Mon «je»? Le tien?
«Je» est un être étrange, qui ne sait pas toujours se placer au juste endroit dans les relations qu’entretiennent entre-elles les créatures humaines...
Je t’estime autant que je t’aime. Je sais que c’est une vieille rouerie des amours vulgaires qu’il faut cacher la moitié de ce que l’on éprouve. Je pense précisément le contraire, et je le fais comme je le pense. L’amour est une puissance, il ne peut rien craindre ; l’amour est une loyauté, il ne doit rien cacher. Victor Hugo
«Je» est un être étrange, qui ne sait pas toujours se placer au juste endroit dans les relations qu’entretiennent entre-elles les créatures humaines. Chez certaines, il est à ce point projeté vers l’avant qu’il ne laisse rien apparaître d’autre qu’un ego boursouflé, révélant un manque certain – affectif probablement – et est, bien malgré lui, l’aveu étouffé, masqué, d’un désarroi profond. Mais quand il tend à occulter, mépriser et nier tous ces autres «Je» qu’il côtoie de plus ou moins près, mon «Je» s’attriste et s’abîme dans les profondeurs. Car mon «Je», quoi qu’il en puisse paraître, est tout aussi mal placé. À la deuxième place, je l’ai longtemps relégué, cédant le pas à cet autre pour qui j’ai le plus grand respect et sans qui mon existence n’aurait que peu (voire pas du tout) de sens. Un jour, la lassitude, la fatigue, l’âge probablement aussi, ont parlé à mon l’oreille, comme pour qu’enfin je me réveille. Je les ai entendu-e-s. Alors, depuis, j’ajuste, au fil du temps – et ça m’en prend, du temps – et je canalise mon amour débordant vers les ruisseaux, rivières et fleuves qui ont soif de mes eaux pour qu’ensemble nous dessinions la plus belle des mers, le plus vivant des océans. Et si les déserts arides de quelques un-e-s souffrent d’un manque de nos pluies, qui sait, peut-être se poseront-ils des ques- tions et quitteront un instant le terrain stérile de leurs certitudes monomaniaques. Mais ça, ça ne dépend pas en aucune manière de mon «Je», quelque soit l’endroit où il se place.