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Pauvres Garçons: « Le petit Davide n’a pas été épargné, mais il s’en est bien sorti »

Pauvres Garçons: « Le petit Davide n’a pas été épargné, mais il s’en est bien sorti »
Davide Brancato/PAUVRES GARCONS ©MatthieuCroizier

C’est à la cafétéria du Théâtre Saint-Gervais que j’ai rencontré Davide Brancato, à quelques jours de la première de Pauvres Garçons. La concentration est au max, mais l’ambiance reste légère: un petit debrief de son passage au 12h45 avec ses collègues, et Davide, short en cuir, se pose face à moi.

À la fois détendu mais concentré, il s’apprête à livrer une part de lui-même sur scène. Après quatre ans de développement, Pauvres Garçons est bien plus qu’un simple spectacle: c’est une traversée intime et musicale à travers la construction et la déconstruction de la masculinité.

Être un homme, c’est pas fait pour moi.

Cette phrase, Davide la prononce dans la pièce, mais elle résume surtout une conviction profonde forgée par son histoire personnelle. Né à Delémont, dans une famille d’origine italienne, il a grandi dans une culture ouvrière où le théâtre, tout comme l’identité queer, n’avait pas vraiment de place. «Je viens d’une famille prolétaire. Mes grands-parents travaillaient à l’usine. Faire du théâtre, c’était un truc de Parisien, pas un vrai métier.»

Le choc culturel a été immense lorsqu’il est parti à Paris à 18 ans pour suivre les Cours Florent. «J’ai toujours su que le théâtre existait, mais je ne savais pas qu’on pouvait en faire un métier. Le deal avec ma mère, c’est qu’elle voulait que je fasse un CFC d’abord, alors j’ai été cuisinier.» Finalement, c’est en rencontrant des ami·e·x·s du Jura ayant suivi cette voie qu’il a compris que le théâtre pouvait devenir sa place. Aujourd’hui, sa mère sait que c’est un vrai métier, et le regarde certainement avec une forme de fierté.

Mais grandir dans le Jura dans les années 2000 en tant que garçon homosexuel, ce n’était pas simple.

«On me disait souvent que j’étais différent. C’était pas dit méchamment, mais c’était clair que j’étais à côté de la norme.» À l’adolescence, il se forge une carapace face à la violence homophobe quotidienne. La culture pop lui offre une échappatoire. Sa mère était fan de Madonna: «Elle écoutait Madonna en boucle à la maison. C’était une icône de liberté, une superstar queer-friendly, mais je ne comprenais pas encore tout ça à l’époque.» Un souvenir revient souvent dans son récit: la route droite, éclairée par des rangées de lampadaires, est au cœur de la pièce, une métaphore de la recherche d’identité.

«C’était une route très droite, qui menait vers Courtételle. Je prenais mon vélo, je chantais et je dansais sous la lumière. C’était un moment à moi, un espace de liberté.»

«J’étais dans une zone industrielle, grise, sans charme. Mais sous ces lampadaires, j’avais l’impression d’être ailleurs, d’exister autrement.» Cette image de la route droite, de l’éclairage artificiel dans la nuit, traverse la pièce comme une recherche de soi dans un environnement hostile.

À la redécouverte de Mercury.

Si la figure de Freddie Mercury n’a pas été une inspiration directe dans son adolescence, elle s’est imposée plus tard comme une clé de lecture. Lors d’une résidence à Barcelone dans le cadre de L’Abri à Genève, Davide a mené une recherche sur la masculinité: «Quand j’ai demandé à plusieurs personnes quel artiste incarnait la masculinité, beaucoup ont répondu Freddie Mercury. J’ai relu les paroles de Bohemian Rhapsody et ça a été une révélation.»

«Bohemian Rhapsody, c’est une chanson sur la quête d’identité, le rejet de soi et la renaissance. Quand Freddie chante Mama, I just killed a man, c’est une métaphore du rejet de soi pour devenir la personne qu’il veut être.» Cette tension entre force et vulnérabilité est au cœur de la pièce. La construction de Pauvres Garçons repose sur cette idée: il faut « tuer » cette figure masculine imposée par la société pour renaître en tant que soi-même.

Je préfère rester un garçon que de devenir un homme.

La mise en scène d’Agathe Hazard Raboud et la chorégraphie de Maud Blandel renforcent cette tension. Le spectacle est construit comme une série de tableaux: des fragments de vie, entre confession intime et performance pop. «C’est intense, rapide, presque brutal par moments, mais aussi très drôle. Il y a de l’émotion, mais on ne se prend pas au sérieux.» La pièce est aussi un message clair:

«Il n’y a pas de crise de la masculinité. Les hommes ont toujours eu le pouvoir. Ce qui dérange aujourd’hui, c’est qu’on commence enfin à le remettre en question.»

Créer cette pièce a permis à Davide de se réconcilier avec lui-même: «J’ai fait le travail psychanalytique, tuer le père, etc. Aujourd’hui, je suis libre.» Il regarde son passé avec tendresse: «Le petit Davide du Jura n’a pas été épargné, mais il s’en est bien sorti.»

Dans Pauvres Garçons, Davide questionne le modèle masculin hétéronormé sans chercher à le remplacer par une nouvelle norme: il le rejette simplement. La pièce est une invitation à explorer une autre forme de liberté. «Cette pièce, c’est un point final. Une manière de dire: j’ai déconstruit ça, maintenant je peux avancer.»

Une traversée à 200 km/h sur l’autoroute de la déconstruction masculine. Mais même si l’envie de vous dévoiler la fin me brûle les lèvres… j’ai promis de garder le secret.

.Pauvres Garçons au Théâtre Saint-Gervais, du 13 au 23 mars 2025. Infos et billetterie ici!

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