«GaySurvey 04»: plus de sexe, plus de risque…
Le 7 juin dernier étaient présentés à Berne les résultats de la 7ème enquête GaySurvey, confirmant une progression lente mais marquée de la prise de risques par les hommes gays en Suisse.
Projet financé par l’Office fédéral de la santé publique et réalisé par l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP) de Lausanne, le questionnaire GaySurvey a été diffusé au printemps 2004 dans les médias LGBT et lieux gays de toute la Suisse. Pour cette septième enquête depuis 1987, l’IUMSP a reçu la réponse de plus de 2000 «hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes» – des «HSH» dans le jargon de la santé publique. Plus de la moitié des répondants se sont exprimés via Internet, par lequel l’Institut diffusait son questionnaire pour la première fois. Un des effets de ce renouvellement est que les jeunes sont mieux représentés dans les résultats de l’enquête.
GaySurvey 04 confirme l’augmentation du nombre moyen de partenaires sexuels parmi toutes les classes d’âge et singulièrement auprès des moins de 30 ans. Chez ceux-ci la pratique du sexe anal est très largement répandue, un changement net par rapport aux années 80 et 90, fortement marqués par l’épidémie de sida. Au sein de cette même catégorie, l’enquête met également en évidence une certaine baisse d’intérêt pour les lieux de drague «traditionnels», tels que les parcs ou les saunas. Ceux-ci semblent perdre du terrain par rapport aux rencontres par Internet.
La «loi des grands nombres»
En rapport avec le VIH, l’enquête indique que les répondants sont moins nombreux à connaître des personnes séropositives, ou remarquer les actions de prévention, tandis que dans les pratiques sexuelles, la pratique du sexe non protégé augmente sensiblement depuis 1994. Cette année-là, 9% déclaraient ne pas systématiquement utiliser de préservatifs; ils sont 20% dix ans plus tard: une proportion probablement sous-estimée par rapport à l’ensemble des «HSH». Chez les moins de 20 ans répondant au questionnaire en ligne, cette proportion atteint 41%. Cela étant, beaucoup de répondants affirment connaître le statut sérologique de leur partenaire ou pratiquer une forme de réduction des risques. Reste que pour l’IUMSP, plus de sexe et plus de sexe anal suffisent à créer «une loi des grands nombres» qui fait que le VIH est susceptible de progresser encore de manière préoccupante.
La discussion qui s’est engagé entre les chercheurs de l’IUMSP et les associations gaies s’est arrêtée sur un aspect difficilement quantifiable et «sondable», mais néanmoins critique pour comprendre l’évolution actuelle: la peur de l’infection. A ce sujet, GaySurvey montre qu’en sept ans, la proportion de «HSH» percevant que «les homosexuels ont moins peur de devenir séropositifs» a bondi de 29 à 66%. En revanche, ils sont une proportion stable de moins de 15% à avouer avoir eux-mêmes moins peur… il y a donc une contradiction que l’enquête GaySurvey 04 ne parvient pas à résoudre. Ce qui est sûr, pour Françoise Dubois-Arber, médecin à l’IUMSP, c’est qu’«avec la disparition de la peur, on perd un atout important en matière de prévention.» Comment dès lors, atteindre le public, comment s’adresser à lui, sans savoir s’il fatigué de 20 ans de discours de prévention, oublieux des ravages de l’épidémie, ou insensible à la perspective d’une séroconversion? En matière de prévention les défis, décidément, ne manquent pas.