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Le temps des Kings

Drôles, hystériques ou poétiques, les shows de Drag Kings font leur apparition en Suisse. Rencontre avec deux adeptes du genre.

Doit-on parler de deuxième vague dans le mouvement des Drag Kings? Après le choc provoqué en 2001 par Venus Boyz – le film qui a largement dévoilé que dans le monde des Drag, il n’y avait pas que des Queens, mais aussi des Kings –, après les premiers workshops qui ont suivi et la visite des plus grandes (par exemple les Kingz of Berlin à Zurich en mai 2002), c’est au tour des Drags Kings «Swiss made» de se révéler. A la Gay Pride 2004 de Genève, puis aux derniers Swiss Art Award (Kunstmesse de Bâle), les portraits-photos de Judith Schönenberger avaient déjà montré la tendance. Aujourd’hui, au fond des squats et des centres culturels alternatifs, entre Bâle, Berne et Zurich, les Kings montent sur scène.
Zurich, le 14 janvier 2005. Sündikat, groupuscule composé majoritairement de femmes aux âges et parcours fort différents et que seule la queer attitude rassemble, organise sa première soirée Drag. Le show se déroule dans un squat zurichois situé dans une petite rue, à la frontière d’un quartier industriel. Là, dans une lumière rare, l’ambiance est plutôt bon enfant, avec un public qui s’amuse des genres: quelques hommes et surtout des femmes grimées ou non, se la jouant mec à fond (cravate, look B-Boy); ou préférant mélanger moustache et décolleté, barbe et robe. Du côté des «performers», l’ambiance est fébrile, après tout, c’est leur première soirée du genre. Elles tentent de maîtriser le léger chaos des préparatifs, à l’image du serveur qui officie déjà au bar, poitrine ajustée mais perruque et maquillage point encore mis.
Alors, à quoi ressemble la Drag King helvétique? A rien. A tout. Multiple, souvent drôle, assez surprenante, elle se défoule généralement sur fond musical, presque toujours en version play-back. Sur la mini-scène, les personnages se succèdent… Une rappeuse en robe de soirée, un Jimi Hendrix à perruque rose et bouc de paillettes, des femmes en hommes cosmonautes sur le point de craquer l’un pour l’autre, un présentateur jouant les effarouchées en mini et perruque, une modératrice-caméléon dont on ne sait pour finir plus très bien quand elle transgresse son genre: en timide poupée habillée de blanc ou en tenue de garagiste et gode au vent. La démonstration peut être drôle et se jouer des poses latino. Ou poétique, avec un homme travesti en diva parisienne et qui se change en homme; sérieuse, bonnet de laine et look afro à l’appui; hystérique avec un boys-band qui finit son show par un généreux lancé de (faux) sperme au public…
La Drag King helvétique offre un show encore balbutiant, mais ô combien rafraîchissant où s’entremêlent théâtralité, fougue, humour, paillettes et moustaches. Rencontre avec deux protagonistes de cette soirée.

Ma première «draging»party
Ce soir-là, Aline s’est transformée en Pequito. Le temps d’une chanson aux relents sud-américains, elle était ce petit mec très con, très macho et aux cheveux gominés du duo qu’elle a formé avec Susana. Pequito «c’est le pauvre type qui se la joue bagnole, chaînette en or et drague lourde. Du genre: «Hé, ciao, tu fais quoi ce soir? Tu montes dans mon loft?»… Fatiguant, quoi!»
Pequito est un être éphémère. La veille du show, il n’existait pas encore. «Lors des répétitions, on a essayé toutes les combinaisons: Susana en homme, moi en homme, moi en femme jouant le rôle de l’homme, moi en homme… Cette dernière était la plus convaincante pour cette fois. Mais je peux m’imaginer endosser le rôle de la super pouffiasse.» Le lendemain, il n’existait déjà plus.
Rien à voir avec un double, une part de son soi intérieur qu’il s’agirait d’exprimer. «Je n’ai pas de personnage attitré. Susana et moi, on cherche d’abord des musiques et ensuite on invente les personnages.»
Pour Aline, il s’agit d’une comédie. Ne faisant pas partie de Sündikat, c’est en jouant les figurantes dans un petit film underground zurichois que cette Romande a eu vent de la soirée et s’est lancée dans l’aventure. Mais plus qu’au ciné, c’est à la tradition du cabaret qu’elle fait référence pour parler de sa performance de Drag King. Un cabaret tendance comique. «On peut faire passer plein de messages avec l’humour. Quand j’ai vu Bridge Markland à la Reithalle de Berne, j’étais sciée. Son show était si parfait, si parlant et si drôle.»
«C’est vrai que je ne suis pas une pro du queer. Je connais mal l’histoire des Drag Kings. Mais j’adore jouer avec cette tension entre masculin et féminin. Et si je peux faire du cabaret dans le milieu qui est le mien, le milieu gay, ce serait vraiment bien.» Et ce premier essai l’a convaincue de continuer. Sur sa prochaine liste d’achat figurent déjà poils de pacotilles et colle pour peaux sensibles. Enthousiasmée, elle rêve de jouer Elvis et Danny Briant, se lance pour défi suprême de faire un duo Piaf-Aznavour… Elle se prend même à imaginer importer les shows Drag en Suisse romande.
Pourtant l’expérience a aussi été légèrement troublante. «Après le show, des filles m’abordaient pour me dire combien elles trouvaient Pequito génial. Elles ne parlaient pas du show, non, mais de moi, enfin du personnage… Je me faisais draguer alors que j’étais dans la peau d’un mec qui m’est totalement antipathique. C’était fou!» Elle, plutôt philo, et lui super matérialiste, elle, plutôt écolo, et lui conducteur invétéré de Ferrari… Autant prendre ce décalage avec humour: «A un moment, je me suis demandée si je devais revêtir un t-shirt du WWF, histoire de montrer ma vraie personnalité.»

