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We are everywhere

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Quelle place pour les minorités sexuelles et de genre dans l’espace urbain genevois? C’est à cette question, entre autres, que tenteront de répondre les participant·e·x·s à la journée d’études «Traces queer dans la ville» organisée au CMCSS. 

Quel accès a-t-on à l’espace public lorsqu’on est une personne s’identifiant aux minorités sexuelles et de genre? Quelles expériences de discriminations y rencontre-t-on éventuellement, et quelles stratégies met-on en place pour y faire face? Quel rôle jouent les collectifs communautaires dans le soutien aux personnes LGBTIQ+? Quelles actions mènent les institutions en la matière?

En plaçant le genre et la sexualité comme éléments fondamentaux de la structuration des espaces du quotidien, à partir d’une analyse de la Ville de Genève et son contexte géographique limitrophe, la recherche «WE ARE EVERYWHERE, revendications et réappropriations de l’espace et de la citoyenneté par les minorités sexuelles et de genre en contexte de ville néolibérale», sous la direction de la Dre Karine Duplan, géographe à l’Université de Genève (UNIGE), s’est intéressée aux modalités de construction d’une ville plus inclusive à l’égard des personnes et communautés de la diversité sexuelle et de genre. Une journée d’étude clôturera cette recherche, le jeudi 16 novembre 2023.

S’étalant sur une période de deux années (2021-2023), cette enquête ethnographique a bénéficié d’un soutien du Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités de l’UNIGE (CMCSS). Elle a consisté en une récolte de données sur ce qu’il se passe en ville pour les personnes LGBTIQ+, que ce soit dans la vie de tous les jours ou lors d’évènements spécifiques. En plus des observations menées dans différents lieux, des interviews ont été faites auprès de personnes œuvrant pour l’avancement des droits LGBTIQ+ au niveau communautaire ou institutionnel dans la Ville et le Canton de Genève, ainsi qu’auprès de personnes se définissant comme LGBTIQ+ qui ont souhaité partager leurs expériences. Ces récits ont été analysés en lien avec une littérature spécialisée traitant de ces questions, et parallèlement avec d’autres données permettant de renseigner le contexte spécifiquement genevois, notamment quant au cadre juridique et légal existant, ou aux actions des différent·e·x·s acteur·ice·x·s impliqué·e·x·s.

Quelles traces queer en ville de Genève?

Il existe une grande diversité de collectifs à destination des personnes et communautés LGBTIQ+ à Genève. À partir d’exemples choisis, cette recherche rend compte de la manière dont chacune de ces organisations peut s’appuyer de manière différenciée sur des répertoires d’actions qui vont de manifestations soutenues par des financements institutionnels, comme le cas emblématique de la Pride, à des prises d’espace plus radicales, voire illégales.

Aux côtés des actions les plus visibles, nombre de ces collectifs jouent également le rôle d’espaces qu’on pourrait qualifier de «refuge», en ce qu’ils permettent de se retrouver entre personnes partageant une identification en-dehors des normes hégémoniques de sexe et de genre. En cela, ces espaces peuvent également opérer comme lieux de formation identitaire et citoyenne.

Les collectivités publiques – telles que la Ville, le Canton, l’Université, etc. – sont très investies dans le soutien aux communautés LGBTIQ+. La question qui peut alors se poser – dans le cas précis des institutions – est de savoir comment le soutien donné demeure «authentique», alors que les institutions publiques sont de plus en plus soumises à une injonction d’inclusivité et de progressisme. À ce propos, Karine Duplan indique que cette recherche a permis « d’explorer la façon dont le vocabulaire de l’inclusion est utilisé en lien avec la ville ou l’urbain et les enjeux qui en découlent. L’étude montre comment la frontière entre actions militantes et actions institutionnelles demande à être complexifiée en pensant des formes possibles d’engagement et de queerisation des modes de gouvernance, depuis l’intérieur ».

Cette recherche genevoise rend aussi compte des actions que les personnes mettent en place à l’échelle individuelle, des actions souvent discrètes comme de petits signes vestimentaires ou corporels, des traces, qui permettent une queerisation diffuse des espaces, parfois même à l’insu d’autres personnes, mais qui comptent justement dans le sentiment d’appartenance qu’on peut développer dans l’espace urbain.

Et les suites…

Les résultats de la recherche «WE ARE EVERYWHERE» comprennent un nombre important de données qui attendent encore des approfondissements, notamment en articulant davantage les enjeux liés au genre et à la sexualité avec les questions de race, culture, ethnicité, migration, etc. Pour ce faire, la Dre Karine Duplan souligne: «Travailler sur un tel sujet relève pour moi d’un engagement en faveur d’une meilleure justice sociale en contribuant à rendre visible les enjeux liés à ces questions.» Elle ajoute que ce type de problématique permet, «sur le plan académique, de faire avancer les recherches en la matière, sur un sujet qui longtemps n’a pas été considéré comme un sujet scientifique légitime; sur le plan social, de rendre compte de réalités plurielles dont bon nombre de personnes non concernées (même si elles se disent en faveur de l’avancement des droits LGBTIQ+) ne sont pas conscientes; et enfin, sur le plan politique, d’axer sur la visibilisation de ces enjeux afin de rendre leur prise en considération incontournable.»
 

En lien direct avec la recherche «WE ARE EVERYWHERE», la journée d’études «Traces queer dans la ville» du 16 novembre rassemble un vaste panel d’interventions traitant de la dimension spatiale de la citoyenneté en lien avec le genre et la sexualité.

Aux côtés des conférences données par Alison Bain et Julie Podmore, deux chercheuses éminentes dans le domaine de la recherche urbaine et des géographies des sexualités, se tiendra également une table ronde réunissant des acteur·ice·x·s des milieux institutionnels et communautaires afin de discuter des rapports entre art, activisme et politique queer dans la ville. De plus, une session dédiée mettra à l’honneur la jeune recherche en géographies des sexualités à l’UNIGE, permettant de témoigner de l’importance du renouvellement de ces questions par la nouvelle génération.