Les musées font potiche
Au royaume de la « couchepinerie », on a décrété qu’il y avait trop de musées en Suisse. Avant de traiter le plus économe des conseillers fédéraux d’inculte notoire, demandons-nous s’il n’y a pas, par-ci, par-là, des musées dont l’utilité ne serait pas flagrante. Suivez le guide!
A y regarder de plus près, la terre romande doit être bénie de la culture et de l’histoire car elle voit fleurir des musées en veux-tu en voilà. Des musées du barbouillis local, de l’instrument agricole, du glorieux passé de la moindre agglomération du coin, des musées plutôt Beaux-Arts et d’autres plutôt Arts Décoratifs. Difficile dans cette jungle de faire son choix – ce qui, déjà, tendrait à donner raison au sieur Couchepin. Entre le musée du pain, celui du plomb, de la pipe, de la fausse monnaie, les collections automobiles et les cabinets d’histoire naturelle, notre cœur balance.
La soupe à la grenouille
Oh, le beau bazar ! Vous trouverez dans cette demeure du XVe siècle la brocante la plus fantasque que vous puissiez imaginer. Tout d’abord, l’attraction principale, les grenouilles, des batraciens vidés, remplis de sable et mis en scène par un officier de l’armée napoléonienne qui, les grandes campagnes passées, n’avait pas trouvé d’autre occupation. Les bestioles sont arrangées dans des saynètes de la vie quotidienne, drôle et un peu dégueu’ à la fois. Si seulement notre musée s’en contentait, cela passerait pour une charmante toquade mais si vous rajoutez des trucs folkloriques, des armes anciennes, des vestiges archéologiques, des lanternes, des signaux ferroviaires, deux ou trois vieilleries pour enchères de seconde zone, il y a de quoi s’interroger sur la politique culturelle de cette charmante ville fribourgeoise.
Musée des Grenouilles,
Estavayer-le-Lac,
Tél : + 41 (0) 26 663 24 48
La timbale high-tech et toc
Dans un genre plus « design », la capitale vaudoise n’a rien à envier à Estavayer. Notre brocante est située en pleine cité, logée dans la maison (XVIIe siècle) d’un lieutenant baillival et porte un nom aussi chantant qu’un antiseptique: Mudac (musée de design et d’art appliqué contemporain). En dépit des efforts méritoires de la part des autorités pour en faire un espace agréable, on reste pantois devant l’emploi d’une demeure qui se prêtait à tout sauf à devenir un musée. On y trouve en permanence les antiques indiens et chinois (ce qui est très contemporain, vous l’avouerez) de la collection Jacques-Edouard Berger et quelques pièces de verrerie issues de l’ancien musée des Arts Appliqués. L’espace est si peu lisible, que l’institution a dû accompagner sa démarche d’un «éclaircissement» philosophique sur son site en ligne très chic.
Mudac, Lausanne, www.mudac.ch
La gamelle militaire
En terre vaudoise encore, il faut signaler le sublimissime fleuron de la culture locale et belliqueuse, sis au château de Morges, adossé à l’arsenal militaire. On peut se promener parmi des effluves de naphtaline entre d’immenses vitrines opaques remplies d’uniformes décatis, décousus, de lambeaux militaristes sous de vastes bannières mitées et tout alourdies de poussière. Si vous ne vous êtes pas cassé le cou en descendant l’escalier, vous pourrez admirer au sous-sol une magnifique réplique d’équidé grandeur nature en plastique faisant mine de tirer une bombarde quelconque. Le clou de la visite : le canon en cuir. Oui, bien sûr, célèbre pièce d’artillerie employée dans les troupes de Guillaume d’Orange. L’objet se compose de baguettes métalliques saucissonnées par une longue lanière de cuir. Cela coûtait nettement moins cher qu’un canon standard mais sautait fort souvent à la tête de celui qui l’allumait ; en voir un spécimen tient donc du prodige. Vous pourrez terminer votre visite par la traversée d’une enfilade de salles obscures et surchauffées où de petites figurines de plomb ramollos et toutes déformées essaient de vous reconstituer des batailles célèbres.
Musée militaire vaudois, Morges,
Tél. +41 (0)21 316 09 90
www.chateau-morges.ch
La vieille marmite
Du plomb à l’étain, il n’y a qu’un pas qui nous mène à Sierre. En fait de musée, l’Etat du Valais, soucieux de son développement culturel, a racheté une collection d’étains dans les années 70 et l’expose dans une salle au sous-sol de l’administration communale sierroise. Un fonctionnaire se fera un plaisir de vous l’ouvrir au cas où vous n’auriez vraiment rien d’autre à faire. Remarquez, si ce n’est pas un musée d’un intérêt renversant, il a du moins l’immense vertu de ne rien coûter au visiteur.
Musée des étains, Sierre,
Tél. +41 (0)27 452 01 1
Le pot de chambre
Pensez donc, un musée de la tasse à moka, de la soupière et du coquetier en faïence ! Eh bien, j’aimerais rencontrer plus souvent ce genre d’inutilités. Premièrement, l’Ariana est un superbe édifice; deuxièmement, c’est un musée dont la visite des collections permanentes est gratuite mais, surtout, les pièces qu’il présente sont renversantes de beauté. Porcelaine de Saxe, de Sèvre, de KPM, porcelaine Ming, Qing, vieux Japon, faïence de Carouge, service Art Déco, quelques verreries et une bibliothèque fort bien fournie en ce qui concerne les Arts Appliqués en général et dont l’accès est libre. En prime, une cafétéria avec terrasse.
Musée Ariana, Genève,
www.ville-ge.ch/musinfo/mahg
Un quartier en conserve
Plainpalais, l’un des quartiers les plus prisés de Genève était à l’origine une petite commune indépendante que la ville absorba. Pour ne pas l’oublier, un petit musée tout simple mais très enrichissant, a vu le jour en 1953 et prit naturellement ses aises dans l’ancienne mairie, un bâtiment de style «Beaux Arts». Le musée recèle de précieux documents ainsi que différentes photographies. On y trouve également une salle des mariages remarquablement décorée avec de larges panneaux peints illustrant des scènes de la vie quotidienne. On y apprend encore que l’origine du mot Plainpalais est «plenus palus» qui en latin signifie «plein de marais»…
Musée du Vieux Plainpalais, Genève,
Tél. +41 (0)22 781 60 85
