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Le jukebox queer de l’été

Blood Orange en dandy des exclus, Lenparrot en naufragé minimal et Tegan and Sara en nouvelles impératrices de la pop mainstream: insérez votre pièce et choisissez votre tube!

Tegan and Sara plus pop que jamais

Les deux jumelles achèvent de tourner la page de l’intimité guitare-voix de leurs débuts et se muent définitivement en impératrices de la pop. Le précédent album du duo canadien, sorti en 2013, marquait l’entrée dans cette nouvelle ère esthétique: hyper-produit, Heartthrob capturait l’exact esprit de son époque, mêlant aux synthétiseurs les plus luxueux une veine folk admirablement authentique. «Love you to Death», son successeur, pousse ce paradigme un cran plus loin. Le résultat n’en est que plus efficace, même si, sur la longueur, il en devient aussi plus générique et plus impersonnel. Reste un single principal incendiaire, «Boyfriend», dont le mélange de teen party et d’ambiguïté amoureuse touche en plein dans le mille («You kiss me like your boyfriend»…), ainsi que plusieurs chansons que les deux soeurs se sont dédiées l’une à l’autre: joli reflet de l’amour fraternel qui continue de les lier, même si elles ont chacune trouver leur indépendance avec leurs compagnes respectives.

» Tegan and Sara, Love you to Death

Blood orange, crooner des opprimés

Dev Hynes, auteur-compositeur aux multiples visages, revient avec un nouvel EP à l’enseigne de son projet Blood Orange. Le Britannique installé à New York a plus d’un tour dans sa besace à groove: il a écrit pour la starlette Carly Jae Repsen comme pour le rappeur queer Le1f, et mis sa science des arrangements vocaux au service de Basement Jaxx, The Chemical Brothers ou encore Florence and the Machine. Son souvel opus, baptisé «Freetown Sound», est un hommage à toutes celles et tous ceux qui un jour se sont sentis «pas assez black, trop black, trop queer, pas queer de la bonne manière», bref, «tous les défavorisés» des communautés identitaires. La version vinyle deluxe offre, en bonus, les riffs soul et les basses langoureuses du titre «Sandra’s Smile», et le hip-hop svelte et engagé de «Do you see my skin through the flames».

» Blood Orange, Freetown Sound

Lenparrot minimalisme perché

C’est le nouveau petit prince parisien de la pop minimale: Lenparrot signe un récent EP vaporeux et languide, «Naufrage», dont les paroles acidulées flottent sur le ruissellement de claviers aériens et épurés. Romain Lalellement de son vrai nom, 27 ans, expliquait récemment dans Têtu comment cette esthétique du presque rien est née à ses débuts, lorsqu’il maniait encore timidement les logiciels de composition et manquait de moyens techniques pour produire une pop plus cossue et orchestrale. Au fil du temps, cette retenue est devenue une marque de fabrique qui reflète bien la personnalité fluide et effleurée de Lenparrot. Celui-ci, marié avec sa compagne, n’hésite pas afficher publiquement la complexité des sentiments qui l’habitent. Son personnage de scène, avec son timbre haut perché et sa fragilité brandie, est une sorte de double féminin de Romain, dont l’enfance et l’adolescence ont été marquées par la panoplie identitaire de Freddie Mercury et Queen. Naufrage distille ses atomsphères troubles au gré d’une grande clarté instrumentale. Séduisant paradoxe.

» Lenparrot, Naufrage