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Esprit, es-tu là?

Après deux grands succès, Caresser le velours et Du bout des doigts, Sarah Waters nous revient avec Affinités. Avec ce récit diaboliquement orchestré, cette jeune auteure galloise fait de nouveau la preuve de son incomparable talent.

Comment faites-vous pour être aussi brillante? Quel est votre secret?
Désolée, c’est une information que je garde jalousement!

Pourquoi avez-vous eu envie d’écrire? Quel a été le déclic?
J’ai commencé à écrire après avoir terminé ma thèse sur la littérature gay et lesbienne. Je faisais, entre autres, des recherches sur la vie des hommes gays à la fin de l’époque victorienne et le phénomène du travestissement au music-hall m’intéressait. Pendant que je travaillais à ma thèse, j’ai commencé à imaginer une histoire lesbienne inspirée par mes recherches. Je me suis donné un an pour l’écrire, en me disant «C’est maintenant ou jamais!» A la fin de l’année, j’avais Caresser le velours…

Avez-vous le sentiment d’écrire pour le grand public ou pour un public lesbien?
J’ai écrit Caresser le velours en pensant à un public lesbien. Je n’imaginais pas qu’il aurait un intérêt pour le grand public. Ce succès m’a surprise. Je pense que mes livres sont arrivés au bon moment. Mais il ne faut pas essayer d’écrire pour plaire à un public particulier, ce serait voué à l’échec. En fin de compte, j’écris pour moi. Comme je suis lesbienne et que le sexe et le genre m’intéressent, mes livres jusqu’ici sont lesbiens, mais je pourrais très bien écrire une histoire hétéro, simplement parce que c’est une histoire formidable.

Pourquoi avoir choisi l’époque victorienne pour vos trois romans?
La période victorienne est intéressante parce qu’elle est très proche de nous et familière, tout en étant extrêmement différente. Il n’y avait pas le consensus culturel d’aujourd’hui, il n’y avait pas de télévision, par exemple, pour vous dire comment penser. Il n’y avait pas le même niveau de contrôle social. Des choses insolites pouvaient se produire: des bébés pouvaient être échangés, des gens pouvaient être enfermés dans des asiles… Pour un écrivain comme moi, qui s’intéresse au gothique et aux choses bizarres, c’est très inspirant.

Il y a une grande dimension sociale et politique dans vos histoires. Êtes-vous militante? Pensez-vous que le militantisme LGBT soit encore nécessaire?
Je suis très paresseuse comme militante mais, oui, je pense que le militantisme LGBT sera nécessaire tant qu’il y aura de l’homophobie et de la violence anti-gay, tant que de jeunes gays feront des tentatives de suicide, tant que les personnes LGBT subiront une discrimination dans le domaine du partenariat et des droits familiaux, entre autres. Je soutiens quelques associations LGBT et ça me plaît beaucoup. Mais je pourrais faire beaucoup plus. J’ai beaucoup d’admiration pour les vrais militants, dans tous les domaines, pas seulement LGBT.

Une fois encore la passion amoureuse est un élément moteur dans ce nouveau roman. Pour vous, faire le récit d’un amour lesbien, est-ce un défi narratif ou cela peut-il avoir un effet sur la conscience collective?
C’est simplement ce que j’ai envie d’écrire. Le lesbianisme occupe une place importante dans ma vie, pourquoi pas dans ce que j’écris? Je n’ai pas d’intentions politiques particulières mais je pense (ou j’espère) qu’en parlant de lesbianisme de façon naturelle, et dans le cadre d’un roman relativement ambitieux, cela aura un effet sur l’inconscient collectif. Il est important de banaliser le mot «lesbienne» en le répétant si souvent qu’il deviendra aussi ordinaire pour les hétéros que pour nous.

Dans Affinités, le spiritisme est un élément important et drôle. Y a-t-il une raison particulière qui vous a conduite à ce phénomène?
Je m’intéresse au spiritisme depuis que je suis petite. A l’université, j’allais de temps en temps à une église spiritualiste et j’ai fait des recherches sur le spiritisme à l’époque victorienne. C’était complètement délirant: pendant les séances, les gens évoquaient toutes sortes de choses folles et érotiques, et les femmes avaient la possibilité d’acquérir beaucoup de pouvoir. Ce qui m’intéressait aussi, c’était que cela avait pu attirer les gays et les lesbiennes. Le spiritisme pouvait cautionner des attirances et des amours peu orthodoxes: on pouvait très bien avoir une «affinité» avec une personne de son sexe, parce que le sexe physique n’avait pas forcément d’importance, c’était l’esprit qui comptait.

De quels personnages dans vos livres vous sentez-vous la plus proche?
Surtout de Nancy dans Caresser le velours, parce que c’était ma première héroïne. Depuis, j’ai été «ventriloque» avec mes personnages. Mais je me suis aussi sentie très proche de Maud dans Du bout des doigts: elle a mon côté névrosé. Et il y a un ou deux personnages dans mon nouveau livre que je sens très proches de moi, peut-être trop. Quand on essaie de se mettre dans un roman, ça peut être contre-productif, ça freine.

Justement, on parle déjà beaucoup de votre prochain roman qui sortira l’année prochaine en Angleterre.
J’ai décidé pour ce quatrième roman d’abandonner un peu le XIXe siècle, alors j’ai choisi les années 1940. L’histoire se passe à Londres, pendant et juste après la guerre. Il y a de nombreux personnages, des lesbiennes, des gays et des hétéros mais l’histoire lesbienne prédomine. Il y sera question d’amour et de désamour, de trahison, d’innocence perdue, mes thématiques habituelles… C’est un roman très triste, en fait. J’espère que les gens vont l’aimer!

Affinités de Sarah Waters, éditions Denoël
A la fin du XIXe siècle, dans une prison de femmes près de Londres,
Margaret Prior, la nouvelle visiteuse, fait la connaissance d’une détenue
fascinante, la médium spirite Selina Dawes. Elle est irrésistiblement attirée
par la prisonnière et son étrange univers.