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Les vampires sortent de leurs cercueils

Les vampires sortent de leurs cercueils
Nosferatu façon Werner Herzog, avec Isabelle Adjani (1979).

La sous-culture «Vampyre», qui éclot à New York au début des années 1990, fait son entrée en force en Europe avec le premier Festival de la nuit sans fin qui s’est tenu à Amsterdam du 13 au 15 février dernier.

Encore largement méconnu du public européen, la tribu «Vampyre» commence à faire des adeptes sur le vieux continent. Fortement influencé par le jeu de rôle: Vampires la Mascarade, l’univers néofétichiste, sadomasochiste et le mouvement «Goth», c’est dans le milieu underground new-yorkais des années 1990 qu’émerge la sous-culture particulièrement secrète des «vampyres».

Par une sorte d’imprégnation collective, de débordement de la fiction dans la réalité un nombre grandissant de jeunes gens et d’adultes s’identifient à la figure mythique du vampire, popularisée par un genre littéraire horrifique dont les figures de proue sont Bram Stocker (Dracula) et la romancière Anne Rice (auteure des Chroniques Des Vampires dont le premier volume est le fameux Entretien avec un Vampire). Remplaçant le «i» par un «y» pour distinguer le vampire de la littérature des «vrais vampyres», ces enfants de la nuit impriment au terme une direction à la fois gothique et mystique. Si certains se définissent comme des «vampyres» psychiques affirmant se nourrir de l’énergie vitale de leurs «donneurs», d’autres, amoureux de l’hémoglobine, passent à l’acte. L’amour sanguin se base avant tout sur la morsure. Beaucoup utilisent des fausses canines surdéveloppées pour que l’effet soit plus saisissant. D’autres poussent le souci du détail jusqu’à se faire arracher les dents. Ils s’affublent ensuite de crocs d’émail ou de tungstène, assurant une prise plus profonde. Tous les vampyres ne mordent pas, il en est qui utilisent des seringues, le sang circulant ainsi de veine en veine. Dans tous les cas, il s’agit de percer la chair et de jouir de la transfusion lors d’une séance fort ritualisée. L’objectif constant, c’est l’absorption de l’autre et l’ingestion de sa substance vitale.

Prothésiste dentaire de formation, Father Sebastian est un des leaders reconnu de ce mouvement. Il a commencé sa carrière en fabriquant des crocs de vampires personnalisés d’un réalisme effrayant pour les clients de night clubs branchés de New York et les adeptes de jeux de rôles grandeur nature. En 1996, il décide d’organiser un premier grand «Bal des Vampires» pour les adeptes du genre. S’en suit une médiatisation sans précédant du phénomène vampire jusque là extrêmement discret sur ses pratiques sanguinophiles. C’est à partir de cette période que New York acquiert sa réputation de capitale des vampires. Dans les années qui suivent, le phénomène explose avec notamment des soirées hebdomadaires au légendaire club new-yorkais «Mother» et la création de dizaine de «maisons» (sortes de clans/familles de vampyres aux noms mystérieux tels que Sahjaza, Omallies, Hidden Shadow, OTD, etc.). Sur Internet, les sites «vampyres» se multiplient depuis quelques années. On en recense plus de 800 dont le plus représentatif est certainement le Vampyre Almanac (*).

Refuge en Hollande
La récente sortie du livre V, rendu public lors du dernier grand rassemblement international des vampyres qui a lieu chaque année lors de la fête d’Halloween à la Nouvelles Orléans, est l’un des événements qui aura certainement marqué un tournant décisif pour la communauté vampyre. V est un recueil de textes écrits par différentes personnalités du monde vampyrique qui expose les traditions et la philosophie des Strigoii vii. Traduit du roumain le terme signifierait: «vampyres vivants». Le terme «vivants» ayant été choisi pour se démarquer des représentations folkloriques associées à l’image du vampire d’outre- tombe. Bien que certains témoignent avoir été en contact avec de telles créatures aux pouvoirs surnaturels, leur existence avérée est un sujet qui est loin de faire l’unanimité parmi les «vampyres». On ne devient certes pas «vampyre» en claquant des doigts.
L’impétrant doit au contraire se soumettre à un lent rituel initiatique s’échelonnant sur plusieurs années, jalonné d’épreuves symboliques. L’aspirant vampyre doit respecter le code d’éthique du Black Veil (le voile noir), porter l’Ankh sanguine (symbole d’immortalité couplé à une lame tranchante; rendu célèbre par le film les Prédateurs avec David Bowie et Catherine Deneuve), étudier les textes sacrés. Ceux-ci décrivent les cérémonies sanguines, enseignent la magie noire et codifient les mœurs, les traditions et la terminologie employée par la «Famille».

