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Randy Shilts, traître ou héros?

Randy Shilts, traître ou héros?

Dans une BD prenante, le scénariste Clément Xavier et la dessinatrice Héloïse Chochois se penchent sur le destin de Randy Shilts (1951-1994), premier journaliste ouvertement gay engagé par un grand journal américain. Celui qui a fait la chronique de l'épidémie de sida est aussi l'auteur d'une mystification qui en a changé la perception, celle du «patient zéro».

Randy Shilts débute son enquête alors que les premiers jeunes hommes homosexuels californiens sont touchés par ce que l’on appelle alors le «cancer gay». Découvrant l’étendue et la rapidité de l’épidémie qui menace l’ensemble de la communauté gay, il se sent dans l’obligation d’agir. Auparavant, le jeune journaliste avait retracé les débuts du mouvement gay en écrivant sur la vie du politicien assassiné Harvey Milk (The Mayor of Castro Street, The Life and Times of Harvey Milk, 1982). Il décide d’alerter le public sur la menace collective du sida en l’incarnant à travers un récit individuel, celui d’un prétendu «patient zéro».

Son stratagème de fake news fonctionne. Après des mois de silence, et malgré déjà des centaines de malades et de morts à travers le pays, les médias parlent enfin du sida. Mais si cela a permis une prise de conscience et d’informer la population et en particulier les hommes gay, cela a eu un prix. Au lieu de présenter le sida comme le danger, ce sont les hommes gay et les personnes vivant avec le VIH que les médias présentent comme des menaces pour la société. Randy Shilts s’attire alors les foudres de la communauté, qui le perçoit comme un traître. Il se rachètera auprès de ses pairs en publiant une enquête très poussée sur l’émergence du sida aux USA et l’inaction coupable des autorités politiques dans sa propagation (And the Band Played On: Politics, People, and the AIDS Epidemic, 1987).

Ed. Glénat

Est-ce que Randy Shilts avait conscience des conséquences, lorsqu’il a rédigé son article sensationnaliste présentant Gaëtan Dugas, un steward gay canadien, comme «un tueur en série utilisant le sexe comme arme»? N’y avait-il pas d’autres moyen d’agir pour alerter et mobiliser une communauté ivre de libertés chèrement acquises? Est-ce qu’«il s’est sacrifié pour une cause plus grande que lui», comme le dit Clément Xavier, scénariste de cette BD, dans l’interview incluse en fin d’ouvrage? À vous de vous faire une opinion en lisant cet ouvrage qui retrace un tournant majeur de notre histoire communautaire.

Le prix des mobilisations

Pour ma part, toutes proportions gardées, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle entre le récit qui est fait de cette époque et les enjeux de santé communautaire actuels. Que ce soit pour parvenir à la fin de l’épidémie du VIH, pour endiguer les autres épidémies (syphilis, Mpox…) ou encore pour réduire les dommages liés aux consommations de substances, quelle stratégie pour informer la communauté et les autorités? Sans aller jusqu’aux fake news (quoi que), devons-nous accepter de participer à la stigmatisation de nos pairs/adelphes et à certaines paniques morales pour obtenir la mobilisation et les moyens nécessaires pour agir? Quel prix sommes nous prêt·e·x·s à payer afin de préserver la santé de tous les membres de nos communautés? Pour répondre à cette question, pouvons-nous nous inspirer des leçons de notre histoire, notamment des actions de Randy Shilts?

Randy Shilts et la fake news du patient zéro. Scénario: Clément Xavier / Dessin & Couleur: Héloïse Chochois. Ed. Glénat