Petite philosophie à l’attention des usagers des CFF et des êtres de cœur en général
Chapitre 11: Combien, le con?
Pénaliser les fumeurs, parce qu’à terme, les frais médicaux liés aux maladies développées par leur tabagie sont particulièrement élevés. Imposer des primes d’assurance maladie plus importantes aux obèses, parce que les problèmes de santé provoqués par leur surcharge pondérale font exploser la note du système de santé collective. L’idée de faire payer plus les vieux a même récemment été avancée car, en vieillissant, on devient plus fragile, on a besoin d’assistance, donc on coûte cher. Derrière cette logique aussi simple qu’efficace se cache cependant rien moins que la négation des fondements mêmes du système de prévoyance et de solidarité sociale que nous connaissons. Mais là n’est pas l’objet de notre mensuel rendez-vous.
Au contraire. Prenons en effet la peine de nous pencher sur l’énoncé simple de cet eugénisme social déguisé en bon sens populiste, de cette pensée au ras des minons de la moquette pleine d’acariens, et convainquons-nous de son bien-fondé.
En effet, plus largement développée, afin d’en déployer pleinement tous les effets, cette sympathique philosophie peut se révéler finalement bien intéressante…
Pour réaliser notre petite expérience, un cas d’école, jamais étudié ni mentionné par les équarrisseurs de la dictature hygiéniste, allez savoir pourquoi: le con.
Un con tout ce qu’il y a de plus simple, de plus courant, le con d’à-côté, le con bien dans ses godasses, content de l’être, un bête con, quoi.A présent, penchons-nous sur les conséquences de la vie de ce con sur son environnement et tentons d’en chiffrer l’impact. Ou, comme pourrait le dire Jean-Pierre Pernaut dans un improbable élan de lucidité: «Un con, combien ça coûte?» La réponse est, vous vous en doutez, cher et nous l’allons démontrer sur le champ.
Le con a un mauvais rendement et est contagieux.
Le con sur le lieu de travail, c’est la peste de l’entreprise, la gueule de bois du workaholic. Ce qui préoccupe vraiment le con au travail, c’est moins l’état de sa carrière que celui de ses collègues. Ainsi, le con dépense l’essentiel de son énergie à saper l’avancement et le moral des autres, partant du principe vaseux et nauséabond selon lequel la réussite d’un autre menace de facto sa médiocrité. Dès lors, l’ambiance au travail se dégrade au point que le rendement de l’ensemble du personnel, sa motivation alors contaminée de façon insidieuse et profonde (une des caractéristiques du con est son acharnement), chute misérablement. Et les résultats de l’entreprise d’afficher une mine aussi morose que celle du con est alors affable…
Le con encrasse les rouages déjà encombrés de l’appareil judiciaire.
Dans l’intimité de son foyer, le con connaît le même bonheur tranquille que sur son lieu de travail. Ainsi, le con, sûr de son fait, qui s’émancipe, qui s’aime en slip, aura la fâcheuse habitude de pourrir la vie de son entourage, compagne ou compagnon en tête. Et, naturellement, cela se finit en divorce, surtout pas à l’amiable, le con est aussi procédurier qu’il est mesquin: on ne le quitte pas sans le regretter, pense-t-il, tandis qu’avec l’énergie du désespoir il chargera son avocat de négocier un rabais sur la pension alimentaire en échange du chien un week-end sur deux. Et la multiplication des divorces pour raison de mariages de cons d’encombrer les cours de droit civil et de provoquer les lenteurs que l’on sait. Au prix/horaire du magistrat, je vous laisse imaginer l’ardoise aux frais du contribuable.
Le con est un virus dont le temps d’incubation est long.
Et les enfants qui ont eu des géniteurs cons peuvent en témoigner: les longues séances de psychothérapie forcées par une enfance bercée dans les bras d’un con ne s’avèrent souvent indispensables que bien des années après la majorité légale atteinte. A une moyenne de 150 boules les trois-quarts d’heure, ça fait suffisamment de divans pour assurer la pérennité d’Ikéa et Pfister réunis pour les siècles à venir.
Un pet de con dans son lit peut provoquer un ouragan aux antipodes.
Quoi que fasse le con, la façon dont il s’y prend provoque systématiquement des dégâts d’une rare ampleur. Ainsi, le con roule en 4×4 quand une Smart lui suffirait. Dès lors, le moindre accrochage, et dieu sait que les cons sont responsables de nombreux accrochages, soit qu’ils téléphonent en roulant, soit qu’ils se maquillent en conduisant, soit les deux à la fois, le moindre accrochage donc devient aussitôt cataclysmique, engendrant des frais de réparation, voire d’hospitalisation, aussi abyssaux que la dette genevoise. Si vous peinez à vous en convaincre, imaginez seulement l’effet d’une Porsche Cayenne conduite par une quinquagénaire peroxydée sous anti-dépresseur sur une Fiat Panda ou essayez d’aller manger le pare-choc d’une Range Rover lancée à 100 km/h sur un chemin vicinal.
On peut donc l’avancer ici sans peine: la théorie du pollueur-payeur appliquée au ménage social peut s’avérer payante, à condition de jouer du cumul des primes. Imaginez seulement que notre bon con soit en plus fumeur et obèse, alors là, c’est quine, double-quine et carton! Et le panier garni va à la dame là-bas au fond, avec le chandail mauve en angora qui vient de gifler son fils.
Remerciements particuliers à: L., J., mon voisin, sa copine blonde et son pitbull, mon père, ma régie, mon ancienne concierge, la caissière de la Migros de Plan-les-Ouates, les chauffeurs de taxis lausannois en général.
Le mois prochain: pensez à vous laver le cul avant d’aller chez le dentiste, on ne sait jamais.
