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Les «triangles roses», victimes du nazisme et de l’oubli

Il aura fallu attendre 40 ans pour que les premiers mémoriaux rendant hommage aux homosexuels exterminés dans les camps de concentration soient inaugurés en Allemagne.

Dans sa volonté maladive de classification, l’administration des camps de concentration, en plus de séparer les hommes des femmes, les jeunes des vieux, de numéroter les déportés à même la chair à la sortie des wagons à bestiaux, obligeait ces derniers à porter un triangle coloré sur leur uniforme de détenu: jaune pour les juifs, rouge pour les prisonniers politiques, noir pour les «asociaux», marron pour les tsiganes, violet pour les témoins de Jéhovah, et rose pour les homosexuels. Un sinistre arc-en-ciel aux antipodes de celui qu’on brandit aujourd’hui dans les manifs LGBT.

Environ 7000 homosexuels ont été envoyés dans les camps de concentration sous l’Allemagne nazie. 60% d’entre eux n’en sont pas sortis vivants, estime le chercheur allemand Andreas Pretzel, spécialiste de l’histoire de l’homosexualité sous le troisième Reich et membre de la fondation Magnus Hirschfeld (1): «Les homosexuels appartenaient, au côté des prisonniers juifs, au groupe de détenus le plus méprisé par les nazis au sein du camp de concentration. Dans certains camps, ils étaient séparés des autres prisonniers, détenus dans des baraques spécifiques, étaient affectés aux tâches les plus pénibles. Il y avait également des exécutions. Dans ces conditions, il était difficile de survivre, et c’est ce qui explique ce taux de décès élevé chez les détenus homosexuels.»

La chasse aux homosexuels sous le troisième Reich débuta par l’interdiction des associations et des publications tout comme la fermeture forcée des bars et cabarets homosexuels. Des mesures pour rendre l’homosexualité invisible au sein de la société qui «font partie des stratégies homophobes qui sont employées aujourd’hui encore», souligne Andreas Pretzel. «À partir de 1934, les homosexuels ont été soumis à des interrogatoires, insultés, envoyés dans les premiers camps de concentration pour de brefs séjours lors desquels ils étaient rabaissés, frappés. Certains sont même décédés lors de ces séjours», explique Andreas Pretzel.

Cinq ans de prison
L’année suivante, les nazis modifièrent le paragraphe 175 du code pénal allemand, une loi adoptée sous la République de Weimar qui condamnait l’homosexualité, faisant passer la peine maximale de six mois à cinq ans de prison. On estime qu’entre 1933 et 1945, environ 50.000 hommes ont été condamnés pour homosexualité en Allemagne.

Bien avant l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler, l’homophobie empesait déjà l’atmosphère légère des années 1920 en Allemagne, époque où a été créé le parti nazi NSDAP: «Les nazis diabolisaient l’homosexualité, tout comme de nombreux cercles cléricaux et conservateurs de la République de Weimar», fait remarquer Andreas Pretzel.

De la même façon qu’ils le firent avec les juifs, les nazis firent des homosexuels les ennemis du peuple allemand, en usant d’arguments tout aussi fallacieux: «Ils voyaient l’homosexualité comme un danger pour la politique démographique du pays, craignant que les homosexuels ne séduisent les hommes et fassent ainsi baisser le nombre de naissances…» Un discours d’autant plus ridicule que de nombreux officiers de la SA, une organisation paramilitaire du parti nazi, étaient homosexuels. Le fait avait été révélé par les adversaires politiques du NSDAP durant les campagnes électorales: «Le plus connu d’entre eux était le chef de la SA lui-même, Ernst Röhm (2), mais il y avait aussi le chef de la section de Berlin ou encore celui de Breslau», ajoute Andreas Pretzel.

La double vie d’Adolf Hitler
Septante ans après son suicide, la personnalité d’Adolf Hitler et sa vie personnelle continuent encore d’alimenter les fantasmes et de passionner les historiens. En 2001, l’historien allemand Lothar Machtan a relancé le débat sur l’homosexualité supposée d’Hitler en publiant un épais ouvrage (3) défendant cette thèse mais sans preuves tangibles. La majorité des historiens continue à s’accorder sur l’hypothèse qu’il était asexuel, c’est-àdire totalement désintéressé par la sexualité. La plupart des homosexuels arrêtés par les nazis ont été envoyés dans des camps situés sur le territoire actuel de l’Allemagne, comme à Sachsenhausen, près de Berlin, à Buchenwald, Dachau et Bergen-Belsen. Rares sont par exemple ceux qui ont été déportés à Auschwitz, situé aujourd’hui en Pologne. Il aura pourtant fallu attendre 40 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale pour que des mémoriaux dédiés aux victimes homosexuelles de la barbarie nazie soient inaugurés en Allemagne.

Pendant des décennies, le sort des homosexuels sous le troisième Reich, de la même façon que celui des tsiganes, a peu intéressé les historiens. Si les recherches sur les homosexuels se sont multipliées ces dernières années, celles sur les lesbiennes à la même époque sont par exemple encore très parcellaires. Les toutes premières stèles dédiées aux «triangles roses» sur le sol allemand ont été érigés en 1985 à Hambourg, sur le site du camp de concentration de Neuengamme, et à Dachau. Il y en a aujourd’hui une dizaine à travers le pays.

A Berlin, une autre stèle orne depuis 1989 l’extérieur de la station de métro Nollendorfplatz, et il a fallu attendre 2008 pour qu’un mémorial dédié aux victimes homosexuelles du nazisme soit inauguré au parc Tiergarten. Cette œuvre du duo d’artistes danois et norvégien Michael Elmgreen et Ingrat Dragset consiste en un grand bloc de béton percé d’une fenêtre à travers laquelle on peut regarder un petit film tournant en boucle représentant deux hommes en train de s’embrasser. Ce mémorial est également dédié aux homosexuels qui ont continué à être pourchassés après la chute du nazisme. Comme nous le rapportions en 2014, le paragraphe 175 n’a été supprimé du code pénal allemand qu’en 1994. Plus de 50’000 homosexuels ont été poursuivis en Allemagne entre la fin de la Seconde guerre mondiale et l’abandon de cette loi discriminatoire, soit autant que sous le troisième Reich.

(1) Du nom de ce médecin qui fut au tournant du XXe siècle l’un des premiers défenseurs des droits des homosexuels en Allemagne. Pour en savoir plus: mh-stiftung.de
(2) Qui fut exécuté pour cette raison en 1934.
(3) «Hitlers Geheimnis. Das Doppelleben eines Diktators», Alexander Fest Verlag

2 thoughts on “Les «triangles roses», victimes du nazisme et de l’oubli

  1. Avons-nous fait le deuil de cette déportation et de cette discrimination puisque la possibilité de se marier ou d’avoir des enfants reste encore une question pour nos sociétés, comme jadis le commissariat aux « questions » juives. Il y a un temps pour rire, il y a un temps pour pleurer. Il y a un temps pour demander, il y a un temps pour l’égalité. Je crois que le temps de l’égalité est venu.

  2. Dès 1946, Eugen Kogon écrivait dans son livre qui est une référence, l’Etat SS, »A Buchenwald, Pour des transports vers des camps d’extermination, les homosexuels fournissaient le plus fort pourcentage de la basse caste du camp »… Mais qui voulait entendre et qui veut entendre aujourd’hui ? On le sait depuis 1946 !

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