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Londres: Un islamiste traque les homos

Depuis quinze ans, le cheikh Omar Bakri, connu pour être proche des réseaux intégristes et en particulier d’Oussama Ben Laden, se moque des lois et impose les siennes en Grande-Bretagne. En toute impunité, l’homme a déjà appelé au meurtre de John Major, et, de façon permanente, à celui de tous les homosexuels. Son lobby d’activistes est déjà passé à l’acte. Comment cet homme peut-il bénéficier d’une telle liberté de nuire ? Devant des enjeux géopolitiques qui les dépassent, les associations homos se défendent comme elles peuvent.

Depuis l’arrestation arbitraire des 52 gays égyptiens, le monde s’intéresse d’un peu plus près aux rapports douloureux qu’entretiennent les homos avec l’islam. Pourtant cela fait des années que Amnesty International et les associations gays et lesbiennes concernées signalent et dénoncent sans faiblir les discriminations justifiées par un fondement religieux. En Angleterre, un homme a fait de la lutte contre l’homosexualité sa guerre sainte: ce croisé des temps modernes est le cheikh Omar Bakri. Dans ce pays où la liberté d’expression la plus large constitue une base démocratique, la résistance gay et lesbienne éprouve certaines difficultés à l’empêcher de nuire.

Né à Alep (Syrie) en 1958, Omar Bakri Mohammed grandit dans une riche famille d’orthodoxes musulmans. Très jeune, il est recruté par les Frères Musulmans et participe en 1981 à la révolte contre le président Assad, que celui-ci réprimera dans le sang. Il se cache à Beyrouth où il devient proche du Hezbollah. En 1983, il fuit la Syrie et se réfugie en Arabie Saoudite où il fondera dès 1985 un premier mouvement politico-religieux, Al-Muhajiroun (les exilés). Emprisonné pour propagande extrémiste, il est finalement expulsé du pays en 1986. L’Angleterre lui donne l’asile politique.

Installé à Tottenham, dans le nord de Londres avec femme et enfants, ce partisan d’un islam pur et dur qui prétend par exemple que «les talibans n’ont rien compris, ils continuent à croire que l’islam n’est qu’une religion», déploie une activité intense pour instaurer un califat (Etat islamique) en Grande-Bretagne.

Il ambitionne de «nettoyer l’Occident débauché» tout d’abord en concentrant son action sur la communauté homo. Un premier pamphlet intitulé «Homosexuality. Bestiality. Lesbianism. Adultery and Fornication» voit le jour et est distribué dans la rue, sur les campus universitaires. Omar Bakri y condamne sans détour les relations homosexuelles qu’il qualifie «d’actes pervers comparables aux viols et aux meurtres». Il va plus loin encore en précisant qu’il s’agit là «de crimes contre l’humanité» qui entraînent «une punition sévère». Pour lui, «le seul châtiment que méritent les gays est la mort».

Si l’on s’en réfère au Coran, l’homosexualité tant masculine que féminine est condamnée sans équivoque. Le hadith (écrits attribués au Prophète) mentionne un châtiment pour les actes homosexuels, mais sa nature n’est nulle part précisée. La forme d’une telle punition en est décidée par la seule charia (loi islamique), c’est-à-dire par les dignitaires religieux. Or le cheikh Omar Bakri détient entre ses mains le pouvoir d’appliquer la charia en tant que juge du tribunal islamique de Grande-Bretagne. D’ailleurs, histoire d’intimider plus particulièrement les gays musulmans, il signe ses appels au meurtre et autres fatwas de ce qualificatif juridique illégal au regard de la loi britannique. Depuis, il a développé son commerce prosélyte en lançant un magazine, «Khilafa», ainsi qu’un site Internet qui héberge entre autres ceux de nombreux mouvements intégristes tels que le Hamas, le Hezbollah, le FIS algérien et les talibans afghans. Dans son magazine, il justifie l’assassinat des gays et des lesbiennes en s’appuyant sur «le verdict islamique à propos de l’homosexualité». Il incite même ses lecteurs: «Si vous trouvez des gens qui le font, tuez celui qui le fait et celui à qui c’est fait.»

Lorsqu’en 1991, les évêques de l’Eglise anglicane proposent de réviser pour plus de tolérance leur position concernant les relations homosexuelles entre adultes consentants, Omar Bakri condamne ce revirement «obscène» et accuse le clergé anglais d’être «pervers».

La mission criminelle de Hizbut Tahir
Fondé en 1986, toujours sous son impulsion, le mouvement Hizbut Tahir a pour mission de recruter des émules sur les campus universitaires de Londres et de Manchester et de harceler juifs et homosexuels. La moindre affiche annonçant une soirée LGTB est systématiquement arrachée, le moindre comportement équivoque entre deux étudiants de même sexe fustigé, au point que les homos, élèves et profs, retournent au placard par peur des représailles.

