Vocalises
«De graves erreurs de gouvernement sont causées par la peur d’accomplir des changements radicaux alors même que le besoin en a été clairement perçu.»
Frank Herbert, «Dune - la Maison des Mères»
De toute éternité je sais que je ne changerai pas le Monde; qu’il faudrait pour cela un élan formidable de tout·e·s, une volonté vraie pour que, peu à peu, la balance des rapports humains se ré équilibre, que les privilèges cèdent la place au partage, à l’équité et à la justice pour tou·te·s. Je sais bien… Mais parfois me prend une étrange envie et je me surprends à imaginer que je me glisse sous un autre épiderme: celui d’une Révérende-Mère du Dune de Frank Herbert, ces femmes sorcières qui font et défont les dynasties, selon l’air des temps; elles qui connaissent ce qui a été, qui est et qu’elles estiment devoir être pour le futur comme une nécessité à l’évolution des Mondes. Clairvoyantes et dégagées de toute émotivité, inhumaines par essence, elles maîtrisent par des techniques ancestrales ce qui aujourd’hui doit naître pour que demain soit à l’image de leur vision. Elles dont la voix est à ce point aiguisée qu’il suffit d’un mot, d’un son, pour que leur injonction soit immédiatement exécutée par celui ou celle à qui elles s’adressent. Ce serait si commode et j’userais, abuserais de ce pouvoir jusqu’à satisfaction. Mais cela me rendrait triste. De cette tristesse qui devrait envahir, imprégner celles et ceux qui manipulent le Politique à leur avantage et propagent le Mal par leur cynisme plutôt que d’œuvrer au bien-être de tou·te·s. Mais il semble évident que nulle n’est leur intention. Alors, bien que la tentation soit grande de rigidifier ma voix sorcière, profondément je soupire et retranche d’elle toute injonction velléitaire pour ne laisser émerger que ses harmoniques les plus chaleureuses pour redonner, sinon de l’espoir, un peu de courage à celles et ceux qui, contre vents et marées…
