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Pionnière du genre

Pionnière du genre
Lorena Parini. Photo: Bastien Gallay

Féministe et politologue engagée, la Genevoise Lorena Parini prendra sa retraite en juillet prochain. Retour sur le parcours d’une femme d’exception, employée de commerce devenue prof d’université en études genre.

Lorena Parini est pressée. Pas dans l’entretien qu’elle nous accorde généreusement, mais dans la vie en général. «Je suis une Sagittaire fonceuse!» On devine la patience et la ténacité dont elle a dû faire preuve durant sa carrière, tant la reconnaissance des études genre prend du temps aux niveaux politique et universitaire. Son parcours ne s’est pas construit en ligne droite. Lorena Parini a commencé par un apprentissage d’employée de commerce à Lugano. Son père était chauffeur poids-lourd, puis livreur; sa mère s’occupait de la famille, après avoir été vendeuse. On ne parlait pas de Simone de Beauvoir à la maison, ni dans le Tessin d’alors. «Au niveau féministe, c’était la nuit.» À l’adolescence, elle fréquente davantage les garçons que les filles, «parce qu’ils avaient plus de liberté». Elle se passionne pour la musique: Pink Floyd, Genesis, Lucio Battisti. «Il y avait un air de liberté qui passait par la musique avant tout. C’est elle qui nous ouvrait l’esprit à autre chose.»
 
Discipline inconnue
En 1977, à 19 ans, elle a besoin d’air et émigre à Genève. Elle travaille comme employée de commerce, notamment dans les assurances, jusqu’à 28 ans. «Sans diplôme supérieur, les perspectives de carrière étaient très limitées, surtout pour une femme. J’avais de l’ambition et je me suis lancée dans des études universitaires, de manière un peu inconsciente.» Elle choisit science politique, «sans savoir ce que cela voulait vraiment dire, mais je m’intéressais à la politique». Pour financer ses études, elle effectue de petits boulots comme secrétaire et bénéficie d’une bourse. En 1996, elle soutient une thèse sur la politique d’asile en Suisse. Jusqu’à cette date, elle n’a toujours pas entendu parler d’études genre, «une discipline inconnue au bataillon, alors qu’elle se développait en France et dans le monde anglo-saxon».
 
Où sont les femmes?
Son directeur de thèse, Paolo Urio, féministe convaincu, tient à engager des femmes profs et à introduire les «études femmes» − c’est ainsi qu’on appelait les études genre à l’époque – à l’université. «Il m’a proposé de faire partie d’une petite équipe. J’ai dû recommencer en autodidacte une deuxième formation, on ne connaissait pas les auteurs principaux à l’époque, on tâtonnait!» Il a fallu une quinzaine d’années pour que la section se développe. Elle compte aujourd’hui trois professeures et le nombre d’étudiant·e·x·s qui s’inscrivent au Master ne cesse d’augmenter. Lorena Parini y a créé le premier séminaire d’introduction aux études queer, rebaptisé depuis «Politique des sexualités». «L’histoire nous a mis·e·x·s dans les marges. J’ai essayé de montrer comment est-ce qu’on pense le monde depuis les marges.» Lorena a été nommée à un poste fixe à l’âge de 53 ans; puis professeure à l’âge de 60 ans, en 2017. Durant les années précédentes, il a fallu tenir la route. Bel effort d’endurance, pour une «Sagittaire fonceuse».
 
Sets de DJ et prévention
Elle n’est pas du genre à se plaindre: pas le temps pour ça. Elle préfère faire la fête et s’engager, militer pour les associations LGBTQ+ (elle a été co-présidente de la Fédération des associations genevoises LGBT durant six ans) et officier en tant que DJ, notamment dans les fêtes 360°, sous le nom de DJ LAP (mystérieux acronyme dont elle refuse de nous révéler la signification). Elle va continuer, pendant sa «retraite», d’œuvrer dans la prévention et poursuivra une formation continue qu’elle a mise sur pied à l’université pour prévenir l’homophobie et la transphobie dans les entreprises. À propos, elle termine un article sur les personnes trans* dans le monde du travail, dont la situation est toujours catastrophique. On pourra le découvrir cette année dans la Revue internationale du travail. Le 17 mai prochain, à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, elle donnera une conférence en ligne.
 
Bousculer la société
Parce qu’elles remettent en cause le patriarcat, les études genre soulèvent nombre de résistances. Il faut faire comprendre au fameux «hétéro blanc de plus de cinquante ans» qu’il n’occupe pas le centre du monde, mais qu’il ne risque rien à accepter d’autres vies, d’autres relations sociales, d’autres identités que la sienne, à les respecter et à partager les mêmes droits, notamment économiques, qu’elles. Les choses avancent très lentement, trop lentement pour Lorena, mais elle a bon espoir: «Dans les années 90, on n’osait pas dire qu’on était féministes. Aujourd’hui, les jeunes femmes et les jeunes hommes osent s’engager. Je suis certaine que les choses bougent! C’est à nous de bousculer la société. Sinon, qui le ferait?»

«J’ai fait mon temps» (1990-2020): l’émergence des études genre et LGBT à l’UNIGE