Paradis du cruising sur les rives du Léman?

J’ai nagé entre Vevey et Lausanne, j’ai croisé des hommes nus, un sourire de vigneron, quelques regards lascifs et peut-être un paradis secret pour homosexuel·x·s avertis.

Cela fait des années que je regarde par la fenêtre du train, entre Lausanne et Vevey, et que je me dis qu’un jour, je nagerai dans ce décor.
Vert émeraude, caillouteux, bordé par ses terrasses de vignes. Une côte qui ressemble à l’Italie, mais avec des horaires CFF.

Ce jeudi après-midi là, j’ai rien à faire. Juste mon Speedo bleu sous mon short, un sac étanche, et un objectif: partir de Rivaz Plage, et longer la côte jusqu’à Epesses Plage à la nage.

À peine dans l’eau, c’est le calme. La fraîcheur enveloppe ma peau chauffée par le soleil, et déjà un kilomètre de moules tapis au fond du lac qui défile. Je nage, seul, heureux, lubrifié par la lumière.
Et puis je relève la tête.

Ce que les pendulaires ne voient pas.

Les yeux hors de l’eau, je tombe sur trois gars à poil sur les rochers, peinards. Je rigole. Ah, l’envers du décor, ce que les pendulaires ne voient pas.

Je continue. Et là, sur un rocher semi-immergé, un mec, torse bronzé hors de l’eau, tel une sirène. Il me regarde, me sourit. J’arrive à sa hauteur. Il me dit salut. Je réponds “salut”. On se sourit.

On rejoint la rive. Et là, on se chope fort.

Non je déconne — Je suis en relation exclusive. Mais, un résidu de fantasme cinématique de « L’inconnu du Lac » de Alain Guiraudie qui sommeil peut-être. Dans ma tête, c’était un vigneron du Lavaux, les bras chargés de moût et de désir, qui profitait de sa sieste sur son rocher. Il en avait tout l’air.

Troyetorrens, mon amour

Je poursuis, en crawl doux, et vers Troyetorrens. En contrebas des rails, derrière des branchages touffus, ça grouille. Littéralement. Par dizaines. Nus.
Allongés sur des rochers, accoudés à des troncs, seuls ou en duo.

Certains regardent. D’autres attendent. D’autres font semblant de ne rien faire.

Certains sont venus à la rame. Un en zodiac. D’autres, on dirait juste qu’on les a posés là, dans le décor de manière très naturelle.
Suis-je tombé sur un paradis flottant? Un cruising pastoral, un opéra muet?

Ça sent la crème solaire et le désir tiède.
C’est beau.
C’est irréel.
C’est là.

Épesses à l’horizon, fantasmes au fond du lac

À quelques brasses de là, la plage officielle d’Epesses, germanophone, nu aussi mais familiale attention!
C’est pas le même délire

Un Léman version cruising, au large de la Suisse de carte postale? Est-ce que je l’ai fantasmé? J’espère pas.
Mais si vous passez par là, un jour de beau temps, nagez un peu hors des sentiers battus.
Et si, sur un rocher, un torse vous sourit, pensez à moi.
Et demandez-lui s’il connaît un bon chasselas.