Forme de syncrétisme tirant son inspiration des mouvements occultes occidentaux et du satanisme, les vampyres se répartissent en deux grandes catégories par ailleurs non mutuellement exclusives. Certains sont des «vampyres sanguinaires» qui boivent le sang alors que d’autres préfèrent se définir comme des «vampyres psychiques». Ces derniers prétendent tirer leur énergie d’une substance immatérielle supposée entourer chaque être vivant, sorte de force vitale proche des concepts orientaux de Chi ou Prana. Lorsqu’on l’interroge sur les dangers associés aux pratiques d’échange de sang dans la communauté «vampyre», Father Sebastian prend un air embarrassé, avouant à demi-mot qu’à terme, il aimerait voir ces pratiques disparaître, en raison des risques bien sûr, mais aussi de l’indignation publique que peuvent susciter de telles pratiques alors même que le mouvement tente de sortir de la clandestinité. A vrai dire ceux qui se sentent attirés par l’esthétique et le romantisme noir du vampire ne suivent pas tous les traditions mystiques et la voie initiatique des Strigoii Vii. Cependant, la publication du livre et l’enregistrement comme organisation religieuse auprès des autorités néerlandaises de l’Ordre des Strigoii Vii ainsi que l’attrait de nombreux «Goths» pour les sciences occultes et le satanisme augure sans doute un développement prochain des activités vampyriques en Europe. Immigré New-Yorkais à Amsterdam où il vit depuis plus d’une année, Father Sebastian raconte à qui veut l’entendre qu’il a quitté sa ville suite aux lois liberticides et au climat de paranoïa qui se sont instaurés suite aux événements du 11 septembre 2001.

Perfos vampyresques
Personnage au demeurant fort sympathique mais complexe, mêlant un sens aigu des affaires à un goût prononcé pour le mysticisme obscur, Father Sebastian a décidé de sortir de son cercueil en organisant le premier festival de la nuit sans fin en Europe. Evénement bien connu et fréquenté des vampyres d’outre-Atlantique depuis plusieurs années, ce festival étalé sur trois jours visait à faire connaître le «vampyrisme» aux adeptes européens de l’esthétique gothique et de la scène néofétichiste. C’est par une soirée de dédicace de la bible vampyre dans un bar gothique d’Amsterdam qu’a débuté ce festival. Peu fréquentée, cette première soirée laissait difficilement prévoir le succès remporté par la soirée Black Xion qui a eu lieu le lendemain au Du Lac Space. Délaissant les traditionnelles soirées de la Saint Valentin, plus de 300 oiseaux de nuit sont venus assister en masse à la grande messe sanguine. Mélangeant les costumes d’inspiration victorienne aux dernières tenues latex à la mode, cette foule bigarrée a pu assister lors de la soirée à plusieurs performances vampyresques dont certaines impliquaient des pratiques sanguinolentes; sortes de séances de piercing ritualisées mettant en scène les grands thèmes associés au vampirisme de la littérature. Pour ceux que la vue du sang répugnait, il était toujours possible d’aller s’éclater au son d’une musique gothique électro endiablée ou d’aller siroter une bière dans la salle du donjon SM, richement équipée mais malheureusement peu utilisée (sur ce point les vampyres feraient bien de s’inspirer des soirées gaies!). Le troisième et dernier soir du festival les adorateurs de Nosferatu étaient invités à se retrouver autour du clan de Father Sebastian dans un restaurant égyptien décoré à la façon d’un tombeau pharaonique. Là, il était temps pour le petit groupe de se réjouir du bilan de cette première soirée et de faire des plans pour l’élargissement de la tribu «vampyre» sur le continent.

Le vampire continue donc de fasciner et bien qu’il hante aujourd’hui les bars «undergrounds» ou les soirées gothiques plus que les châteaux aristocratiques, qu’on puisse l’interviewer ou l’écouter chanter, il demeure une figure mythique, le lieu d’un secret. On le croit possesseur d’un trésor. Ce trésor, c’est d’abord l’image de la transgression des lois qui installent l’humanité dans ses normes, et la figure du vampire relie ces transgressions à un bonheur absolu, même si ce n’est que par instants, et que le reste du temps sa solitude demeure atroce comme sa faim. Cet absolu du bonheur est renvoyé pour partie à la réappropriation d’une animalité supérieure, d’une vie instinctuelle dont on peut avoir la nostalgie comme d’une plénitude, d’une beauté rattachée à un état antérieur de l’humanité et dont la nostalgie subsiste dans les fantasmes. L’état vampirique est de plus ressenti comme fascinant en ce qu’il propose de transgresser la loi humaine sur le meurtre et l’inceste. En outre, il propose une initiation (l’étreinte du vampire) par un «père/amant» ou une «mère/amante» qui est en même temps géniteur et gourou, ce qui semble porter les sentiments vers une incandescence passionnelle. Par là, cet imbroglio permet de rêver sur la jouissance et la participation en toute conscience à la fameuse «scène primitive», ici d’un nouveau genre, celle où l’on assiste à sa propre conception.