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«La stabilité et le confort m’ennuient prodigieusement»

«La stabilité et le confort m’ennuient prodigieusement»

Maquilleur professionnel, fêtard invétéré, organisateur de soirées, Francis Ases est une figure mythique des soirées romandes. Portrait d’un homme libre amoureux du beau.

Francis Ases connaît tout le monde et tout le monde le connaît… Les noctambules du moins. Cela fait plus de trente ans qu’il sort… Et les soirées, il ne fait pas qu’y aller, mais les organise aussi, notamment les Blitz à l’ABC, la petite salle du D!Club à Lausanne. Si vous ne le connaissez pas, vous l’avez déjà croisé, c’est sûr. C’est un bel homme grisonnant aux traits fins, cheveux et barbe bien taillés, assez baraqué et habillé avec goût. On comprend vite, en le voyant, que l’esthétique revêt une certaine importance à ses yeux. On ne se trompe pas: Francis est maquilleur professionnel. Il travaille pour des magazines, de la publicité et de l’événementiel, principalement en Suisse, mais à l’étranger aussi.

Enfance valaisanne
Cette passion pour la mode remonte loin: quand il était enfant, sa mère – décédée très jeune – l’habillait et prenait des photos qu’elle envoyait à ses tantes d’Espagne. Son jeu favori en grandissant: transformer sa chambre en studio photo, coiffer, habiller sa sœur, prendre des clichés. La suite semblait évidente.

Francis est né à Martigny, de parents espagnols. Peu intéressé par l’école, il veut voler de ses propres ailes et commence rapidement à gagner sa vie en travaillant dans une boutique de vêtement dans laquelle il organise régulièrement des défilés. Car avant de devenir maquilleur professionnel, ce qui faisait vibrer Francis, c’était le stylisme, mais au fil du temps, cette passion a cédé sa place à une autre… Grâce à son savoir-faire et à ses connexions, il a pu voyager beaucoup: Barcelone, les fashion weeks de Paris, le festival de mode de Hyères, la cime des alpes, la maison Bulle de Pierre Cardin, etc., il est allé partout.

Lorsque le Lausannois parle de maquillage, il évoque son lien intime avec les mannequins, le rôle d’apaisement et de conseiller qu’il remplit auprès des jeunes gens dont il s’occupe. Contrairement à la majorité de ses confrères, Francis se sert beaucoup de ses doigts: «Je suis très tactile, j’aime faire des massages, faire du bien à la personne.» Il a un petit côté papa altruiste. Alors, ce travail, une passion? «J’aime bien maquiller oui, mais dans le fond, tout cela n’est pas si important… Ce n’est qu’un travail.» Francis l’avoue, il n’aime pas se tuer à la tâche. Un constat sans doute inexact: Francis a de l’énergie, mais surtout pour ce qu’il aime. Et son boulot, il le chérit avant tout pour l’indépendance qu’il lui garantit. «La stabilité et le confort des autres m’ennuient prodigieusement. 42 heures par semaine, des impôts infinis, des patrons cons, des collègues incapables… non ça ne m’intéresse pas du tout.»

Amour de l’ivresse
Les amis, les bonnes discussions, la musique, les soirées, ça, c’est ce qu’il aime. À 45 ans, cela fait plus de trente ans que Francis sort. «J’aime ce moment qui rassemble sans distinction l’avocat et le mec au social», raconte-t-il, «l’ivresse, cette douce énergie qui détend tout le monde, les échanges légers, la rigolade, la drague, la danse…» Il a vécu le début de la house, mélodieuse, jusqu’à l’hégémonie de la minimale actuelle. C’est d’ailleurs la monotonie de la programmation qui l’a décidé à organiser des soirées à l’ABC (dès 2006), en collaboration avec Dasko, un ami berlinois au courant des dernières tendances musicales. Ses soirées, il les a souhaitées ouvertes à tous. Les jeunes, les vieux, les homos, les hétéros, tout le monde… Non, il n’organise pas de soirées gays. «À présent, les ghettos c’est terminé et c’est très bien comme ça.»

«Rien n’est artificiel en soi. Tout dépend du plaisir que tu y mets, que tu y prends» Francis Ases

C’était différent pour lui, dans sa jeunesse. L’homosexualité, on n’en en parlait pas, «il n’y avait même pas de placards desquels on aurait pu sortir». Alors, à 16 ans, lorsqu’il sort pour la première fois dans une boîte gay, Le Négociant, à Lausanne, c’est la libération: «Je suis rentré dans la salle, j’ai regardé les mecs qui étaient là, puis l’ami qui m’accompagnait –  Simon, qui avait plus du double de mon âge – et je lui ai demandé: Ils sont tous PD?  Quand il m’a répondu oui, c’était la libération. Je n’étais plus seul.» Mode, maquillage, photo, danse, drague… Francis ne serait-il pas un brin superficiel? «Rien n’est artificiel en soi. Tout dépend du plaisir que tu y mets, que tu y prends. Tant que tu fais quelque chose profondément, avec sincérité et concentration, ce n’est plus superficiel.»

Racaille esthète au bord du lac

Francis est un fêtard, oui, mais un contemplatif, aussi. L’un de ses endroits préférés est la buvette de la plage de Lutry. «C’est super beau, ça m’apaise… il y a une vue incroyable, de la pizza, des grands cyprès et le lac».
Adepte du style streetwear, le Lausannois se rend souvent au shop Cornwell à Lausanne (242 Shop), car Francis aime s’habiller façon «caillera».
A la Placette, sur Saint-Roch, une petite galerie où sont exposés de jeunes artistes locaux: installations, photographie, sculpture. Francis, en grand fervent de photo d’art, s’y rend souvent même s’il avoue, en riant, toujours préférer les vernissages aux expositions en elles-mêmes.