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La mémoire du futur

La mémoire du futur

Avec «Endless Revisions», Chloé apporte une pierre de plus à une carrière aux arborescences multiples. Rencontrée au GIFF, elle revient sur 20 années de musique marquées par le Pulp.

De 1997 à 2007, le Pulp fut l’un des temples de la musique électronique à Paris. Sous l’impulsion de Sextoy, leur aînée et mentor, Jennifer Cardini et Chloé compteront parmi les résidentes emblématiques du lieu. Le club est ouvert aux garçons, mais il est surtout tenu par des filles pour des filles et c’est toute une jeunesse un peu désabusée qui s’y retrouve, comme le dit Chloé avec une pointe de nostalgie. «C’était le seul endroit à Paris qui proposait quelque chose de vraiment différent. D’ailleurs beaucoup d’artistes demandaient à jouer au Pulp bien que le son y soit assez mauvais…» Dans les couloirs du Théâtre Pittoëff où nous avons rendez-vous, la voix éraillée de Marianne Faithfull déroule son Broken English, une langue familière à l’oreille de Chloé puisque sa mère, anglaise, a vécu sa jeunesse dans le Swinging London sixties. A cette mère qui en pince pour un French lover, Chloé dédie l’un des morceaux de son dernier album. De ce couple parental qu’elle tient en admiration, Chloé garde une passion dévorante pour la musique. «Ils en écoutaient tout le temps, ça allait du classique à la Motown, en passant par Kraftwerk ou Pink Floyd…» C’est sans doute pourquoi les horizons sonores de Chloé sont aussi infinis.

360° – Pourquoi avoir attendu sept ans avant de produire ce nouvel album?
Chloé – Parce que ce n’est pas une obligation dans la vie d’un artiste. Après mon second album («One in Other», 2010), je n’avais pas envie de me replonger tout de suite dans ce processus de travail assez long et dans lequel on est assez seul aussi. Entre-temps, j’ai quand même sorti des maxis, des remixes, et j’ai fait quelques collaborations, notamment avec le groupe Nova Materia.
Pour «Endless Revisions», il s’avère que j’avais envie d’un format long, mais surtout j’avais la matière et les idées.

– Sur le morceau «The Dawn», c’est la voix de ta maman qu’on entend?
– Oui, c’est un morceau plus personnel où j’ai voulu faire un travail autour de la mémoire, autour des souvenirs. C’est comme une sorte d’album photo que j’aurais retrouvé après des années, d’où le son vintage de cassette audio que j’ai mêlé à des sonorités plus modernes. Le développement du morceau est assez narratif, donc cet enregistrement de la voix de ma mère par-dessus, c’est un peu comme un conte du passé qui reviendrait s’inscrire dans le présent à chaque fois qu’on l’écoute.

– Pour toi, l’électro c’est de la musique de geek?
– Disons que j’aime bien écouter de la musique de geek, mais pour moi la musique de geek c’est de la musique intello, presque inaccessible: des choses complètement abstraites et compliquées d’approche. Stockhausen, par exemple, ça pourrait être considéré comme de la musique de geek et pourtant ça ne date pas d’aujourd’hui. Mais à mon avis l’électro c’est une musique qui doit se vivre de façon organique, instinctive et spontanée. Dans la musique électronique on retrouve des vibrations presque animales je trouve. Alors, je veux bien écouter de la musique de geek à partir du moment où ça provoque ça en moi.

– Et qu’est-ce que tu penses de la scène féminine actuelle?
– Eh bien, il y plus de femmes qu’avant et ça c’est cool. Après c’est une question à laquelle on ne devrait plus être confronté aujourd’hui, je trouve. En tout cas, ça ne devrait plus être une question, ce qui prouve qu’il y a encore beaucoup de choses à dire. Il y a une sorte de réveil des médias, surtout en ce moment avec toutes ces histoires de harcèlement, et je crois que c’est une opportunité à saisir pour parler de choses dont on ne parlait pas avant. Le milieu de la musique est aussi un milieu très machiste, non? Je crois surtout que ça touche tous les milieux, c’est un phénomène qui est à l’image de notre société.

– A tes débuts, tu as senti que tu devais faire des efforts particuliers pour t’imposer, pour exister?
– En ce qui me concerne, je n’ai jamais fait d’effort particulier parce que je crois que je me suis toujours affirmée naturellement. Par contre, j’ai été surprise de voir que certaines femmes et notamment les artistes s’autocensuraient elles-mêmes, n’osaient pas aller au bout de leurs désirs et réaliser tout leur potentiel.

– Sur cet album, il y a une collaboration avec Alain Chamfort pour qui tu avais déjà remixé un morceau…
– Oui, il y a eu des versions revisitées et j’avais remixé la chanson «Traces de toi». Donc suite à cette première collaboration, j’avais envie d’aller plus loin, de voir ce que pouvait donner notre rencontre. Et je lui ai proposé un morceau qui respectait assez son univers et où il a vraiment apporté sa touche. D’ailleurs on revient pas mal à des productions dans le style des années 1980 en ce moment. Mais il y a toujours eu un courant un peu vintage dans l’électro, on est toujours en studio à chercher des vieux sons sur des vieux synthétiseurs pour les mélanger à des trucs nouveaux. Ça pour le coup, c’est un truc de geek.

– Tu as aussi collaboré avec Vassilena Serafimova, une percussionniste bulgare pour un live en hommage à Steve Reich?
– Oui, on nous a proposé ce projet et comme Steve Reich est l’un des fondateurs de la musique minimaliste, c’est à mon avis la seule musique où il était possible de faire coïncider l’électro et le minimalisme des marimbas. Après ça, on a eu des demandes pour continuer l’aventure. En juillet dernier avec Vassilena, on est allées à la Biennale de Venise sur l’invitation de Xavier Veilhan qui a transformé le Pavillon français en un immense studio d’enregistrement collaboratif, et là on a élaboré un live sous forme de work-in-progress avec nos propres créations.

– Comment tu imagines aujourd’hui la musique du futur?
– Il y a déjà eu une sacrée évolution. Quand j’ai commencé l’électro c’était une musique underground, et aujourd’hui c’est carrément overground! D’ailleurs les barrières sont un peu tombées entre les genres, j’ai aussi l’impression qu’il y a plus de mélanges entre les genres. La musique électronique s’est ouverte à toute forme de collaboration et c’est marrant aussi de voir qu’il y a une nouvelle génération qui reproduit un peu ce qu’on a fait aux débuts. Ils organisent des raves, ils n’annoncent pas forcément les line-up, ils sont dans une réaction inverse à ce qui se passe, il y a pour certains un refus de rentrer dans les cases. Mais peut-être que dans quelques années le DJ n’existera même plus, je ne sais pas? On aura peut-être un DJ implanté dans le cerveau? En tout cas, j’espère que ce ne sera pas moi dans ton cerveau (rires). Mais je pense que les gens auront toujours besoin de vivre une expérience collective, donc peu importe la forme. La musique électronique vient après l’ère industrielle, alors dans quelle ère allons-nous entrer? On verra bien.

» «Endless Revisions» Lumière Noire, 2017 listentochloe.com