Une Américaine à Zurich
Chewing-gum. Quand Nicole parle le suisse-allemand, elle a l’accent chewing-gum. Normal, pour une Américaine. Comment voulez-vous qu’elle se mette à rouler les «r» à la zurichoise? Pour le reste, Nicole, débarquée il y a cinq ans sur les bords de la Limmat parce qu’elle avait envie de mieux connaître le pays d’origine de son père, se meut sans problème apparent dans l’univers underground zurichois. «En fait, il a fallu que je découvre Sündikat pour trouver un lieu où je me sentais vraiment bien.»
Dans ce groupe, elle y a débarqué en avril 2004 lors d’une soirée d’inauguration, un peu par hasard et pas mal parce que tout ce qui est «trans» l’intéresse. «Ici, en Suisse, tout est encore très nouveau. La culture queer n’est pas si affirmée. Le terme reste même injurieux…. Alors on reste discrète.»
Un mouvement balbutiant en regard de sa bio, imprégnée de musique alternative et de culture féministe. Tout ce qui lui a permis de s’évader de sa banlieue natale. Un bled près de Pittsburgh, qu’elle ne se donne même pas la peine de nommer. «Là-bas, tu ne peux rien faire sans voiture. Et puis, tout est tellement… straight*!» Bref, pas vraiment le pied pour une lesbienne! A l’adolescence, heureusement, elle découvre qu’«il existe une alternative à Madonna» et plonge dans l’underground musical: clubs, radios, events… Elle passe derrière les platines et s’appelle bientôt Jenny Woolworth. Sa spécialité? Le punk féminin.
Toujours pour s’évader, elle participe encore aux Riot Grrrls, mythique réseau féministe, reliant des femmes de l’ensemble des Etats-Unis grâce à la poste. «Le principe est simple. Tu écris un texte, bricoles un pamphlet, dessines une œuvre et tu l’envoies à 100 personnes. En retour, elles t’écrivent aussi. C’est un échange d’idées.»
Son nom de djette radicale, Jenny Woolworth, elle l’a gardé en venant à Zurich. Mais dans le grenier du squat qui fait office de lieu de rendez-vous du groupe, Nicole est aussi parfois Scout. Son double masculin. Un personnage qu’elle ne dévoile que rarement. Et surtout pas sous les projecteurs: la soirée Drag King, il la passera dans les coulisses à s’occuper de la sono. «Je ne lui ai pas donné une personnalité, il n’a pas de rôle à jouer. Je sais seulement que c’est un garçon assez jeune… Un jeune scout, quoi. De toute façon, vu ma stature, je ne pourrais pas être autre chose. Je serais ridicule en gros mec viril!»
Proche physiquement, Scout matérialise simplement une réalité: «Il m’arrive parfois, suivant ma coupe de cheveux, suivant mes fringues, que les gens me prennent pour un garçon de 12, 14 ans.» Une petite part de masculinité qu’elle trouve évidente. «Je ne me sens pas mec… mais je ne me sens pas femme à 100% non plus.»
Ni masculin, ni féminin, avec ou sans moustache, sous son pseudo d’artiste ou non, Nicole reste Nicole à 100%. D’ailleurs, personne ne l’appelle ni Jenny ni Scout. Aujourd’hui, elle se sent si bien sur les bords de la Limmat qu’elle se lance dans l’organisation de sa première manifestation d’envergure: Ladyfest. La fête des femmes artistes qui se déroulera au mois de septembre et accueillera des femmes, uniquement des femmes, artistes. A suivre.

* hétéro