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Coup de torchon

Pourquoi le nazisme est-il si cool? Tel pourrait être un titre du prochain numéro de «Vice», le magazine canadien gratuit qui publie désormais une version allemande. En le lisant, on apprend que les filles sucent mieux que les gays ou comment assassiner ses parents. Un journalisme trash qui n’épargne personne, surtout pas les homosexuels.

C’est par une fraîche nuit d’été que le magazine «Vice» a fêté, dans un chaos qui lui sied bien, le lancement de la version allemande de son périodique provocateur dans une ancienne fabrique de tabac à Pankow, un quartier de rentiers de la proche périphérie berlinoise qui n’avait pas vécu telle pagaille depuis soixante ans. Concert des Babyshambles de Pete Doherty (Monsieur Kate Moss) annulé, bousculades en série, bagarres et toilettes qui débordent d’excréments, tels furent les hauts faits d’une soirée plus riche en poly-traumatismes qu’en agréments. Nonobstant le tumulte, le tout-Berlin branché était réuni pour fêter l’implantation allemande de la bible gratuite de la pop-culture – «trash culture» affirment les mauvaises langues – fort en blagues potaches et en humour raciste, le tout sous le sceau du politically incorrect et de l’ironie.
Petit empire de l’édition, avec des parutions aux Etats-Unis, en Angleterre, en Italie, au Japon, en Australie, en Scandinavie et désormais en Allemagne, «Vice» s’adresse aux spectateurs de Jackass (ceux qui savent lire), tout en s’affublant de quinze couleurs fluorescentes sans avoir l’air d’un paquet cadeau de chez Toys R’ Us. Un lectorat white trash, entre 20 et 30 ans, hétérosexuel, urbain, branché et un brin frustré, soit quand même beaucoup de monde. Fondé il y a une dizaine d’année à Montréal par Gavin McInnes – un parangon white trash qui mouille volontiers sa chemise pour «The American Conservative», un magazine dirigé par Pat Buchanan – «Vice» a d’abord été distribué comme un fanzine dans les magasins de skate. C’est à la suite de son déménagement à New York City, en 1997, qu’il a pris son envol. Depuis, sa popularité n’a plus semblé connaître de frontières, dépassant les limites de la scène musicale underground et du milieu skate de ses origines.
Sur quoi s’est fondé un tel succès? D’une part, sur une très bonne direction artistique, des chroniques musicales plutôt sincères et des thématiques provocatrices comme «We hate your parents too» sur la génération des baby-boomers ou «Hippie-fasciste» brocardant la paresse intellectuelle des activistes de gauche. D’autre part, sur un ton résolument outrancier qui se transforme en chapelet d’insultes au sein des «Do’s & Dont’s», une rubrique tellement culte qu’elle fait désormais l’objet d’une anthologie disponible en librairie. Cette section présente des photos d’inconnus au look insolite accompagnées de commentaires moqueurs cinglants – et, plus rarement, de louanges.
C’est totalement gratuit, grossier, mais aussi libérateur. Il n’y aurait pas à s’offusquer de ses vilaines puérilités, si les insultes préférées de Gavin McInnes n’étaient pas «faggy» (pédale), «nigger» (négro), «asiat» ou «slut» (synonyme de femme dans le langage fleuri de «Vice»). Dans son imaginaire, l’homosexuel porte des couleurs criardes, ne sort pas sans son caniche et s’enfile constamment de drôles d’objets dans le rectum. Certes, l’énormité des propos engage à y voir ironie et second degré, mais le rire peine souvent à jaillir face au peu d’esprit des commentaires.
Pour Hector Muelas, rédacteur en chef de «Vice» Allemagne: «Traiter notre magazine de raciste, c’est un truc de journaliste blanc qui écrit ses articles dans son bureau blanc sur son papier blanc…» Le nihilisme et la férocité de «Vice» seraient plutôt «les produits d’une génération qui ne croit plus à la gauche et à la droite, qui se fout du racisme et des autres valeurs bien-pensantes de ses parents», affirme le journaliste. Et d’ajouter: «Il n’y a pas lieu pour les homosexuels de s’insurger particulièrement, car Vice déteste tout le monde: les blancs, les noirs, les bis, les lesbiennes, etc.»
Une telle politique provoque des réactions très polarisées chez les lecteurs. «Vice» est soit apprécié pour son humour et sa radicalité, soit détesté pour les mêmes raisons. Un buzz qui lui profite, puisqu’il vient de tirer à cent vingt mille exemplaires en Allemagne. L’an prochain, la prose équivoque et outrancière de «Vice» inonder la francophonie. En effet, l’état-major du magazine négocie en ce moment avec des partenaires français. Ainsi, vous pourrez juger si «Vice» est l’expression brute d’une génération en perte de repères ou un sale torchon haineux.