Au milieu de la polarisation, des bancs LGBTIQ+ lausannois

Entre vandalisme, enfarinage et récupération politique, les bancs aux couleurs LGBTIQ+ lausannois révèlent un climat de tension où la visibilité queer devient un champ de bataille symbolique.
À Lausanne, une personne s’est filmé en train de repeindre en blanc un banc arc-en-ciel, tout en récitant la Bible. Quelques semaines plus tôt, un élu PLR s’était fait enfariner lors de l’inauguration officielle de ces bancs LGBTIQ+.
Pendant que certain·e·x·s repeignent, d’autres enfarinent et au milieu, une ville qui pensait offrir un geste de paix.
Ces onze bancs colorés, installés dans différents quartiers, se voulaient un symbole de visibilité et d’inclusion. Mais dans un climat où les attaques contre les personnes LGBTIQ+ se multiplient, chaque couleur devient une cible.
La visibilité queer n’a jamais été neutre: elle protège autant qu’elle expose.
Un climat de tension et de crispation
Car ce qui se joue ici dépasse le trottoir lausannois.
Partout en Europe, un vent réactionnaire souffle: attaques contre les personnes trans, reculs des droits des femmes, nostalgie de l’ordre et du “naturel”. Les réseaux sociaux attisent la haine, les politiques jouent la peur, et la rue devient un terrain d’affrontement symbolique.
Dans ce contexte polarisé, la colère se comprend. La récupération institutionnelle aussi. Mais faut-il, dans un moment où l’extrême droite gagne du terrain, enfariner un élu « dit allié » venu soutenir une action de visibilité queer?
La question mérite d’être posée, non pour condamner, mais pour réfléchir: à qui profite la division, quand nos existences sont déjà si fragilisées?
Ce pour quoi on s’est battu·e·x·s
La communauté queer ne s’est pas battue pour des bancs peints aux couleurs ses drapeaux.
Elle s’est battue pour des droits concrets: pouvoir s’aimer sans peur, être respecté·e·x, se soigner sans jugement, avoir accès au logement, au travail, à la dignité, à la sécurité etc.
La visibilité compte, oui, mais elle ne suffit pas. Peindre un banc ne remplace pas une politique publique. Il ne s’agit pas de mépriser ces gestes symboliques. Pour beaucoup, ils réchauffent, ils rassurent.
Mais il faut rester lucide: les couleurs ne protègent pas, et parfois, elles attirent les coups.
Sous la peinture, une société polarisée
La vérité, c’est que tout le monde a ses raisons. Les institutions veulent apaiser, les militant·e·x·s veulent des actions concrètes, les réactionnaires veulent effacer. Et au milieu, la communauté continue de vivre, de créer, de résister.
Peindre un banc, c’est bien.
Mais ce pour quoi on s’est battu·e·x·s et qu’on continue à se battre, c’est pour pouvoir s’y asseoir, tranquillement, sans avoir peur.
