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Les vertiges cosmiques de Punkboy

Trublion de la scène arty new-yorkaise, Terence Koh compte parmi les artistes queer les plus sensationnels du moment.

Le radieux Terence Koh peut facilement être considéré comme le fer de lance du mouvement New Gothic, alliant minimalisme et pureté à une sombre noirceur teintée de profonde mélancolie morbide. Son aura de superstar combinée à un travail rigoureux aux allures de classique incontournable en ont rapidement fait l’une des étoiles les plus cotées au firmament du grand gotha international.

L’artiste d’origine chinoise a grandi au Canada et partage à présent son temps entre New York et Berlin, où chacune de ses apparitions de dandy jet-setteur laisse des traces, fréquemment immortalisées par ses comparses Terry Richardson ou Hedi Slimane, entre autres frasques sur tapis rouges. Ses collaborations avec son altesse Lady Gaga lui ont quant à elles permis de dépasser la sphère artistique à tendance consanguine. Le spectaculaire piano Monster Claw qu’il a créé pour son amie – en duo avec Elton John durant les Grammy Awards – restera longtemps gravé dans les mémoires. Une haie de longs bras noirs sculpturaux séparant les deux duettistes face-à-face surgissent sombrement du double piano en générant un effet des plus surréalistes à tendance franchement lugubre, généralement assez peu de mise dans ce type de grande foire télévisuelle à portée planétaire.

Ses performances demeurent toutefois sa carte de visite la plus emblématique, tant elles transportent l’essence des plus grands et sonnent juste. Peu nombreux sont les artistes contemporains de la jeune génération qui peuvent se targuer de proposer une œuvre performative dans la lignée de leurs mentors sans pour autant rempiler tout bêtement à l’identique.

Trublion onirique
Terence Koh possède très certainement un atout spécifique: sa vision de l’Asie ritualisée est à la fois légitime et transcendée. Enfant, il assiste à des cérémonies bouddhistes dans la communauté chinoise de l’Ontario, où il a grandi. Son interprétation de ces rituels à travers sa vision schématique enfantine est restée profondément marquée par l’utilisation de la couleur noire alternée à la couleur blanche lors de ces événements et plus spécialement lors de funérailles.

punkboy

Un déclic indélébile qu’il a transposé radicalement dans son œuvre. Sa performance la plus célèbre se réfère à la pénitence monastique et en propose une version onirique et hypnotique. Interminablement, Koh, tout de blanc vêtu, visage grimé, contourne un gigantesque amas de poudre blanche de forme conique en avançant lentement et méthodiquement à genoux. Le public l’entoure, silencieux et conquis. La performance peut durer indéfiniment tel un sacerdoce fantômatique catapulté dans les meilleures galeries du monde.

Une œuvre plus grinçante à la limite de la pure joke a elle aussi fait couler beaucoup d’encre, durant Art Basel 2013. Terence Koh a produit pour la grand messe du marché de l’art un bel étron plaqué or 24 carats. La crotte en question étant sa propre défécation – une tradition porte-bonheur en provenance du Japon doublée d’une référence directe à la célèbre Merde d’artiste de Piero Manzoni – Koh a tout de même réussi l’exploit de se la faire acheter à plus de 500’000 dollars par un collectionneur averti. Inutile de préciser que cette anecdote a fait la une de plusieurs grands journaux et que le buzz autour de l’artiste s’est enflammé précisément à partir de ce moment.

Univers fantasmagorique
Dans la grande tradition de Koons ou de Warhol, Koh a fait son entrée dans la cour des grands en jetant un pavé dans la mare au beau milieu d’Art Basel. Ayant souvent été invité en Suisse, son exposition de 2015 à la Kunsthalle de Zurich en dit long sur son gracieux univers fantasmagorique parsemé de vertiges cosmiques. A l’entrée, le visiteur est accueilli par une tête blanche suspendue à l’envers, un autoportrait de l’artiste qui évoque des œuvres très similaires de l’américain Bruce Naumann. La deuxième salle abrite deux gigantesques tours blanches, hommage simultané aux tours de Manhattan et aux montagnes suisses. Elles sont réalisées avec une tonne de chocolat blanc et du sucre en poudre. Le blanc du sucre atteint une intensité particulière, violemment éblouissante. En traversant la salle, les visiteurs font voleter la poudre blanche, provoquant une sorte de brouillard vaporeux sur leurs pas. Plus loin sont regroupées 1200 vitrines de verre qui évoquent des sculptures minimalistes, à l’intérieur desquelles des moulages blancs reproduisent sobrement toutes sortes de petits fragments de souvenirs kitsch récoltés à travers le monde, apportant une touche baroque et plus incarnée – quoique figée – aux vitrines glaciales éclairées au néon. La dernière salle abrite deux immenses sphères blanches suspendues qui se frôlent en diffusant une pâle lumière blanche proche de l’au-delà, procurant une sensation mystique quasiment palpable.

Terence Koh aime de surcroît à confronter la blanche pureté de l’immaculé à la dégradation noirâtre. Dans les vitrines de la Kunsthalle, certaines pièces sont brisées et il en a aussi gentiment profité pour inviter quelques insectes à s’installer le temps de l’exposition, notamment des araignées afin qu’elles tissent des toiles à foison, sans oublier deux perroquets albinos pour qu’ils souillent méticuleusement le sol. Paradoxal et envoûtant, l’univers monochrome de Koh virevolte du blanc au noir sans jamais passer par le gris. Entre Ying et Yang et calligraphie, son langage contient toujours un peu de ces deux éléments, parfois dans le sens inverse de l’exposition zurichoise, comme à Londres pour Saatchi, où le noir absolu domine, cependant envasé dans un espace de type white cube. Il arrive aussi à celui que l’on surnomme Asian Punkboy de dessiner (dans le style bad drawing), de publier des fanzines et surtout de beaucoup aimer faire la fête, ses vernissages étant réputés pour être the place to be. Il y reçoit généralement tout de blanc vêtu, of course.

» Son site: nothingtoodoo.com