«Libérer la parole»
Cinq parents ont décidé de créer à Genève un groupe pour accueillir d’autres parents, qui comme eux, ont été confrontés à la révélation de l’homosexualité de leur enfant.
Pour l’instant, ils l’avouent humblement: les contacts sont rares. Mais Lucienne, Roudy, Liliane, Marc et Jean en profitent pour affiner leur démarche dans des discussions vives et amicales, souvent chargées d’émotion. Ces deux familles, qui se sont rapprochées en apprenant l’homosexualité de leurs fils respectifs, se remémorent le moment critique où tout a basculé. «Quand il nous a dit qu’il était homosexuel, se souvient Lucienne, cette acceptation que l’on avait pour les enfants des autres n’a pas fonctionné.» Liliane se souvient de la peur qui l’a saisie: «Là où ça m’a fait très mal, c’est quand je me suis dit: Que va-t-il advenir de toi, quel va être ton avenir… J’avais peur d’une vie dans l’ombre, d’une vie sentimentale moins stable et enrichissante… et surtout de la solitude.» Partant de leur propre expérience, de leur confusion et de leurs préjugés d’alors, ils se préparent à rencontrer ces parents qui veulent croire que l’homosexualité de leur enfant est «traitable», tout comme ceux qui recherchent à tout prix des «causes». Des sentiments par lesquels ils sont passés, mais qui ont vite été dissipés par leurs fils. Déjà majeurs et indépendants au moment de leur coming out, ils ont su trouver les arguments pour rassurer leurs parents – une situation que les deux familles perçoivent comme «privilégiée». Après de nombreuses discussions et lectures sur le sujet, Jean se sent prêt à expliquer avec tact et patience «qu’il n’est pas bon de vouloir changer ce destin. C’est là le but premier de notre groupe: convaincre les parents d’accepter – quelle que soit la forme que prenne l’homosexualité de leur enfant, qu’ils soient fidèles, qu’ils vivent en couple ou fréquentent le milieu gay.» Reste une expérience, qui se rapproche de celle du deuil, comme le confirme Lucienne: «Même quand on est encore jeune, on a l’idée que nos enfants vont se marier, que l’on aura un jour des petits-enfants – même si on a pas vraiment envie de petits-enfants… mais c’est une possibilité qui tout d’un coup s’arrête.»
Un lieu neutre
D’autres groupes de parents existent en Suisse romande. A Delémont, des rencontres sont organisées sous l’égide de Juragai, tandis qu’à Lausanne, des parents se réunissent régulièrement dans les locaux de VoGay. Toutefois, Liliane estime qu’il est nécessaire de trouver des lieux neutres: «Quand ils viennent d’apprendre l’homosexualité de leur enfant, certains parents n’ont pas assez de recul pour pousser la porte d’une association.» Le groupe genevois envisage actuellement de se réunir dans une maison de quartier ou à domicile. «Les gens qui veulent en parler n’ont pas envie d’aller chez le médecin, ni chez le psychiatre, moins encore dans une association homosexuelle, explique Jean, mais ils cherchent des lieux de parole… Entre nous, on a évacué les tabous et on a une certaine ‘culture’ parce qu’on a beaucoup lu sur ce sujet. A ce titre, je pense que nous avons le pouvoir d’établir une relation d’égal à égal et de libérer la parole.»
Contact à Genève:
Liliane Waelchli Boymond safeEmail(‘l.wboymond’,’bluewin.ch’,”,”) Tél. 022 348 53 19 ou Roudy Grob safeEmail(‘rgrob’,’vtx.ch’,”,”) Tél. 022 752 34 69
Groupe parents VoGay, Lausanne www.vogay.ch/parents
Parents à Juragai, Delémont www.juragai.ch