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3 bonnes raisons de dévorer «Vernon Subutex»

Deux ans qu’on l’attendait... Le dernier tome de «Vernon Subutex» est enfin là! Si vous ne vous êtes pas encore jetés dessus, c’est l’occasion de (re)plonger dans cette formidable trilogie signée Virginie Despentes.

La trilogie est bouclée. Vernon Subutex nous embarque aux côtés d’un disquaire déchu qui deviendra SDF, puis DJ, puis gourou malgré lui d’une secte de raveurs… Au-delà de cet attachant anti-héros et de l’intrigue déroutante, à tiroirs, que déroule l’autrice sur plus d’un millier de pages, on vous explique pourquoi Vernon Subutex est la saga de l’été.

1 – Parce que Virginie Despentes fait partie des écrivains francophones les plus excitants du moment

Avec ce roman-fleuve qu’elle a un peu trop tardé à achever – les deux premiers volets étaient parus en 2015 – Virginie Despentes confirme qu’elle est une écrivaine majeure. Celle qui s’est faite connaître au début des années 1993 avec un premier roman explosif, «Baise-moi», une version trash du road-movie «Thelma et Louise», dans laquelle deux jeunes femmes paumées, galvanisées par une soif de vengeance, sillonnaient la France en semant la terreur sur leur passage, a désormais plus d’une quinzaine de romans et nouvelles à son actif. Sans oublier son formidable essai féministe, «King Kong Théorie», paru il y a déjà une décennie de ça mais toujours d’actualité.

Virginie Despentes a développé une écriture bien à elle: d’une simplicité presque nonchalante, sans chichis, presque parlée, qui donne l’étrange impression qu’elle s’adresserait à nous accoudée au comptoir d’un troquet parisien. Une simplicité qui n’empêche ni la magie de se produire, ni la beauté de débarquer à l’improviste. Virginie Despentes est passée maître dans l’art du portrait: en à peine quelques phrases qui semblent jetées sur le bord d’une nappe en papier, l’air de rien, elle croque avec saveur les travers de nos contemporains, les subtilités de notre époque. L’imposante galerie de personnages qu’elle convoque dans «Vernon Subutex» est un régal, un exercice de style magistral.

2 – Parce que cette trilogie a une touche queer

Virginie Despentes a longtemps été hétérosexuelle. Jusqu’à que Paul B. Preciado entre dans sa vie et la révèle à elle-même. La découverte de son homosexualité se reflétait déjà dans les derniers romans de l’autrice («Bye Bye Blondie», «Apocalypse Bébé»). Vernon Subutex a lui aussi une touche queer. Parmi la trentaine de personnages hauts en couleur qui défilent dans ce roman choral, trois font partie de la communauté LGBT*. À commencer par La Hyène, une ex-détective privée spécialisée dans le «lynchage cybernétique», comme la présente Virginie Despentes, qui s’attarde à plusieurs reprises sur le fait qu’elle est lesbienne et sur sa beauté inquiétante – «elle a quelque chose de hiératique, d’irréel».

Chargée au départ par un producteur de séries TV véreux de mettre la main sur des enregistrements du chanteur de rock Alex Bleach, retrouvé mort d’une overdose dans une chambre d’hôtel au début du premier volet de la saga, elle va vite passer dans l’autre camp et se charger d’assurer la protection de deux jeunes filles qui gravitent autour de Vernon Subutex, Céleste et Aïcha. Pour les aficionados de l’écrivaine française, La Hyène n’est pas vraiment une inconnue: elle menait déjà l’enquête dans son roman précédent, «Apocalypse Bébé», paru en 2010 chez Grasset, quand elle ne fréquentait pas des partouzes lesbiennes à Barcelone… On croise également à plusieurs reprises un transboy, Daniel, un garçon tranquille, plutôt réservé, qui était une star du X avant de transitionner et de se reconvertir dans le commerce de cigarettes électroniques. Amoureux de Céleste, il n’ose l’aborder et lui révéler qu’il n’est pas le cisman qu’il semble être au premier abord. Autre personnage transgenre de la saga, Marcia, une créature de rêve dont Vernon va tomber éperdument amoureux dans le premier tome, avant que celle-ci ne disparaisse soudainement et finisse par réapparaître dans sa vie au moment où il s’y attendait le moins… Cette coiffeuse brésilienne qui travaille dans le milieu de la mode mène grand train chez Kiko, un Parisien ultra-friqué aux narines ultra-cokées, qui fait office de mécène des «convergences», les raves illuminées qu’organise Vernon avec sa bande…

3 – Parce que cette saga a une portée historique: c’est un reflet de la France des années 2010

«Vernon Subutex», c’est aussi un sacré portrait de la France d’aujourd’hui. Une France en pleine déliquescence, marquée par les années de crise, la précarité, le capitalisme sauvage, la montée des extrémismes, dont les citoyens sont terrassés par une puissante vague d’angoisse que seul le repli sur soi ou sur l’écran de son smartphone semble apaiser… Le dernier tome de cette fresque sociale se déroule sous haute tension, dans un climat post-attentats qui rend encore plus impérieux le désir de vie communautaire et de fuite de la réalité de la secte festive réunie autour de Vernon. La fusillade homophobe du 12 juin 2016 à Orlando joue elle aussi un rôle dans le troisième volet, dont la fin est aussi explosive que surprenante.

» Vernon Subutex tomes 1, 2 et 3 aux Éditions Grasset.