Piche, pour renaître mille fois sur scène
Il y a des artistes qui explosent les cases. Piche, elle les brûle doucement. Drag queen, chanteuse, rappeuse, danseuse, performeuse… Elle est de retour sur nos écrans dans Drag Race France All Stars, dans nos casques avec son nouveau son “Carré” et dimanche sur la scène du Paléo. Piche incarne une génération queer qui avance les yeux grand ouverts, le cœur tendu, et la voix bien posée.
RENCONTRE. Quand on lui demande d’où elle vient, elle répond avec une franchise désarmante: «Je viens d’Arles. J’ai vingt-huit ans mais dans ma tête, je me suis arrêtée à vingt-cinq.» Son parcours, pourtant, à l’intensité de plusieurs vies entremêlées. On a découvert Piche en 2023 dans Drag Race France, mais la scène, elle la pratique depuis toujours. D’abord la danse, puis la comédie musicale, les cabarets, les podiums de la fashion week. «Je me souviens de moi à quatre ans, qui danse dans le garage de ma grand-mère avec un t-shirt sur la tête et ses claquettes aux pieds. Je dansais sur Shakira. Évidemment.»
«Je pense que j’étais déjà drag sans le savoir.»
Cette tendresse enfantine n’efface pas les blessures. Dans sa première participation à Drag Race France, elle confie avoir été outée à 13 ans par son copain de l’époque, ce qui l’a contrainte à quitter le foyer familial. Une violence fondatrice, mais pas définitive. Elle continue à danser. À 15 ans, elle entre au conservatoire à Avignon, puis se forme à Marseille. À 18 ans, elle monte à Paris et commence à travailler dans le milieu du spectacle.
«Je ne me sentais pas légitime.»
C’est Jean Paul Gaultier qui la met en drag pour la première fois. Une robe, une perruque, une révélation. «Je pense que j’étais déjà drag sans le savoir. Le drag, ça m’a juste permis de tout rassembler.» À commencer par la musique.
Longtemps, elle se l’est interdit. «Je ne me sentais pas légitime. Je me disais: à quoi bon, il y a déjà cinquante mille personnes qui font du guitare-voix. Mais avec le drag, j’ai eu l’impression d’avoir quelque chose à dire, à montrer, à offrir.» Elle écrit ses textes avec son frère jumeau Morgan — elle apporte le chant, lui le flow. Ensemble, ils créent une fusion unique: queer, intense, inclusive. «Je réécris souvent les paroles pour qu’elles parlent à tout le monde, mais surtout à nous.»
«Je suis libre.»
Son premier EP, Festin, est un laboratoire d’identités musicales: un peu pop, un peu rap, un peu piano, beaucoup elle. «Chaque chanson naît différemment. Certaines à la salle de sport, d’autres dans le silence total. Je cherche encore. » Elle aime Nayra, Clara Charlotte (deux recrues de Nouvelle Ecole), Théodora. Elle cite Céline Dion et Gaga comme figures fondatrices, mais ne veut ressembler à personne. «Si un jour j’ai envie d’être Beyoncé et le lendemain Juliette Armanet, je peux. Le drag me permet ça. Je suis libre.»
Piche vient de drop son nouveau morceau « Carré ». Elle l’a dévoilé dans un talent show inattendu lors du premier épisode de Drag Race France All Stars le 10 juillet 2025 au côté de Moon.
«Je n’allais pas descendre de ce pont, peu importe ce qui tombait du ciel.»
Libre, mais pas déconnectée. Quand elle est invitée à performer à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, elle est trempée de pluie, aveuglée par les projecteurs, mais déterminée. « Je savais que j’étais devant deux milliards de personnes. J’ai perdu mes lentilles, mes faux-cils, mes sourcils coulaient, mais j’ai vécu ma meilleure vie. Je n’allais pas descendre de ce pont, peu importe ce qui tombait du ciel.»
Aujourd’hui, Piche sillonne les scènes francophones, avec un objectif clair: offrir des concerts comme des refuges. «Je veux que les gens se sentent en sécurité. Qu’iels soufflent. Qu’iels soient libres d’être qui iels sont, sans avoir à se justifier.»
Dans un monde qui nous demande en permanence de choisir un genre, une case, une fonction, PICHE répond par la multiplication. Elle est tout à la fois. Et c’est précisément ce qui fait sa force.
