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La Roux tourne

La Roux tourne
Photo: Ed Miles

Après une errance artistique durant laquelle elle a littéralement perdu son falsetto, La Roux retrouve sa voix, un peu plus grave, sur son troisième album Supervision. Irrésistible, forcément.

Aux dernières nouvelles, La Roux avait quitté son management en claquant la porte avant de se faire virer par sa maison de disque Polydor en 2015. Puis, plus rien. Silence radio. La chanteuse à la mèche rousse défiant la houppette de Tintin n’aurait-elle été qu’une étoile filante parmi tant d’autres dans la constellation des pop stars des années 2010? Pas si vite. L’artiste, de son vrai nom Elly Jackson, n’avait aucune intention de s’arrêter en si bon chemin. Au lieu de rentrer dans la course effrénée de la surexposition médiatique et digitale après une crise artistique majeure, la Londonienne a préféré prendre du temps pour elle. Pour réfléchir, se ressourcer, méditer dans son bain quotidien et retrouver la flamme.

Le recul, une sage décision. «Me faire virer de ma maison de disque alors que je leur devais contractuellement encore trois albums, cela résonne comme une mauvaise nouvelle, disait-elle récemment dans The FADER. C’était en réalité tout l’inverse, il n’aurait rien pu m’arriver de mieux. La relation était devenue tellement tendue, je les ai suppliés de me laisser partir pour retrouver la sérénité de créer que je ressens en ce moment.»

Chemin de croix
L’issue de son chemin de croix, La Roux l’a trouvée dans sa nouvelle liberté artistique. Oubliée, la promo au rabais de Polydor pour son dernier album en date, «Trouble In Paradise». Sans rancune, délestée des frustrations du passé et de l’autre moitié du duo qu’elle formait avec Ben Langmaid, elle a laissé ses ailes repousser. Le résultat de ce processus sinueux se concrétise aujourd’hui avec Supervision, son troisième album, dont la sortie est prévue le 7 février 2020.

Entamé fin octobre 2019 avec le premier extrait «International Woman of Leisure», son comeback respire en puissance cette sérénité artistique retrouvée. Dans le clip aux couleurs acidulées et un décor psychédélique façon seventies, elle fend la route telle une Françoise Sagan sous acide au volant de la mythique Citroën SM et son design de fusée supersonique prêt-à-l’envol.

Androgyne toujours, la houpette fait place à une coupe courte structurée de mauvaise garçonne. Parfaitement calibré sur une mélodie dont les arrangements funky rappellent les grandes heures de George Michael dans ses classiques pop des années 80, le falsetto de la chanteuse de 32 ans se pose comme une évidence. Aussitôt se demande-t-on comment on a pu faire sans elle pendant tout ce temps.

 

C’est surtout sur le deuxième extrait, «Guillible Fool», que le charme opère à nouveau complètement, un hit en puissance à la croisée de l’essentiel «Wanna Be Startin’ Somethin’» de Michael Jackson au top de sa forme pendant l’ère Thriller et du non moins irrésistible «Borderline» de Madonna issu de son premier album en 1983. Si le roi et la reine de la pop avaient fricoté sur le dancefloor, le fruit de leur passion serait sans aucun doute La Roux. À la différence que la pop d’Elly Jackson est intrinsèquement européenne. Gageons qu’au-dessus de son berceau imaginaire, elle a été touchée par la grâce d’un coup de baguette magique par sa marraine décadente Andy Bell, génial chanteur à la voix chevrotante du duo Erasure.

Sans voix
Elle revient de loin en 2020. Conséquence de l’insécurité créative et personnelle ressentie pendant la tournée du dernier album de La Roux sous forme de duo en 2014, elle perd littéralement sa voix et fait le tour des médecins pour trouver la raison de son silence forcé. Ils ne trouvent rien, mystère. Certains pensent qu’il s’agit peut-être d’un cancer, mais sa voix a tout simplement disparu. Si elle l’a récupérée un peu plus grave aujourd’hui, il a fallu qu’elle apprenne de nouvelles techniques de chant. Fruit des graines semées tout au long de son périple initiatique, écrire une chanson n’est plus un long processus laborieux pour elle, c’est même devenu un plaisir spontané parfois aussi rapide que l’éclair.

«Je dois beaucoup à la confiance que m’a accordée Dan Carey», confiait-elle à Dazed & Confused en novembre à propos de son producteur, qu’elle partage avec Hot Chip et Bat For Lashes, qui est également responsable du sexy et cérébral «Slow» de Kylie Minogue: «Le simple fait de savoir que j’ai un endroit où aller, qu’il existe une personne en qui je peux avoir confiance et qui comprend à 100% d’où je viens et où je souhaite aller, cela fait toute la différence.» «Supervision», l’album de sa résurrection, reflète, jusque dans les moindres mesures, l’humeur funky de La Roux. Autant de bonnes raisons de se ruer dessus pour bien entamer les néo années 20.

» «Supervision», La Roux, sortie le 7 février.