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«Être queer en politique n’est pas une porte ouverte à mon intimité»

«Être queer en politique n’est pas une porte ouverte à mon intimité»

J’écris ces mots encore sous le choc de la récente déferlante de haine que j’ai reçue sur Twitter.

Même habitué aux messages de haine, comment aurais-je pu imaginer qu’un jour des milliers de personnes s’acharnent sur moi, en me faisant goûter aux âpres saveurs de leur médiocrité? J’ai peur. Je me sens vulnérable, à nu. Mais je ne suis pas en colère, car la violence est aujourd’hui, tristement, bien trop normalisée dans mon existence pour que je me laisse le droit de l’être. Et on s’y habitue, malheureusement, trop aisément.

Le courage d’être vulnérable

On souligne souvent mon courage face à la violence sociétale dont je suis la cible. On me baigne d’amour, me dit combien mon travail et ma simple existence sont nécessaires. Je ne sais que faire de cette vulnérabilité que la continuelle exposition à la violence m’oblige à parfois révéler. Et pourtant c’est cette dernière qui fait naître ce courage entre mes tripes, cette force et ce désir de combat. C’est cette humanité qui permet de sortir des cases dans lesquelles on m’a enfermé, de faire écho à la vulnérabilité d’autrui et leur faire comprendre que malgré nos différences, il est grand temps d’avancer ensemble vers un monde où ma liberté sera la leur.

J’étais un petit enfant perdu. Perdu entre une identité que je sentais mienne et un monde extérieur intolérant qui m’effrayait. Perdu dans les remarques de celleux qui semblaient, des années avant moi, connaître mon identité de genre et mon orientation sexuelle. Touxtes savaient mieux que moi quelles personnes j’allais aimer en grandissant, sur quel·le·x·s rôles modèles j’étais destiné à me projeter, quel style vestimentaire j’allais adopter et vers quel type de carrière j’allais m’orienter. C’était un petit Marius qui avait peur de sa propre réflexion dans le miroir, qui pensait mourir jeune, qui l’avait «toujours ouverte» et qui défendait des valeurs encore invisibilisées, et incomprises.

Expression de genre non-hétéronormée

Me voici pourtant à 26 ans, élu vert·e·s au conseil communal de Nyon, mélangeant militantisme et politique institutionnelle dans le plus pétillant des artifices, candidatant aux élections cantonales et rêvant déjà d’institutions supérieures dans lesquelles aucune personne queer et/ou trans* n’a encore pu œuvrer. Figure publique et politique? Surtout parce que je suis un des premiers. Cette position n’est ni le fruit du hasard, ni de ma désinvolture. Mon exposition est un choix, choix constamment questionné mais toujours affirmé.

Affirmé parce que je veux me battre pour éviter que d’autres souffrent des mêmes violences; parce que ma responsabilité politique et citoyenne est de crier ces injustices, les rendre visibles pour ensuite les éradiquer. Me battre aussi pour un système juridique qui défend véritablement les victimes de violences, d’abus sexuels et/ou physiques, et de harcèlement; pour que ces dernières soient correctement outillées afin de se réparer, de se défendre et d’obtenir justice.

Ceci étant, ce n’est pas un choix facile. Ma place n’y est pas garantie, ma présence de prime abord pas bienvenue. Dans un univers politique qui me voudraient différent, où je sens ma légitimité institutionnelle remise constamment en raison de ma fluidité de genre, elle qui perturbe et pour laquelle j’obsède. Pourquoi? Car je suis en phase avec le genre qui m’a été assigné à la naissance, mais je refuse d’être catégorisé comme tel. Parce qu’un homme cis hétérosexuel ne subit pas le quart de la moitié de cette-dite violence. Et pourtant, je m’assigne comme «homme» afin de remettre tous les codes qui le composent en question. Un paradoxe, j’en suis conscient. Deal with it.

Une politique queer

Autre paradoxe: la politique institutionnelle et ma queerness. Être queer en politique est aussi inattendu que disruptif. C’est un positionnement politique et social avant une orientation sexuelle. C’est un système de valeur à promouvoir, ce qui ne fait pas de moi le porte-parole de communautés que je ne représente pas dans leur ensemble. C’est la défense de ma réalité et de celles de personnes que je suis peut-être le plus à même de comprendre, mais pas une porte ouverte à mon intimité. C’est aussi une volonté de promouvoir la convergence des luttes, de trouver une richesse infinie dans l’idée que les combats s’entremêlent, se nourrissent et émanent surtout du même désir de déconstruire un système. Un système patriarcal, blanc et capitaliste, où l’hétérosexualité est obligatoire, qui soumet, qui pille, qui engrange des souffrances injustes, et qui hiérarchise la valeur des vies humaines.

La politique comme dorure au militantisme

Ce sont avant tout des convictions qui m’ont poussé à faire le pas. Un profond besoin de justice, de respect et de responsabilisation. Je rêve d’un système de santé publique et solidaire auquel toutes les personnes auraient accès sans discrimination économique, de genre ou d’origine; de la lutte contre les inégalités, pour un sentiment de sécurité global et pour que chacun·e·x connaisse le respect de son intégrité physique et psychique; d’un droit à l’asile et une vision de l’intégration plus humaine; d’une sauvegarde accrue de la biodiversité, une redéfinition de nos modes de consommation et de mobilité.

Ce n’est pas seulement au travers des institutions politiques que ces rêves se réalisent, mais dans la façon que j’ai d’y exister. Des talons – jamais en-dessous de dix centimètres, ça ne vaut pas la peine – un trait d’eyeliner noir, le rêve d’un jour être assermenté dans une tenue Harris Reed aussi fluide que mon identité, un sourire accroché à des lèvres teintées de rouge, et une volonté ardente de me faire respecter pour mes compétences et mon travail au-delà même de ce  que j’incarne.

Je suis persuadé que le politique n’est rien sans les personnes qui le manœuvrent. Et c’est au travers de personnes de confiance, qui symbolisent véritablement la diversité de notre société, qui ont au centre de leur engagement les valeurs de justice et d’égalité réelle, que nous changerons les institutions. Nous avançons touxtes à nos échelles, à notre vitesse, avec nos armes et nos valeurs cardinales, tout en étant bercé·e·x·s par la certitude que c’est seulement ensemble que nous y arriverons. Les outils du maître ont été utilisés pour diviser, nos outils ont la chance de rassembler pour mieux régner.