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To Butt or not to Butt

To Butt or not to Butt

Diffusé à grand tirage depuis une quinzaine d'années, le plus célèbre des fagzines contemporains arbore un rose aussi tendre qu'un doux postérieur. Il se prénomme crânement «Butt».

«Butt» est sans nul doute la star des fagzines et de loin le plus populaire à ce jour. Fondé en 2001 aux Pays-Bas, sa diffusion actuelle est estimée à environ 24’000 exemplaires trimestriels, un tour de force absolument remarquable dans un domaine somme toute plutôt marginal. Il est aussi très probablement le seul fagzine a avoir très fréquemment été feuilleté par un vaste public non averti dans l’un des nombreux points de vente où l’on peut le trouver à travers le monde entier, trônant immanquablement parmi les parutions les plus pointues du moment. Son format de poche et sa teinte rose dragée le sortent du lot, quel que soit le rayonnage sur lequel il se pavane aux côtés d’autres publications beaucoup moins effrontées.

Ses concepteurs Gert Jonkers et Jop van Bennekom ont bel et bien touché en plein dans le mille dès le premier numéro avec une identité visuelle des plus simples et efficaces, remaniant avec finesse les codes de certains fagzines historiques (à commencer par le fond rose emprunté au cultissime «Straight to Hell») et en ne s’encombrant pas d’effets de mode passagers dans leur façon de procéder. Ici tout est brut de décoffrage, simple, clair et honnête tout comme les beaux gosses qui défilent au rythme des pages couleur bonbon, croisant parfois une grosse pointure du cinéma, de la photographie ou de la mode sans jamais aucune lourdeur trop aguicheuse. Le tout premier numéro a d’ailleurs instantanément mis le feu aux poudres avec des portraits dénudés de Bernard Wilhelm photographié par Wolfgang Tillmans dans des situations quotidiennes flirtant avec le loufoque qui ont défrayé la chronique de la planète arty tout en restant immuablement frais et audacieux, sinon tout simplement inoxydables.

Parmi les contributeurs récidivistes habitués à «Butt» on trouve Casey Spooner, Michael Stipe, John Waters, Heinz Peter Knes, Edmund White, Terence Koh, Walter Pfeiffer ou Slava Mogutin. Que du très beau linge, pour un résultat sans un pli. Les lecteurs eux-mêmes sont également mis à contribution, dans la plus pure tradition de tout bon fagzine qui se respecte.

Proust version fag
Il n’y a donc pas de ligne éditoriale précise propre à «Butt» sinon une liberté totale d’expression majoritairement de type pornographique soft, incluant parfois également des portraits d’hommes de nature non-sexuelle. Le tout est ensuite compilé avec soin afin de garantir une identité et une qualité maximale n’ayant jamais fléchi à ce jour. Une autre particularité de «Butt» est la cyber-communauté qui s’est agglomérée dans le sillage du magazine au fil des années.

Ses abonnés et ses contributeurs s’auto-dénominent Buttheads et leur nombre est en constante augmentation, à la façon d’un essaim affolant qui se serait échappé de chez GayRomeo pour le meilleur et certainement pas le pire: chacun des 18’000 abonnés possède son profil avec photo et une seule et unique question-piège posée par «Butt» à la façon d’un néo-questionnaire de Proust version fag, en guise de présentation follement concise.

Tout ce beau monde s’étale naturellement sur le fond rose propre à «Butt» et là aussi, une certaine classe est de mise en comparaison à d’autres réseaux du même type. A tous points de vue, «Butt» prouve sans se fatiguer qu’il est possible de faire un sans-faute là où d’autres auraient déjà viré au mainstream de mauvais augure. Le but du jeu avoué étant ici de rester tout simplement constamment jouissif et cool sans tomber dans les travers de l’auto-stigmatisation sectaire ni de céder aux sirènes de la mode. Ce pari magistral a été gagné haut la main, dans l’une des niches les plus virulentes qu’est celle de l’édition homosexuelle, et on reprendra volontiers encore quelques savoureuses parts, car même après quinze années de bons et loyaux services, on ne s’en lasse toujours pas.

» buttmagazine.com