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Stress est-il un pédé?

«Homo» peut-il signifier «enfoiré»? Auteur d’un dernier album remarqué notamment pour son engagement contre Blocher, le rappeur Stress suscite par ailleurs la polémique en raison d’amalgames commis dans une de ses chansons. Le poète lausannois Julien Burri est un des rares à s’en être offusqué. Débat autour du poids des mots et du politiquement correct.

Tous deux sont lausannois, tous deux sont des amoureux de la langue. D’un côté, le rappeur Stress, 27 ans, dont le dernier album «25.07.03» fait un tabac, tant en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. L’un de ses titres, «F*ck Blocher», s’insurge contre la manipulation de l’opinion publique qu’opère l’UDC. De l’autre, Julien Burri, 25 ans, auteur de trois recueils poétiques («La Punition», Caractères), 1997; «Journal à rebours», L’Aire, 2000, «Jusqu’à la transparence», L’Aire, 2004) et d’un roman («Je mange un bœuf», L’Aire, 2001). A la sortie de l’album de Stress, le poète a pris sa plume pour faire remarquer au journal Le Temps que le rappeur encensé pour ses textes par toute la presse se prêtait aussi à des dérapages que l’on ferait bien de condamner. Objet du délit: «Game» (lire les paroles ci-dessous), un titre qui, en substance, est truffée d’enculés que l’on nomme homos, pédés et gays. 360° a rencontré séparément ces deux jongleurs de mots pour un débat à distance.

Stress, pourquoi avoir écrit «Game»?
Stress: Cette chanson je l’ai écrite après avoir eu une expérience très désagréable avec un ami proche issu du business de la musique. On m’a trahi, on m’a fait un sale coup et voilà, pour dire les choses clairement, je me suis fait entuber… C’est de cela dont je parle dans «Game», du manque de loyauté qui règne dans ce milieu, de rien d’autre. J’ai écrit ces mots de manière très spontanée.

Vous associez tout de même les homosexuels à une image résolument négative, et pas seulement au détour d’un vers. N’est-ce pas discriminant et choquant ?
Stress: Je comprends que certaines personnes aient pu être choquées, mais vraiment je n’ai rien contre les homosexuels – d’ailleurs je le dis dans «Game» – et j’ai des potes gays, qui, soit dit en passant, n’ont pas été choqués. Cette chanson est une autocritique du milieu rap où des enculés cherchent à tuer la créativité, à imposer des règles et des modes. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le vocabulaire que j’ai utilisé est celui de la rue, celui qu’on utilise dans le milieu du rap. Aujourd’hui, quand on dit «pédé» dans ce milieu, ça ne signifie pas «homosexuel»; ça veut dire «enculé», «enfoiré». Il y a une dissociation totale entre le sens premier du mot et sa signification dans le milieu rap. Ce qui m’écœure, c’est qu’on essaie de lancer la machine à polémiques.

Julien Burri, vous avez été choqué par ce titre au point de publier une lettre sévère dans la presse… N’est-ce pas polémiquer un peu vite?
Burri: Non, cette chanson est profondément choquante parce qu’elle crée un amalgame. Si Stress pense que l’utilisation du mot pédé est vidé de son sens, alors c’est encore plus inquiétant. On banalise ainsi l’idée qu’un comportement homosexuel est un comportement négatif, qu’être pédé, c’est mauvais. On ne peut pas jouer innocemment avec les mots, surtout pas quand on est un amoureux de la langue et surtout pas quand on a un public de 13-18 ans. Quand on écrit des chansons ou des textes, on a une responsabilité morale et politique. Personne n’accepte, et heureusement, qu’on puisse associer le mot «youpin» à une banale insulte simplement parce qu’elle existe dans la rue.

La vulgarité du rap n’est-elle pas une réaction au politiquement correct qui sclérose la pensée?
Burri: Mais il n’y a aucune ouverture dans la chanson de Stress! Au contraire, avec ses stéréotypes, il recrée le ghetto. La grossièreté oui, mais il faut qu’elle soit habitée. La critique du milieu homo oui, mais il faut qu’elle se fonde sur des faits. Si on veut manier les insultes populaires à des fins artistiques, pourquoi pas; mais alors on le fait avec un discours.

Stress, de nombreux rappeurs s’attaquent aux gays. Une mode?
Stress: Je ne crois pas que les gays sont réellement visés. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a une culture macho dans ce milieu et le vocabulaire qui va avec.
Burri: Un autre rappeur, Mos Def, qui devrait pourtant savoir ce que discrimination signifie, dit que «le monde est gouverné par les gays et les juifs».

Pour vous, Stress, il n’y a pas de limite à la liberté d’expression?
Stress: Si, il y en a une. Mais il y a une différence entre l’utilisation d’un champ lexical et des appels à la haine. Cela me révolterait que des nazis chantent «il faut brûler tous les pédés».

Sur le même album vous avez écrit une autre chanson qui s’intitule «F*ck Blocher». Vous dénoncez les amalgames que commet l’UDC dans ses affiches, en associant musulmans et Ben Laden. Ne procédez-vous pas des mêmes raccourcis en liant les «homos» et les «enculeurs de la prod’»?
Stress: Ce que je dénonce chez Blocher, c’est la manipulation. Cet amalgame entre Ben Laden et les musulmans c’était un acte délibéré pour faire peur aux gens. Moi, je n’ai pas utilisé un langage pour faire peur aux gens, j’ai simplement voulu utiliser une image. Vous savez, ma maison disques a fait pression sur «F*ck Blocher, elle voulait que je change de titre. Mais je me refuse à me plier à toute censure dans un sens ou dans l’autre.

Julien Burri, on sait par ailleurs que Stress défend la tolérance à l’égard de minorités…
Burri: Ce qui est effrayant, c’est qu’on peut prendre conscience du discours de Blocher, de ses ambiguïtés, de ses dangers, mais tomber dans le même panneau par ailleurs. Blocher aussi dit qu’il n’a rien contre les étrangers…

Stress, votre maison de disques a-t-elle également réagi au sujet de la chanson «Game»?
Stress: Non, pour cette chanson, elle n’a rien dit.