Les plans d’action de la décennie
Conseiller municipal Vert à Genève et bientôt ex-coprésident de PinkCross, Yves de Matteis nous dévoile de quoi l’avenir de la politique LGBT en Suisse sera fait.
Véritable routard de l’associatif gay, ce linguiste de formation aimerait désormais se consacrer pleinement à la politique où « tout va beaucoup plus vite ». Après avoir été l’un des artisans d’une motion plaçant Genève à la pointe de la lutte contre l’homophobie, il nous présente plus en détail ce projet, ainsi que les directions que pourrait prendre le militantisme homo durant la décennie qui s’ouvre.
– En novembre dernier, le conseil municipal genevois a voté à l’unanimité en faveur d’une Coalition des Villes contre l’homophobie et la transphobie. En quoi celle-ci consiste-t-elle ?
– Lors des violences qui avaient accompagné la Gay Pride de Belgrade, la conseillère municipale genevoise Ariane Arlotti voulait déposer une motion pour dénoncer la montée de l’homophobie en Europe. J’avais pour ma part proposé de lancer une Coalition des Villes sur le modèle de celle déjà existante sur le thème du racisme. Car, très souvent, quand les pays sont conservateurs, les villes et les régions sont bien plus progressistes. En Suisse, l’UDC est le 1er parti national, alors que les Villes suisses sont plus ouvertes, voire à gauche. Preuve de ceci, la motion sur la coalition a récolté les voix de tous les partis présents au Conseil municipal genevois, y compris l’UDC, ce qui serait inimaginable au plan national, voire cantonal.
– Quel sera alors le rôle de la ville de Genève ?
– Tout d’abord, lancer l’idée. Mais on pourrait aussi imaginer que, pour les quatre premières années, le secrétariat de la future coalition soit basé à Genève, qui grâce à son aura internationale, notamment au niveau des droits humains, pourrait susciter une plus grande adhésion au projet. Mais la décision appartiendra in fine à la coalition elle-même, dont les statuts pourraient être adoptés en marge de la conférence mondiale de l’ILGA à Stockholm en 2012. Au niveau des actions concrètes, il s’agira d’échanger des bonnes pratiques entre les différentes villes membres, mais la coalition aura avant tout une portée symbolique très forte.
– Ce projet n’a-t-il pas comme effet pervers de concentrer plus encore les moyens associatifs dans les centres urbains, au détriment des régions périphériques ?
– Il est vrai que les villes qui y participeront seront a priori déjà convaincues. Mais nous pouvons tout à fait imaginer qu’une partie des cotisations des membres soit redistribuée par l’ILGA afin de financer des projets dans les régions les plus problématiques, ou pour mieux défendre les droits des personnes lgbt à l’ONU, puisque – et c’est aussi le message fort de cette coalition – il s’agit de dénoncer le fait que sept pays pratiquent punissent l’homosexualité de la peine de mort, ou, pour plus de septante autres, par des peines de prison.
– En ce qui concerne PinkCross, quel est le plan d’action pour les années à venir ?
– Sur la base d’un sondage réalisé en 2009 par rapport aux priorités de nos membres, plusieurs thèmes ont émergé. Dans l’immédiat, nous concentrerons nos actions sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre à l’école, les tentatives de suicide étant encore bien plus fréquentes chez les jeunes homosexuels. De plus, nous tenterons de faire adopter un dispositif légal antidiscriminatoire comme c’est déjà le cas pour le racisme. La décision du Tribunal fédéral de ne pas condamner les propos homophobes de l’UDC valaisan Grégory Logean démontre les lacunes en la matière. Parallèlement, il faudra aussi militer pour une meilleure défense les droits lgbt au plan international, et lutter contre l’homophobie sur le lieu de travail. Par la suite, dans cinq à dix ans, s’il y a une mobilisation suffisante, le thème du mariage pourrait être relancé. Une large étude sur la population LGBT en Suisse serait également, selon moi, souhaitable afin, par exemple, de visibiliser l’homoparentalité et mieux identifier les violences homophobes. Ces axes pourraient être lancés en 2011, si la LOS et l’assemblée générale de PinkCross du 26 mars à Berthoud – on espère une large participation – valident ce plan de travail. L’homoparentalité pourrait aussi venir sur le devant de la scène à l’occasion de diverses jurisprudences ou jugements.
– Et au niveau des partis politiques, quelle forme prendra le militantisme LGBT?
– Chose nouvelle, tous les grands partis politiques suisses ont aujourd’hui une section homosexuelle, ce qui permettra de sensibiliser les plus conservateurs d’entre eux. Ce sera essentiel, par exemple, lors du futur examen d’une motion UDC visant à supprimer le remboursement par les assurances sociales des traitements pour les personnes transgenres. Face à une tendance populiste croissante, le rôle de ces sections gays et lesbiennes pourrait être très important.