A une réunion étudiante à Manchester, des membres de Hizbut Tahir stigmatisent la communauté gay et lesbienne: «Il y a 20 ans lorsque vous vous déclariez homos, vous n’étiez admis nulle part! Aujourd’hui, ils forcent vos portes! Ils adoptent des enfants, ils peuvent fonder une famille. C’est une véritable décadence.» Les craintes des homos à l’encontre des activistes de Hizbut Tahir s’avèrent fondées puisqu’en 1995, ces derniers ont poignardé Ayotunde Obonobi, un étudiant gay de Newham college à Londres, entraînant sa mort. Ses camarades témoignent: «Avant le meurtre, on voyait ces militants islamistes défiler autour du campus qui criaient des slogans à la gloire de Dieu et des insultes homophobes. Ayotunde craignait pour sa sécurité à chaque fois qu’il se rendait là-bas.»

Outrage!, une organisation gay et lesbienne non-violente surveille de très près les faits et gestes d’Omar Bakri. En réaction à la folie meurtrière d’Hizbut Tahir, 20 membres d’Outrage! organisent un sit-in à Trafalgar Square. La police les déloge. John Jackson, le porte-parole de l’association homo explique leur action: «Notre protestation n’est que la légitime défense des gays et lesbiennes contre les islamistes qui sont coupables en Iran de l’assassinat de 4000 homosexuels depuis 1980 et qui menacent, tuent les étudiants homos sur les campus de Grande-Bretagne.» D’autres groupes les rejoignent dans cette lutte dont War on Want et les Lesbian Avengers.

Le ton monte jusqu’en septembre 1996, date à laquelle Outrage!, soutenu par les Lesbian Avengers, tournent en dérision les arguments et la rhétorique d’Omar Bakri en lançant une «queer jihad» contre l’homophobie des intégristes musulmans. Le leader d’Al-Muhajiroun a prévu un grand rassemblement, the Rally for Islamic Revival, supposé accueillir 15000 adeptes. C’est seulement devant une centaine de supporters et autant de journalistes qu’il prononcera cette phrase terrifiante: «Il faut jeter les homosexuels du haut de Big Ben.» On pourrait lui prêter un humour british, si l’interprétation de ses propos ne se faisait malheureusement au premier degré. Ses adversaires ne se démontent pas: Outrage! et Lesbian Avengers ont imaginé un contre-meeting et rendu publique une queer fatwa condamnant le cheikh Omar Bakri à «1000 ans de tourment sodomite», comme l’a titré le Guardian.

En novembre 1999, Omar Bakri lance une nouvelle fatwa qui condamne à mort cette fois l’auteur Terence Mc Nally pour sa pièce «Corpus Christi» dans laquelle Jésus et ses disciples sont présentés comme des homos. «Ceux qui insultent les messagers de Dieu doivent être tués», martèle le chef d’Al-Mujahiroun. Sur tous les fronts, Omar Bakri suit avec attention la vie de la communauté LGBT. Il s’est insurgé contre la participation d’Al-Fatiha à la pride de San Francisco en juin dernier. Formé de gays et lesbiennes musulmans, Al-Fatiha est à son tour tombée sous le coup d’une fatwa intraitable. Un porte-parole d’Al-Fatiha considère la menace comme «très sérieuse» et estime que «lancer des fatwas contre des gens qui vivent leur sexualité naturelle apporte peu à l’islam».

Protections politiques?
Ces échanges verbaux font sans doute les délices des journaux. Ceux-ci devraient surtout se demander de quelle protection jouit Omar Bakri pour pouvoir, en toute impunité, proférer des propos anti-sémites et homophobes, bafouer l’establishment et défier la loi. En 1991, après avoir appelé à l’assassinat de John Major, alors Premier ministre, le cheikh a été placé 48 heures en garde-à-vue puis relâché. Et si le Home Office lui a recommandé de ne plus fréquenter les universités, ses mouvements Al-Mujahiroun et Hizbut Tahir ne figurent pas sur la liste des organisations terroristes interdites par une loi entrée en vigueur en février 2001. De même que la Cour de la Charia du Royaume-Uni dont il est le juge suprême est enregistrée à Londres comme organisme caritatif! Toujours dans cet ordre d’idée, il n’a été nullement inquiété après le 11 septembre dernier, en dépit de ses liens connus avec Oussama Ben Laden. Simplement un peu plus médiatisé…

Il semblerait que pour d’obscures raisons géopolitiques, le gouvernement britannique voit en lui «un futur combattant de la liberté», comme l’assurait Jack Straw, ministre de l’Intérieur de John Major. L’Angleterre, nostalgique de sa puissance perdue, rêve parfois de recouvrer son influence de l’Egypte à la Perse et s’imagine pouvoir manipuler ces mouvements qu’elle accueille sur son territoire. C’est assurément jouer avec le feu. Pourtant, elle persiste à refuser d’extrader certains terroristes impliqués dans divers attentats et à protéger de dangereux fauteurs de trouble.

Une chose est sûre: ces calculs en rapport avec la raison d’Etat dépassent le quotidien trop insignifiant de quelques citoyens, appartenant de surcroît à une minorité. Mais pourquoi faut-il que les politiciens ne la considèrent qu’au moment des élections? Aujourd’hui, Omar Bakri, il est vrai, connaît tout de même un petit souci: l’allocation de 1200 livres (2800 francs suisses) qu’il touche chaque mois du British Social Security – la sécurité sociale anglaise – pourrait être remise en question. Eh oui, car depuis 15 ans maintenant, les contribuables anglais, homos et hétéros confondus, subviennent même à ses besoins!