Dreams, force et émotions d’un premier amour

Poursuivant sa réflexion sur les nouvelles expressions de l’intimité, le réalisateur norvégien Dag Johan Haugerud livre, avec Dreams, un film qui séduit notamment par la finesse de ses dialogues.
Après Sex et avant Love (lire ci-dessous), Dag Johan Haugerud poursuit son exploration de la sexualité queer et des normes qui encadrent l’amour avec Dreams. Souvent considérée comme le meilleur des trois volets de sa passionnante trilogie Oslo Stories, l’œuvre a décroché l’Ours d’or en février dernier au Festival de Berlin.
Johanne, 17 ans, tombe follement amoureuse de sa professeure de français âgée de 30 ans, et se rapproche d’elle en lui demandant de lui apprendre à tricoter. Pour mieux garder le souvenir de cette bouleversante relation s’étalant sur un an, l’adolescente décide d’écrire un livre pour raconter sa première expérience faite de trouble, de souffrance, de doute torturant, de plaisir et de joie intenses.
Ce mélange d’émotions est vécu dans le secret, avant que la jeune fille décide de s’en ouvrir à sa grand-mère poète, puis à sa mère. Toutes deux sont à la fois séduites par son talent littéraire et choquées par des descriptions très intimes, que l’on entend en voix-off, au travers de flash-backs évoquant l’évolution de rapports réels, fantasmés, voire interdits, entre Johanne et sa prof.
Légèreté, humour et distance
Avec sa capacité à aborder des sujets de société tendance avec légèreté, humour et une certaine distance, Dag Johan Haugerud livre un film certes très bavard, mais dont on relèvera la finesse de l’écriture et des dialogues. Dreams est aussi remarquable par sa façon d’aborder avec pudeur l’amour et des sentiments, et par la justesse et la sincérité des interprètes. Reflétant une réalité norvégienne, ce film n’en aspire pas moins à l’universel, avec la volonté de susciter une identification chez le spectateur. C’est très réussi.
Dreams de Dag Johan Haugerud (Norvège, 1h50), dans les salles de Suisse romande dès mercredi 6 soût. Distr. Xenix.
Love, la possibilité du couple

Love, troisième volet de la trilogie, sortira une semaine plus tard, le 13 août. Marianne, oncologue hétéro et Tor, son collègue infirmier gay, soignent des patients masculins dont le cancer de la prostate entraîne des troubles de l’érection. Ce qui n’empêche pas les élans amoureux, sujet chaud abordé par nos deux célibataires endurci·e·s, convaincu·e·s d’être condamné·e·s à la solitude affective. Se retrouvant par hasard sur un ferry qui les ramène à Oslo, ils parlent sans complexe d’érotisme, d’amour, de leurs aspirations, de leurs désillusions. Tor raconte à Marianne qu’il passe souvent ses nuits à bord du bateau, à la recherche d’aventures sexuelles occasionnelles avec des inconnus croisés sur des sites de rencontre. Marianne, qui revient d’un rendez-vous arrangé par une amie, s’interroge elle aussi sur le sens de ses propres rencontres sans lendemain. Discutant de leur conception de l’engagement à travers les récits épicés de leurs histoires mutuelles, ils avouent qu’ils refusent l’enfermement dans une relation durable. L’amour va pourtant débarquer dans leur vie, leur laissant entrevoir, chacun·e de son côté, la possibilité du couple.
Love se déroule dans le flot de dialogues introspectifs, osés et brillants auxquels nous a habitué·e·x·s Dag Johan Haugerud tout au long de sa trilogie. On rappellera à cet égard que la parole remplaçant l’acte, la sexualité n’est pas montrée à l’écran. Le réalisateur estime en effet que ce genre de scènes est dénué de réalisme.
