, c’est un objet musical et poétique». Ce titre, que l’on retrouve en ouverture de l’album, est percutant et vous emporte dès la première écoute. On y retrouve un côté très abstrait au niveau du texte. En effet, il faudra l’écouter plusieurs fois pour saisir la subtilité des mots de Billie Bird. Autre chanson que l’on a beaucoup aimée, le single Indolentia, dans lequel l’artiste chante l’inertie comme moyen de survie, en attendant de trouver la force de prendre des décisions difficiles.
On termine ce très bel échange face au soleil couchant, c’est l’incendie sur le lac, et comme le dit si bien ce phoenix qu’est Billie Bird: «Le feu c’est universel et c’est beau!»
La Track ID de Billie Bird
Sa révélation 2022: Motomami – Rosalia
Son boost musical post break-up: Cry – Ashnikko & Grimes
Sa chanson préférée à écouter face à la mer:Sodade – Cesaria Evora
Son tube d’adolescence: Hedonism – Skunk Anansie
Si elle ne devait garder qu’une chanson: La Bamba Triste ou Joyeux Anniversaire