Santé

Cher Julien, je t’ai bouleversé. Après une intense partie de squash, nous allons boire une bière. Tu lâches: «Léon, que penses-tu des personnes transgenres?» Santé. Mon esprit s’éteint. Le son extérieur devient une boule amorphe qui siffle dans mes oreilles. Je réponds qu’à mon humble avis, chaque personne devrait pouvoir vivre comme bon lui semble. Tu acquiesces. Santé. «Mais toi, tu es trans, non?» Solide retour à la réalité. Oui, Julien, je suis fucking trans. Tu me lances: «Donc tu veux être une femme?» Julien, tu ne captes rien. «Non, quand je suis né les médecins m’ont pris pour une femme. Ça fait maintenant trois ans que je rectifie le tir.» «Impossible», tu réponds. «C’est impossible», répètes-tu. «Pourquoi, parce que je te bats au squash?» «Non, parce que tu penses et respires comme un mec, je ne l’aurais jamais imaginé.» Santé.
Effectivement Julien, je suis un mec. Être un homme n’a rien à voir avec la biologie. Pourquoi est-ce si incroyable? Parce que je ne corresponds pas à l’idée que tu t’es faite des personnes trans. On t’a peint une image négative, on t’a fait croire que «ça se voyait», que ce sont des gens meurtris par leur condition trans*. Mais aujourd’hui, je t’ai bouleversé. Tu repartiras avec une nouvelle représentation trans: transmets-la plus loin s’il te plaît. Je ne veux plus jamais qu’une personne qui se découvre transgenre ait envie de s’ouvrir les veines. Santé.