Greta salue le monde
Allumez-moi Benoît, j’ai un peu froid.
Alors, gentil bouton, la fumée passive te fait tousser et craindre les pires tourments? Fumer c’est mal, tu as raison. Relaxe-toi, bientôt plus personne n’allumera auprès de toi quelque braise que ce soit, laissant dans tes poumons champ libre à de plus propres pollutions.
Aux autres, vilaines dépendantes qui angoissent déjà en TGV ou en avion (que patchs, hausses de prix et hypnose ne sauveront jamais) et qui n’auront bientôt que la rue pour s’intoxiquer, quelques conseils pour préparer le terrain en souriant. Car si déjà on vous montre du doigt, le temps, à défaut de vous donner raison, pourrait vous réserver quelques amusantes occupations.
À la dame du guichet qui vous balancera l’écrin de carton après avoir saisi vos billets, commandez le double de votre quotidienne ration avant de la déballer, installée dans le caniveau; vous verrez très vite s’aligner une file de honteuses ex-fumeuses que la gêne n’empêchera pas de mendier d’un regard de chienne battue une de vos tiges brûlantes. Votre budget en souffrira mais pour lisser l’ego rien de tel comme profession que distributeur gratuit ambulant. En discothèque la nuit tombée, dans l’aquarium qu’on aura pour vous isolé, passez une tenue de plongée histoire de jouer les poissons rouges dans la fumée en amusant la galerie par votre humour de fumeuse débridée. N’hésitez pas à faire quelques allers-retours en salle pour saluer (et vous faire offrir un verre pour votre bénévole animation; vous comblerez largement le trou budgétaire de la journée). Personne n’y verra que du feu et le smog qui à chaque appel d’air vous suivra vous vengera de toutes les fois où personne n’avait remarqué vos attentions quand vous vous donniez la peine d’aérer pour pas trop enfumer.
À l’aube après cette folle soirée, trouvez une église désertée et grattez vos dernières allumettes en brûlant un cierge à Bette Davis, sainte fumeuse dont les hollywoodiens contrats précisaient qu’à l’écran nul ne l’empêcherait de fumer.
Et si le temps vous offre un cancer du poumon, prenez le plus tordu des avocats et retournez-vous contre les gentilles qui, à force de placarder sur vos paquets des menaces de mort noir sur blanc, pourraient bien être tenues pour responsables de vos tourments. Vous mourrez riches en expirant, d’un dernier soupir, la plus élégante des volutes.