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SONAR: l’Internationale Mickey Club de la hype

Le plus important et frondeur des festivals de musiques électroniques d’Europe voit son ambiance parasitée par la course à la branchitude. Reportage.

«La hype est-elle un métier d’avenir?», s’interrogeait en une de son édition de juin le mensuel français «Technikart». Et le magazine «branché» de culture et de société de consacrer un dossier complet à la question, passant en revue les professions et terrains d’investigations de la «hype» contemporaine: agents, membres de collectifs, responsables de labels, etc, chaque occupation étant systématiquement estampillée «artistique», histoire de justifier la précarité comme un gage de qualité.

Feuilleté sur une terrasse des Ramblas à Barcelone à la mi-juin, à la veille de la neuvième édition du festival de musiques électroniques et d’arts multimédias Sonar, le dossier en question, de vague pensum intello sur la difficile condition de la branchitude urbaine, se révèle bien malgré lui une parfaite métaphore de ce qui s’apprête à se jouer durant trois jours dans la capitale catalane. Sonar devient alors la quintessence sociologique de la banale quotidienneté des branchouilles de Paris ou de Varsovie.

Près de 90’000 festivaliers sont en effet sur le point d’investir, du 13 au 15 juin, la ville qui se transforme pour le coup en gigantesque Mickey Club de la branchitude européenne, voire mondiale. Accourus de la plupart des centres urbains occidentaux, ces dizaines de milliers de festivaliers âgés entre 20 et 35 ans vont, en marge des expositions et concerts, jouer à se jauger, à se défier à coups de logos imprimés sur t-shirts, de jupes décalées et de coupes de cheveux assorties ou non aux dernières paires de lunettes de soleil des grandes marques…

Si ces joutes de la hype n’entament en rien la qualité du festival et l’intérêt objectif pour sa programmation frondeuse, elles organisent néanmoins un climat lourd et une ambiance qui peinent à s’autoriser le qualificatif de «festivalière» sur une ville déjà apesantie par l’harassante chaleur de l’été. Dès le premier jour, le titulaire d’une accréditation se voit remettre un DJ-bag aux couleurs du festival rempli de cadeaux et publicités pour les divers sponsors. Parmi eux, comble de l’ironie, un flyer A4 vantant, en anglais s’il vous plaît, le magazine «Technikart» comme le plus avant-gardiste et le plus «successful» des revues «branchées» françaises. Tout est dit dans cette simple anecdote où la prétention réflexive le dispute à la coquetterie de midinette dans le vent.

Dans les rues et sur le site du Sonar de jour, les attitudes des festivaliers se révèlent du même tonneau: on lorgne sur les détenteurs d’accréditations, histoire de jauger la valeur du porteur de sésame à l’aune de l’inscription qui y figure: professionnel, presse, artiste ou, mieux, invité. Les simples porteurs de bracelets payants ne méritant que le dédain affecté que laissent filtrer les «sunglasses» de l’élite. Même chose dans les clubs et bistrots, on s’estime en fonction de son look et du nombre de fois où sonne son portable.

Après trois jours de festival, un constat social s’impose. La «hype» internationale est identique d’où qu’elle vienne. Elle répond aux mêmes stimuli aux quatre coins du monde (mêmes musiques, marques de fringues, attitudes, etc) et avoue une uniformisation des esprits au niveau du plus petit dénominateur commun à l’ensemble des cultures qu’elle est censée représenter, révélant ainsi un banal nouveau groupe social, simplifié à outrance par le marketing et la culture de la rapidité, aussi pauvre et pathétique dans son message et sa démarche que les hordes de beaufs qui ont balafré les Costa Dorada et autres Gran Canaria. La vodka-redbull a simplement remplacé la bière et la hiérarchie des accréditations celle des hôtels et de la marque de la bagnole.

La hype est ainsi bel et bien un métier d’avenir pour qui sait en reconnaître les codes simples et les exploiter à son profit. Elle ne l’est pas pour ceux dont le maigre espoir est de figurer dans les pages du bimensuel espagnol Neo2, également partenaire de Sonar, sous l’étiquette «creador independiente de proyectos», c’est-à-dire rien ou presque si ce n’est l’appartenance à un supposé éther sublime de l’élite, à la culture mainstream, donc commerciale, en réalité. La hype n’est pas la hype, elle désigne une génération et ses codes communs, un groupe socio-culturel, une cible.