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Mon Berlin me fout les boules

Mon Berlin me fout les boules

Terre promise pour toute une frange de jeunes artistes branchés, d’étudiants et de fêtards, la capitale allemande n’a jamais drainé autant de jeunes Suisses à la recherche d’une ambiance créative et dynamique. Par centaines, ils y débarquent des rêves plein la tête. Mais la galère est souvent au rendez-vous.

Les conditions de vie avantageuses, la multiplicité des lieux de fête et de culture, la constante mutation architecturale, les grands espaces urbains en friche… Quoi de mieux pour attirer des étudiants, de jeunes artistes et autres adeptes d’aventures en marge du conformisme de leur train-train quotidien? Berlin, depuis quelques années, est devenue aux yeux de beaucoup la capitale de la créativité, là où tout semble possible. Comme si la chute du Mur avait ouvert un horizon hautement symbolique. La desserte aisée de la capitale allemande, grâce aux compagnies aériennes à bas prix, a encore amplifié le mouvement. Depuis la Suisse, c’est à tour de bras que les jeunes Helvètes débarquent à Berlin dans l’espoir d’y trouver bonne fortune.
«Quand j’avais onze ans, j’ai été le spectateur fortuit de la chute du Mur. J’ai vu des gens courir partout. Ça m’avait beaucoup intrigué à l’époque», explique Charles, arrivé dans la ville il y a neuf mois, qui représente parfaitement cette génération de Berlin-lovers. «Ces dernières années, je suis revenu régulièrement à Berlin pour diverses raisons. J’y ai vécu le punk, la musique électronique, le mouvement gay, la drogue, des étapes respectivement importantes dans ma propre vie. J’ai donc un sentiment de connivence avec cette ville. J’adore aussi l’esprit allemand, les philosophes du XIXe siècle, le Bauhaus, le constructivisme, et presque toute la musique que j’écoute depuis des années vient de là.» Artiste diplômé de l’ECAL, Charles a l’honnêteté d’avouer qu’il n’a «rien fait» et qu’il est «resté en inertie» depuis son arrivée à Berlin. Il faut bien se donner le temps d’atterrir?

Des jobs oui, mais pas payés
Jacques, 27 ans, également diplômé de l’ECAL, a délaissé la Suisse pour Berlin il y a un an et demi avec la ferme intention de reprendre son travail de peinture, ce qu’il estime désormais réalisable après ce temps de «réflexion» et de «préparation». Il a choisi la capitale allemande pour la qualité de son espace, «son absence de saturation commerciale ou résidentielle», mais aussi pour une autre raison très pragmatique: «Comme Berlin est vraiment bon marché, je pouvais vivre ici avec aisance en touchant l’aide sociale suisse.» Nombreux sont les expatriés qui n’ont pas coupé le cordon ombilical avec la Suisse, et surtout pas les diverses sources d’alimentation financière (chômage, bourses, parents, petits jobs). Grâce à Easyjet, il est facile de se rendre à un rendez-vous d’un Office régional de placement et de repartir le soir même, avoue Jacques, sans complexe. Quant à ceux qui trouvent une petite activité, leur situation reste précaire. Concrètement, après un peu moins d’un an, Boris, par exemple, un étudiant en théâtre de 26 ans, vient de décrocher un stage non payé auprès d’une chaîne de télévision. Tobias, 27 ans, scénographe à la Volksbühne, une salle de théâtre avant-gardiste berlinoise, squatte avec des amis dans un appartement sans chauffage et tâche d’obtenir un peu d’argent pour les spectacles auxquels il a collaboré: «Ici, c’est difficile d’être payé pour un travail artistique, mais, en plus, quand on est étranger, les impôts sont pris à la source. Pour deux mois de travail, je me retrouve avec cinq cents euros en poche…» Pour les musiciens comme Zuleikha, une dj de 27 ans qui mixe périodiquement, souvent bénévolement, «Berlin est en ce moment saturée de dj’s. Pour faire son trou, il faut présenter quelque chose de différent musicalement. Je m’y emploie donc. Concrètement, j’ai eu un nombre limité de dates depuis mon arrivée, mais j’ai fait des rencontres inimaginables ailleurs qu’à Berlin».
Miroir aux alouettes, les débouchés berlinois? Malgré les efforts politiques pour soutenir la ville dans son rôle de nouvelle capitale culturelle européenne majeure, beaucoup de projets artistiques restent, pour l’instant, à l’état émergent. En cause: l’absence d’investisseurs, un manque d’argent chronique et un taux de chômage qui vient d’atteindre les 20%. Dans ces conditions, difficile de se faire sa place dans un eldorado en trompe-l’œil.

«Sept degrés dans mon appart…»
Caroline, arrivée en juin 2004 à Berlin et qui s’apprête déjà à repartir pour Genève, en sait quelque chose. Diplômée des Beaux-Arts, elle aussi espérait pouvoir s’installer durablement dans la capitale culturelle européenne. «Je ne supportais plus le huis-clos genevois, j’avais besoin de voir autre chose. Avec mon ami, nous voulions monter un magasin-galerie d’art contemporain. Pour concrétiser ce projet, on a fait quelques visites et donné des coups de téléphone, mais sans argent, ça ne servait pas à grand-chose… Du coup, j’ai cherché du travail, mais c’est vraiment dur d’en trouver ici, surtout lorsqu’on ne parle pas la langue et qu’on connaît peu de monde… Il n’y a simplement pas d’argent dans cette ville. Mon environnement n’était pas très motivant, j’avais l’impression de ne pas pouvoir sortir d’une coquille.» Consolation: son séjour, dit-elle, a été vraiment positif au niveau des rencontres. «J’ai fait la connaissance de personnes fantastiques dans le milieu de la musique. Et puis, on a vraiment fait la fête…»
Réputée paradis de la fête et de la musique, Berlin fait l’unanimité à cet égard. Mais paradoxalement, la ville transpire parfois une énergie désespérante qui peut affecter un moral d’immigré chancelant. «Cela peut être le pire endroit au monde quand on est déprimé. A l’Est, où j’habite, les gens sont totalement désespérés, c’est glauque», souligne Charles. Jacques: «Le tout-alternatif me gave, j’ai besoin de voir des choses plus sophistiquées. Je suis aussi excédé par la mentalité générale allemande, qui manque tellement de raffinement. Ici, on devient rapidement un “beautiful-loser” à cause du rythme endormi.»
Les jeunes expatriés se heurtent également aux difficultés pratiques du quotidien berlinois. Appartements gigantesques inchauffables, faux rythme et inertie sont les expressions qui reviennent le plus souvent dans leurs bouches. «Les conditions de vie sont très dures ici, reconnaît Caroline. On se chauffe avec des briquettes, un vrai calvaire. Il est arrivé que mon thermomètre indique sept degrés dans mon appartement, c’est horrible!» Boris renchérit: «Ça fait six mois que je me bats avec ma gérance pour avoir une douche qui arrête de fuir et un chauffage qui fonctionne. Maintenant, je n’attends plus que l’arrivée de la belle saison!»
Alors, Berlin, ville des espoirs déçus? Certes, mais «je me sens mieux intégré qu’en Suisse, je ne suis plus le seul à n’avoir pas un sou en poche…», souligne Charles, philosophe, qui veut malgré tout garder un point de vue optimiste quant à son avenir: «Berlin se transforme, c’est maintenant la fin de la culture club-ecsta-musique électronique et le début d’une nouvelle ère, l’aube du Berlin culturel et artistique. Comme j’en suis moi-même au commencement de ma carrière artistique, cette conviction me donne confiance.»