Quis quid ubi quibus auxiliis cur quomodo quando?*
«Aucun express ne m’emmènera vers la félicité, aucun tacot n’y accostera. Aucun Concorde n’aura ton envergure, aucun navire n’y va sinon toi. Aucun trolley ne me tiendra si haut perché, aucun vapeur ne me fera fondre. Des escalators au chariot ailé, j’ai tout essayé. J’ai longé ton corps, épousé ses méandres, je me suis emporté. Transporté par delà les abysses, par dessus les vergers. Délaissant les grands axes, j’ai pris la contre-allée, je me suis emporté, transporté.» Alain Bashung : Aucun Express
Je sais mes convictions, décalages et désillusions. Je connais le déni, la colère et les effets de mes agitations. Mais qu’est-ce que cette sensation de tourbillon en suspension, d’immobilité en mouvement où mes émotions se mêlent sans qu’aucune ne prenne jamais le dessus, se fondant en moi comme s’il me fallait être le creuset d’une alchimie inconnue? Je sens en moi une transformation dont la progression m’échappe. Je sais que rien ne sert de presser cet intime mouvement, que je ne suis pas plus maîtresse du navire qui m’emporte que je ne connais la destination vers laquelle il m’entraîne. Loin d’être insensible ni anesthésiée, je me sens comme enveloppée d’un voile noir qui masquerait au regard extérieur le mélange de couleurs qui s’opère en moi, d’une peau qui préserverait les secrets de mes métamorphoses de toute influence ou agitation extérieure.
Comme en apesanteur dans cette étrange chrysalide, je sens qu’il me faut me re-visiter, me concentrer, me condenser en un fil suffisamment fin pour passer dans le chas étroit d’une aiguille vers lequel mes pas semblent me diriger. Je ne sais rien du temps, de la façon, de ce qui existe ou non derrière cet horizon, pas plus que je ne sais si j’ai tort ou raison, mais au fond de moi un murmure m’encourage à m’abandonner à la transmutation vertigineuse vers laquelle semble vouloir me guider ce tourbillon.
*Qui quoi où par quels moyens pourquoi comment quand?