Les errances dangereuses d’un prostitué en quête d’amour
Avec «Sauvage», Camille Vidal-Naquet signe un film frontal, intense, magnifié par la performance de Félix Maritaud, radicalement mis à nu.
Visite d’un jeune homme chez le médecin. Petites questions classiques, prise de tension, palpage des ganglions, du ventre… Mais l’auscultation dérape, le toubib se mettant à masturber son patient, avant de lui donner un prochain rendez-vous. Car le patient est un prostitué gay, Léo, héros de «Sauvage», premier long métrage du Français Camille Vidal-Naquet. Remarquable, il révèle aussi un acteur bluffant, Félix Maritaud. Désormais égérie du cinéma queer français, on l’a aperçu dans «120 battements par minute» de Robin Campillo et «Un couteau dans le cœur» de Yann Gonzalez. Etre absolu, solitaire, insaisissable, indomptable, Félix alias Leo (ou l’inverse, tant les deux ne font qu’un «je me suis vidé pour être rempli par le personnage», remarque le comédien), erre dangereusement de rencontre en rencontre.
Marginal, sans règle ni code, il est tiraillé entre son état assumé, son désir de liberté et surtout une inépuisable force d’aimer, un besoin de tendresse qui subsistent quelle que soit la violence du monde qu’il traverse. Dans sa quête obsessionnelle où il ne reçoit souvent que des coups en retour, il s’obstine à séduire sans succès Ahd, un hétéro qui pratique le même job que lui. Mais dégoûté, Ahd espère en sortir au plus vite en se trouvant un vieux pour l’entretenir.
Descente aux enfers
Pour Léo, les passes se succèdent dans une sorte de descente sacrificielle aux enfers. Son corps martyrisé, plein d’hématomes, se dégrade. Jamais endurci pourtant, il persiste à se vendre sans limite à des clients divers. Malgré des scènes sexuelles très crues, d’une brutalité parfois insoutenable (comme celle du plug, où en plus on le frappe et on le jette à la rue sans le payer), il n’y a aucun voyeurisme dans ce récit d’un quotidien sordide, sale.
Camille Vidal-Naquet s’est livré à un gros travail de documentation sur la prostitution masculine. Il a rencontré et observé des garçons au bois de Boulogne pendant trois ans pour mieux saisir leurs rituels de drague, leur condition précaire, leur état de santé déplorable. Pour autant, il ne s’agit pas d’un documentaire avec analyse sociale à l’appui. Le cinéaste restitue le réel dans une fiction frontale, intense, ardente, magnifiée par l’incroyable performance d’un Félix Maritaud bouleversant et radicalement mis à nu.
» Sortie romande le 24 octobre. Deux avant-premières ce lundi à Genève (festival Everybody’s Perfect, 20h45) et mardi à Lausanne (Bellevaux, 20h), suivies d’une rencontre avec le réalisateur Camille Vidal-Naquet.