Clair-Obscur
Quelque chose en moi remue et s’agite, cherche à gagner la surface, à échapper à mon entendement pour se jeter dans la mêlée. Est-ce ange ou démon, je ne sais. Clair-Obscur.
L’esprit troublé jusqu’à la confusion, à force de contempler ce monde en pagaille, je lutte de toutes mes forces pour ne pas fuir et me réfugier dans mon alcôve. Je lutte. Pour ne pas céder à la tentation de verser dans l’acrimonie, ne pas rejoindre ce qui ressemble plus à un champ de bataille qu’à un espace de débat contradictoire. L’obsession d’avoir raison, d’écraser l’autre comme s’il·elle était l’ennemi·e à abattre, devient l’unique règle, règne en maîtresse impérieuse sur bien des esprits. De ça, je ne veux pas; d’autres oui, qui s’y attellent bien mieux que moi. Pour ne pas m’engluer tel un oiseau mazouté dans ce marécage des affrontements stériles et délétères qui se resserrent autour de nous, je fais le vide et me concentre. Sur cette gratuité, cette idée dont je porte le nom, qui est l’une des plus belles manières d’agir que je puisse imaginer.
C’est ma façon d’aimer, celle que j’applique avec une intime conviction. Par dessus et malgré tout. En cet espace précis où je peux pleinement émaner, donner, offrir sans attendre de retour, je me sens libre, ouverte sans limites, dégagée de quelque besoin que ce soit de plaire ou d’une quelconque peur de déplaire. Grâce à elle, je peux être à l’endroit de moi le plus nu, le plus sincère et laisser mon âme paraître au grand jour. Car c’est là précisément où je me sens vivante, où mon existence et ma présence au monde prennent tout leur sens. Élémentaire et vibrante, légère, mouvante comme le ciel, comme la mer, je respire profondément pour faire émerger en moi la source de quelque lumière, si ténue soit-elle. Je prends soin d’elle, la fais grandir pour, partout où je le peux, la faire résonner dans l’air environnant et, qui sait, le contaminer. Car si je suis nocturne, je ne veux transmettre nulle obscurité.