«Portrait de la jeune fille en feu» gagne la Queer Palm

C’est la première fois que ce prix est remis à une femme. En compétition, le film de Céline Sciamma a bouleversé la Croisette.
Envoûtant mélodrame en costumes «Portrait de la jeune fille en feu», met en scène le superbe duo d’actrices Adèle Haenel et Noémie Merlant. Il suit, en 1770, une peintre qui doit réaliser le portrait de mariage d’une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Mais elle résiste à son destin d’épouse et refuse de poser. L’artiste est alors introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie pour la peindre en secret.
Présidé par Virginie Ledoyen, le jury a notamment salué la maîtrise artistique de l’auteur et le regard qu’elle porte sur la création, cœur brûlant du film.
La Queer Palm, équivalent cannois des Teddy Awards remis à la Berlinale depuis 1987, a fêté son dixième anniversaire dans ce cru 2019. Créée en 2010, adoubée pour la première fois par le Centre national de la cinématographie (CNC), elle récompense un film évoquant des thématiques LGBTQ, dans les différents volets du festival: compétition, hors compétition, Un Certain Regard, La Semaine de la critique, La Quinzaine des Réalisateurs.
Un moyen de lutter contre l’homophobie
Tout en estimant que la représentation LGBTQ à l’écran est clairement insuffisante, (3% seulement de la production française au cours de ces dix dernières années), Virginie Ledoyen reconnaît qu’elle constitue un moyen de lutter contre l’homophobie. Cela dit, pour elle, un bon film queer est d’abord un bon film de cinéma.
Et ils ne manquaient pas. Pour succéder au magnifique «Girl» du Belge Lukas Dhont, les jurés ont eu le choix entre dix-huit longs-métrages, dont six en concours. Outre le gagnant, «Portrait de la jeune fille en feu» de Céline Sciamma, on trouvait le fascinant «Douleur et gloire», où l’Espagnol Pedro Almodovar, magistralement joué par Antonio Banderas, se met émotionnellement et intensément à nu en montrant un réalisateur en crise autrefois adulé.
Dans «Matthias et Maxime», le Québécois Xavier Dolan, derrière et devant la caméra, confronte deux amis enfance en principe hétéros à leurs préférences sexuelles, suite au baiser anodin qu’ils ont échangé pour les besoins d’un court métrage.
Hors compétition, «Rocketman», de l’Américain Dexter Fletcher, retraçe la vie incroyable d’Elton John. Les autres sections n’étaient pas en reste. On a beaucoup aimé l’immersion queer newyorkaise dans «Port Authority» de l’Américaine Danielle Lessovitz, où un beau garçon tombe amoureux d’une jolie trans. A retenir également «And Then We Danced» du Suédois Levan Akin, évoquant le flirt contrarié de deux jeunes dans la Géorgie orthodoxe. «Adam», de la Marocaine Maryam Touzani, décrit une belle relation entre deux femmes formidables liées par la maternité. Avec «Tu mérites un amour», l’actrice française Hafsia Herzi suit une jeune femme qui peine à se remettre de l’infidélité de son petit ami. Quant au provocant «Liberté» de l’Espagnol Albert Serra, il a soulevé à la fois de l’enthousiasme et des hauts le cœur avec sa tentative hardcore pour un voyage sombre et troublant entre sexe extrême et art contemporain
Des choix parfois curieux
Si la plupart des métrages faisaient sens, on peut s’étonner du choix de certains autres pour illustrer des thématiques LGBTQ. Par exemple dans «Roubaix, une lumière» le brillant polar du Français Arnaud Depleschin, il se trouve simplement que deux criminelles sont des lesbiennes. Dans «Frankie» de l’Américain Ira Sachs, l’ex-mari d’Isabelle Huppert nous apprend, l’espace d’une minute, qu’il préfère les hommes au détour d’une conversation sans intérêt.
On ne voit pas non plus très bien le pourquoi de la sélection de Bertrand Bonello, sinon que son prétentieux «Zombi Child» est loin d’être à la hauteur de ses ambitions. Tiré par les cheveux enfin, «Lux Æterna» du Français Gaspar Noé, chronique sardonique d’un tournage raté, où Béatrice Dalle demande à Charlotte Gainsbourg de jouer une femme qui va être brûlée vive pour sorcellerie.