Songe d'été
«Quand l’homme vulgaire est au pouvoir, l’homme noble met sa lumière sous le boisseau.» Yin King
Sans prévenir, sans raison apparente, un élan formidable me prend. Dans ce vertige, je me défais de toute méfiance, mes ciels se libèrent, un souffle balaie mes nues obscures. Autour de moi tout n’est qu’ouverture d’esprit, attentions, regards bienveillants, offerts et transparents. Nulle barrière, nulle entrave, pas la moindre contrainte. Les horizons se dégagent, s’offrent à de nouvelles perspectives, vierges de tout empêchement. Partout les regards se croisent avec bienveillance, les mains se tendent pour retenir des portes, les temps s’humanisent. Regards complices, visages détendus, légèreté et sourires. Au coin d’une rue résonnent voix et musiques d’un concert improvisé. Des manifestations autorisées partout, sans l’ombre de boucliers antiémeute. Dans l’air le parfum des lacrymogènes s’est évaporé. Les fonctionnaires des forces de l’ordre sont redevenus gardiens de la paix. Pas de matraque, ni de Taser, encore moins de balles plus ou moins réelles. Ici et là apparaissent de multiples espaces de convivialité. Non fumeurs et fumeurs, carnivores et végétariens se côtoient en bonne intelligence. Les divergences d’opinion s’expriment en toute quiétude, se confrontent en débats vivants où nul ne cherche à convaincre l’autre. L’information a quitté le terrain des images sanguinolentes et des transitions creuses. Les beautés aseptisées ont déserté les pages des magazines, les lèvres ont dégonflé. Rides et marques du temps s’expriment pleinement sur les visages. Les genres se démultiplient, se côtoient, se mélangent. Mais quelle main invisible a bien pu créer ce miracle?
P.S.: à force de vouloir mourir le plus vieux possible, en parfaite santé dans un monde sécurisé, on risque de passer à côté de toutes les grâces d’une existence mouvementée.